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Doulaye Koné de l’équipe Eau et Assainissement de la Fondation Bill et Melinda Gates affirme, au cours de cet entretien, que les interventions de leur fondation visent à faciliter un accès durable à l’assainissement autonome à des milliers de Sénégalais. Il donne un avis favorable à la délégation de la gestion des stations au secteur privé et recommande aux autres pays de s’inspirer du modèle sénégalais qui aura des retombées positives en termes de rentabilisation des stations de boues de vidange.
Monsieur Doulaye Koné, pouvez-vous revenir sur les projets que la Fondation Bill et Melinda Gates est en train de dérouler au Sénégal ?
La Fondation Bill et Melinda Gates est guidée par la conviction que chaque vie humaine est égale. Elle s'efforce d'aider toutes les personnes à vivre une vie saine et productive. Au Sénégal, nous travaillons avec le gouvernement et des partenaires sur un nombre de projets importants, notamment la santé de la famille, surtout la planification familiale, l’urgence humanitaire (pendant les inondations) et l'assainissement. Nous avons aussi des partenariats et des investissements dans le domaine du plaidoyer et des politiques publiques en relation directe avec le gouvernement, mais aussi avec le secteur privé. Et enfin, nous contribuons à des fonds globaux dans le domaine de la vaccination et de la lutte contre les maladies infectieuses et non transmissibles. En ce qui me concerne, je fais partie de l’équipe Eau, Assainissement et Hygiène de la Fondation Bill et Melinda Gates. Et ici au Sénégal, nous travaillons à développer des outils et des technologies qui peuvent conduire à des améliorations durables et importantes de l'assainissement autonome, et ce, pour le bénéfice des familles les plus démunies. Nos investissements visent à développer l’assainissement autonome et la filière de gestion des boues de vidange issues de latrines et fosses septiques, modèle utilisé par plus de 90 % des Sénégalais et par la grande majorité des africains. Le tout à l’égout est extrêmement cher pour les plus pauvres, et il est également coûteux à construire et à entretenir. Il faut rappeler que malheureusement, aujourd’hui dans le monde, 2,5 milliards de personnes n’ont pas accès à des toilettes adéquates et environ 1,1 milliard de personnes défèquent à l’air libre.
Comment la Fondation compte-t-elle appuyer le Sénégal et d’autres pays du continent à utiliser les technologies inspirées des réalités socioculturelles africaines en matière de construction des ouvrages et des installation sanitaires ?
Les investissements que la Fondation Bill et Melinda Gates fait dans le domaine de l’assainissement autonome visent à mettre à disposition de tous les acteurs les outils de gestion et les technologies qui permettent de faire de l’assainissement un secteur marchand, tout comme celui de la téléphonie ou de l’eau potable. Avec les innovations technologiques disponibles aujourd’hui, il est possible de produire du gaz, de l’engrais et de l’électricité à partir du traitement de matières fécales. Ne vous méprenez pas ! Tout ce que nous consommons au quotidien constitue de l’énergie. Une partie est transformée par notre organisme pour nos besoins physiologiques et l’excès est rejeté sous forme d’urine et d’excréments.
Les procédés de traitement permettent également d’éliminer tous les pathogènes. Les nouvelles technologies de toilettes réinventées sur lesquelles la Fondation travaille avec ses partenaires éliminent non seulement les pathogènes mais aussi valorisent ou transforment sainement les matières fécales et traitent l’eau pour se nettoyer, laver les mains ou recycler dans la chasse. Nous travaillons également avec un grand nombre d’acteurs de développement parmi lesquels on retrouve des Ong, des organisations bilatérales ou multilatérales, et des représentants du secteur privé, pour conduire un plaidoyer au niveau des décideurs, promouvoir les bonnes pratiques et accélérer l’accès aux services d’assainissement. À titre d’exemple, on peut citer le Conseil africain des ministres en charge de l’eau (Amcow), la Facilite africaine de l’eau (Fae), l’Agence panafricaine eau assainissement pour l’Afrique (Eaa), l’Association africaine de l’eau (Aae), WaterAid, Plan, la Banque mondiale et son Programme eau assainissement, de même que les institutions des Nations unies.
Quelles sont les retombées que les pays comme le Sénégal pourraient tirer en construisant des installations sanitaires ?
Les récentes études de la Banque mondiale en Afrique montrent que les pertes économiques dues au manque d’assainissement sont astronomiques. On estime que l’impact du manque d’assainissement affecte les indicateurs de croissance économiques, tels que le Pib de 1 à 2,5% en Afrique subsaharienne. La même étude estime ces pertes à environ 5,5 milliards de dollars américains par an pour 18 pays africains. Représentant ainsi plus de la moitié de la population africaine.
Le manque d’assainissement est responsable de la mort d’environ 700.000 enfants de moins de 5 ans chaque année dans le monde. Les maladies liées au péril fécal affectent la capacité d’absorption des nutriments dans le corps et impactent sur le développement mental et physique de l’enfant. Pour les jeunes filles et les femmes, le manque d’accès à des toilettes peut être la cause d’échecs scolaires, d’agressions sexuelles (nocturnes) ou d’humiliations.
Pour remédier à cela, il faut innover en développant des technologies qui éliminent les germes des déchets humains et créer des modèles de services équitables et abordables pour tous, surtout pour les ménages les plus démunis. C’est le sens du Programme de structuration du marché des boues de vidange mis en place par l’Office national de l’assainissement du Sénégal (Onas) et financé par la Fondation. Par une démarche scientifique, il s’agira de répondre aux questions qui se posent en termes d’organisation institutionnelle du secteur, de mobilisation et d’implication du secteur privé, ainsi que de l’utilisation des technologies de l'information. A cela il faudra ajouter la communication (Tic) pour une amélioration du service et de la mise en place d’infrastructures répondant aux besoins de collecte, de transport, de traitement et de valorisation des boues.
Les modèles de gestion d’ouvrages d’assainissement autonomes, comme celui que l’Onas met en œuvre au Sénégal, sont parfaitement adaptés à la plupart des villes africaines où la grande majorité des populations, entre 70 et 90%, utilisent des latrines ou font leurs besoins à l’air libre. Le modèle de Dakar présente un cadre qui permet aux entreprises privées de participer à des appels d’offres pour la fourniture de services d’assainissement. Il ne s’agit plus de construire et de laisser à l’abandon des toilettes, mais plutôt d’organiser le marché des services d’approvisionnement de toilettes et de la collecte et de la transformation des boues de vidange. Les nouvelles technologies permettent aux entrepreneurs d’offrir un paquet de services à haute valeur ajoutée pour le client, comme cela se fait aujourd’hui dans le secteur de l’eau, de la téléphonie mobile ou des connections aux câbles Tv auxquels nous sommes familiers. En outre, à travers ces réalisations, le gouvernement, avec ses partenaires de développement et le secteur privé, contribuera à l’économie et à la croissance économique du pays en créant davantage d’emplois pour les jeunes.
Pensez-vous que la délégation de la gestion des stations dans le cadre du Programme de structuration du marché des boues de vidange (psmbv) est une bonne option ?
Le Sénégal fait figure de pionnier en Afrique. Un exemple qui mérite de faire tâche d’huile. En plus de la volonté politique affichée par l’État, il y a aussi un secteur privé très fort, très compétent, qui pousse les autorités à formaliser leur existence. L’Association des vidangeurs mécaniques est un bel exemple d’opérateurs d’assainissement dynamiques, et leur professionnalisme a convaincu les autorités en charge de leur confier un rôle majeur dans la fourniture des services d’assainissement et dans la gestion déléguée des stations de boues de vidange.
Vous savez, les premières unités de traitement de boues de vidange construites depuis bientôt 10 ans sont encore fonctionnelles ; c’est une expérience inédite en Afrique. De nouvelles unités ont été récemment construites dans d’autres villes comme Mbacké, Diourbel, Tivaouane, Richard Toll et Mbour.
Apres 10 ans d’exploitation par l’Onas, et à la suite de plusieurs études sur les contraintes et les opportunités pour faire de la gestion des boues de vidange un secteur marchand, l’Office est finalement parvenu à la conclusion que les premières stations peuvent maintenant être confiées à la gestion du privé, dans une perspective d’optimisation et de rentabilité. C’est une grande première en assainissement, car c’est bien la preuve que l’Etat et le secteur privé sont parvenus, ensemble, à la conclusion que la rentabilité de l’exploitation de telles unités est possible. L’assainissement est donc un secteur marchand, un secteur créateur d’emplois et d’innovations, contrairement aux convictions passées.
Propos recueillis par Idrissa SANE SOURCE: http://www.lesoleil.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=38909:doulaye-kone-de-la-fondation-bill-et-melinda-gates-l-nous-allons-aider-le-senegal-a-faire-de-lassainissement-un-secteur-createur-demplois-r&catid=140:actualites