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Sam, Nov

«Ce faible taux de croissance ne va pas compromettre les relations entre le Sénégal et les bailleurs de fonds»

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«Ce faible taux de croissance ne va pas compromettre les relations entre le Sénégal et les bailleurs de fonds»

L'OBS - Dans une récente publication, l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd) a indiqué que le taux de croissance du Sénégal est de 2,6% en 2013. L’économiste Moubarack Lô analyse dans cet entretien, les causes de cette contreperformance et ses incidences sur les relations entre le Sénégal et les bailleurs de fonds.

Selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd), le taux de croissance du Produit intérieur brut (Pib) n’a atteint que 2,4% en 2013, contrairement aux prévisions, qui tournaient autour de 3,7%. Quelle analyse en faites-vous?

Il faut bien distinguer une estimation et une prévision. Le ministère des Finances dont dépend la Direction de la prévision et des études économiques (Dpee) fait des prévisions. C’est d’ailleurs sur cette base que le budget est établi. Les prévisions servent à établir des objectifs de recettes, tandis que les prévisions sont faites à certaines périodes de l’année. Dans un pays comme le Sénégal, le secteur primaire dépend beaucoup de la pluviométrie, qu’on ne maîtrise pas. Il y a aussi beaucoup d’autres facteurs qui sont incertains dans la campagne agricole, comme la qualité des semences, les surfaces emblavées par les agriculteurs. Cela rend le secteur difficile à prévoir. Mais on peut penser qu’avec l’expérience des années passées, les services peuvent toujours réduire des erreurs de prévision. L’année dernière était une année surprenante, parce que le gouvernement avait distribué des semences que les paysans n’ont pas récupérées, en partie parce que c’était cher. Les services de prévision ne pouvaient pas prévoir cette donnée, ensuite, la campagne s’est installée très tardivement. C’est juste pour signaler qu’il ne faut pas s’étonner de l’erreur de prévision qui a été commise pour le secteur primaire. Même en corrigeant les erreurs de base, la Dpee n’a pas pu, au moment de boucler sa prévision, établir ses impondérables. Il faut voir si la prévision a publié les estimations car logiquement, pour éviter des divergences, la Dpee doit se limiter à faire des prévisions avant la réalisation et la statistique vient après pour faire l’estimation. Mais la prévision était obligée de s’engager sur l’année 2013 dans le budget et sur l’année 2014. Cependant, c’est un faux débat que de vouloir attaquer la Prévision pour ne pas avoir réalisé sa prévision.

Sur l’année 2013 toujours, c’est vrai que la croissance n’a pas été fameuse car en dehors même du secteur primaire, qui a connu une croissance négative, le secteur secondaire a presque stagné. C’est encore plus inquiétant, depuis quelques années, c’est comme si on assistait à un essoufflement de notre tissu industriel, qui n’arrive plus à contribuer fortement à la croissance. N’eût été le secteur des services, la croissance allait être négative en 2013. Cela veut dire qu’il y a aujourd’hui un besoin urgent de cerner les difficultés du monde agricole. Malheureusement, le Pse n’a pas pu le faire, parce que c’est un Plan qui ne s’est pas beaucoup attardé sur la production agricole. Le secteur secondaire est à l’abandon aujourd’hui, là également, le Pse n’a pas pris le soin de donner des solutions pour les secteurs en difficulté. Il n’a fait que proposer des solutions à long terme, sans s’attarder sur la résolution des problèmes urgents des secteurs qui portent la croissance aujourd’hui. Il y a comme un chaînon manquant entre le vécu réel des secteurs et les propositions du Plan, qui sont du domaine plutôt du rêve aujourd’hui. Très rapidement, le gouvernement doit tenir un dialogue avec les secteurs en difficulté. On parle de la relance des entreprises en souffrance, mais on ne voit rien revenir.

Ce taux de croissance va un peu doucher l’optimisme du gouvernement, est-ce que cela peut amener les institutions financières à reconsidérer leurs appuis au Sénégal?

Ce n’est pas la même chose car il faut distinguer deux éléments. D’abord, le Pse ne sera mis en œuvre qu’à partir de 2014, 2013 n’étant pas concerné. L’important, c’est de tirer les leçons des erreurs commises et l’erreur commise, c’est d’oublier que les secteurs qui tirent la croissance sont en difficulté et ne sont pas aidés. Plutôt que d’aller monter des projets faramineux, autant aider ces secteurs à redémarrer. Les industries chimiques connaissent aujourd’hui des difficultés certaines, mais l’Etat ne prend pas ce problème à bras le corps en prenant les mesures qui s’imposent. Maintenant concernant le futur, cela ne va pas compromettre les relations entre le Sénégal et les bailleurs de fonds. Ces derniers n’ont pas signé un contrat de performance avec le Sénégal pour la réalisation du taux de croissance de 7%. Ce qui intéresse plutôt les partenaires au développement, qui sont venus appuyer le Sénégal au Groupe consultatif de Paris, c’est d’améliorer le capital humain, les infrastructures. Le Sénégal a mis l’accent sur le volet croissance, mais les bailleurs ont soutenu plutôt les projets traditionnels. Il ne faut pas en arriver à un dialogue de sourds en se faisant juger sur des critères dont les bailleurs n’ont cure. La Banque mondiale ne va pas baser son appui au Sénégal sur des critères de croissance. Maintenant sur le moyen terme, si le Sénégal veut bénéficier de financements additionnels pour des pays à hauts potentiels, certaines institutions financières peuvent maintenir le pays dans le premier lot des pays qui ont des besoins élémentaires et non d’appui aux secteurs productifs.

A vous entendre parler, il n’est pas exagéré de dire qu’avec le Pse, le gouvernement a mis la charrue avant les bœufs?

Le fait d’avoir fait 2,6% en 2013 va même faciliter la réalisation de 4,6% en 2014. Quand vous avez une croissance moins forte que ce qui était prévu dans une année, l’année suivante, vous avez plus de chance d’avoir une croissance plus élevée. Le Sénégal a ainsi plus de chance de faire 5% en 2014 après avoir fait 2,6% en 2013. S’il avait fait 3,7% en 2013, il lui serait très difficile de faire 5% en 2014. Aujourd’hui, c’est plus facile de faire 5% car il y a ce qu’on appelle le rattrapage, il suffit que la campagne agricole augmente de 10%, les services de 5% et l’industrie connaisse une  croissance de même de 2%, pour réaliser 5%. Effectivement, le Pse s’est appuyé sur le futur en sautant les priorités du moment.

IBRAHIMA DIAKHABY

source: http://www.gfm.sn/actualites/item/13363-ce-faible-taux-de-croissance-ne-va-pas-compromettre-les-relations-entre-le-senegal-et-les-bailleurs-de-fonds.html