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Vous êtes un dirigeant ayant une vision internationale. Vous avez été dans beaucoup de pays du monde. Quelle est votre impression sur l’Afrique ?
J’ai été en Égypte en 2009, mais je n’ai pas vu toute l’Afrique. Le continent, comme je l’ai lu dans des livres, comprend l’Afrique du Nord composée des pays arabes et l’Afrique subsaharienne, et s’étend sur une terre vaste, fertile et pleine de merveilles. Il compte plus de 1 500 groupes ethniques et plus de 2 000 langues. L’Afrique, dotée d’une civilisation splendide et très ancienne, est considérée comme le berceau de la civilisation humaine. On y trouve l’intarissable Nil, le majestueux Kilimandjaro, la prestigieuse vallée du rift africain et la célèbre migration d’animaux au Massai Mara, avec des peuples simples, des chefs de tribu hospitaliers, des musiques ardentes et des danses chaleureuses. C’est un continent en pleine émergence et débordant de vitalité que je souhaite découvrir depuis longtemps.
Depuis le début du siècle, les pays africains ont ravivé l’esprit du panafricanisme pour avancer à pas de géant sur la voie d’une intégration africaine accélérée. Au cours de la dizaine d’années écoulées, l’Afrique a réalisé une croissance économique des plus rapides au monde, et des exploits dans le domaine du développement socio-économique. Aujourd’hui, l’Afrique affiche un grand dynamisme et montre un nouveau visage. Elle constitue désormais, on peut le dire, une force majeure dans la multipolarisation mondiale, un important marché émergent pour la reprise et l’intégration économiques dans le monde et aussi un représentant remarquable de la diversité du patrimoine mondial. J’admire l’esprit d’engagement et de solidarité que manifestent les peuples africains et je suis pleinement confiant dans l’avenir radieux du développement de l’Afrique.
Depuis plus d’un demi-siècle, les relations sino-africaines restent toujours solides et se développent sans discontinuer malgré les grands changements mondiaux. Selon vous, quelles en sont les raisons ?
La Chine et l’Afrique sont liées par une relation qui remonte loin dans l’histoire et une amitié qui se consolide au fil du temps. Depuis les années 50 et 60 du siècle dernier, la Chine et les pays africains, rapprochés par le même passé, se sont soutenus mutuellement dans leur combat solidaire et ont forgé une amitié profonde.
Un vieil adage chinois dit : « Il est facile d’avoir beaucoup d’argent, mais difficile de trouver de vrais amis. » Nous ne saurions jamais oublier que ce sont les frères africains qui nous ont portés à l’Onu et nous sommes toujours fiers d’avoir contribué à la construction du chemin de fer Tanzanie-Zambie. Parmi les aides internationales qu’ont reçues en 2008 les sinistrés du séisme à Wenchuan, celles en provenance de l’Afrique nous sont particulièrement précieuses. Dans des enceintes multinationales telles que les Nations Unies, la voix de la Chine pour défendre les droits et intérêts légitimes des nombreux pays en développement, dont les pays africains, est la plus ferme. Les peuples africains sont pour les Chinois bons frères, bons amis et bons partenaires, sincères et dévoués. Les relations sino-africaines, dépassant la distance géographique et les différences en matière de culture et de système, se caractérisent par la sincérité, la confiance mutuelle et la bonne entente et sont considérées comme un modèle de la coopération Sud-Sud.
La coopération sino-africaine a donné de vastes possibilités et une grande impulsion au développement de la Chine et de l’Afrique, et surtout contribué amplement au renforcement du poids de l’ensemble des pays en développement dans le monde et à la promotion de la cause du progrès de l’humanité. Nous entendons travailler ensemble avec les pays africains pour raffermir, sans cesse, la confiance politique mutuelle, approfondir la coopération dans les domaines de la paix et de la sécurité, rehausser la coopération pragmatique et intensifier les échanges humains, et faire progresser davantage le nouveau partenariat stratégique sino-africain.
On dit que c’est votre première visite en Afrique en tant que Premier ministre. Quel est l’objectif de cette visite ? Et quel message souhaitez-vous faire passer aux peuples africains ?
C’est ma première visite sur le continent africain depuis ma prise de fonction comme Premier ministre du Conseil des Affaires d’État chinois. C’est également mon premier déplacement à l’étranger pour cette année. Ce sera un voyage placé sous le signe de la continuité, de la coopération et de la solidarité, une occasion pour moi de parcourir le chemin de l’amitié ouvert par les dirigeants chinois et africains de l’ancienne génération, de mesurer la profondeur de l’amitié et de la solidarité entre les peuples chinois et africains, de constater sur place le dynamisme du développement socio-économique africain et d’écouter les attentes des Africains aspirant à une vie meilleure. J’ai une forte volonté de contribuer concrètement à l’approfondissement des relations entre la Chine et l’Afrique et à la promotion de leur coopération dans différents domaines au plus grand bénéfice des peuples chinois et africains.
Durant cette tournée, je me rendrai au siège de l’UA et j’y prononcerai un discours pour présenter les idées et propositions de la Chine sur la promotion des relations et de la coopération entre la Chine et l’Afrique dans la nouvelle époque. J’aurai, dans les quatre pays à visiter, des échanges de vues approfondis avec leurs dirigeants sur le renforcement des relations bilatérales et de larges contacts avec des personnalités de divers milieux. J’assisterai et ferai une intervention au Forum économique mondial pour l’Afrique, et je m’entretiendrai avec les dirigeants de pays africains présents au Forum de la promotion des relations et de la coopération bilatérales. Je rencontrerai également la communauté chinoise et des personnels des établissements chinois en Afrique. J’espère que ma visite permettra d’approfondir davantage l’amitié traditionnelle entre la Chine et l’Afrique, de rehausser la coopération pragmatique sino-africaine, de renforcer la solidarité et l’entraide entre les deux parties, de promouvoir le développement partagé de la Chine et de l’Afrique, et de mieux faire comprendre aux 1 milliard d’Africains que les 1,3 milliard de Chinois seront pour toujours leurs amis sincères et leurs partenaires fiables et que la Chine veut travailler avec l’Afrique pour perpétuer l’amitié sino-africaine.
Un proverbe africain dit : « Tout seul, on va plus vite. Ensemble, on va plus loin. » L’amitié sans cesse renouvelée et la coopération tous azimuts entre la Chine et l’Afrique sont à préserver avec beaucoup de soins par les Chinois et les Africains. La Chine entend travailler en toute sincérité et renforcer la solidarité avec les pays africains, et coopérer d’une manière mutuellement bénéfique avec eux pour promouvoir un développement partagé et réaliser au plus tôt les rêves glorieux du renouveau de la Chine et de l’Afrique.
On dit tous que la coopération sino-africaine est prometteuse. Où se trouvent les opportunités ? Quelles mesures concrètes la Chine prendra-t-elle pour faire avancer cette coopération ?
La Chine et l’Afrique, respectivement le plus grand pays en développement et le continent regroupant le plus grand nombre de pays en développement, sont toutes confrontées aux tâches pressantes du développement économique et de la modernisation. Depuis l’entrée au 21e siècle, la Chine et l’Afrique ont saisi les opportunités historiques offertes par l’approfondissement de la mondialisation et travaillé dans l’esprit de solidarité et de coopération gagnant-gagnant pour faire entrer leurs relations dans un « âge d’or ». Et elles ont toutes les deux beaucoup bénéficié de leur coopération. Actuellement, la Chine se trouve dans une phase cruciale du développement marquée par l’approfondissement global de la réforme et l’accélération de la transformation du mode de développement, alors que l’Afrique entreprend une nouvelle marche vers l’intégration, la prospérité et la renaissance du continent. La coopération sino-africaine s’offrira ainsi de nouvelles opportunités d’avancer à grandes enjambées. Durant ma visite, ensemble avec les dirigeants de pays africains et de l’UA ainsi que les représentants des entreprises chinoises et africaines, nous travaillerons dans un esprit pragmatique, innovant et entreprenant, pour faire le bilan du chemin parcouru, tirer les enseignements, identifier les insuffisances et explorer activement de nouveaux domaines, pistes et modalités de coopération de manière à porter la coopération sino-africaine tous azimuts à un niveau supérieur.La Chine et l’Afrique accroîtront les échanges et la coopération dans le domaine de la lutte contre la pauvreté pour promouvoir le développement partagé. La Chine compte plus de 100 millions de personnes vivant encore sous le seuil de la pauvreté, tandis que l’Afrique fait face à pas mal de difficultés et défis dans la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement. La lutte contre la pauvreté est un domaine phare de la coopération entre la Chine et l’Afrique, engagées l’une comme l’autre pour le développement économique et l’amélioration du bien-être social. La Chine entend partager avec l’Afrique ses expériences en matière de réduction de la pauvreté et de développement de l’agriculture, renforcer la coopération agricole et aider l’Afrique à former des compétences dans le domaine agricole. Le chemin vers le développement durable et une vie plus digne passe par la lutte contre la pauvreté. La Chine et l’Afrique renforceront leur coopération dans les domaines industriel et financier pour promouvoir l’industrialisation et le développement de l’industrie manufacturière du continent africain. L’Afrique est déjà sur une voie rapide de la croissance et marche résolument vers la modernisation. La Chine entend participer activement, avec les atouts qui sont les siens, à la construction d’infrastructures en Afrique pour une meilleure interconnectivité infra-africaine et renforcer par là sa coopération industrielle avec l’Afrique en l’aidant à développer, en priorité, l’industrie manufacturière à forte intensité de main-d’œuvre, à accroître l’emploi et à stimuler la consommation. En outre, la Chine aidera l’Afrique, par des moyens d’investissement et de financement innovants, à résoudre l’insuffisance de fonds. Au cours de ma visite, des accords de coopération seront signés entre les deux parties dans les secteurs routier, ferroviaire, aéronautique, électrique et autres.
La Chine et l’Afrique intensifieront leur coopération en matière de ressources humaines, d’écologie et de protection de l’environnement pour soutenir le développement à long terme de l’Afrique. Les ressources humaines sont la ressource la plus prometteuse du continent africain. La Chine entend renforcer la formation dans tous les domaines pour les pays africains, et notamment la formation professionnelle destinée aux jeunes Africains, pour aider l’Afrique à tirer profit pleinement et durablement de son dividende démographique. L’amitié entre les peuples repose sur la compréhension mutuelle. La Chine lancera une série de programmes d’échanges et de coopération socioculturels pour multiplier les échanges humains et renforcer la compréhension et l’amitié entre les peuples chinois et africains. Le vert reste toujours la couleur intrinsèque de l’Afrique. La Chine travaillera en étroite coopération avec l’Afrique et fournira un soutien financier à la protection des animaux sauvages et à la lutte contre le changement climatique sur le continent, de manière à faire progresser ensemble « une belle Chine » et « une belle Afrique ».
Ces dernières années, des médias ont évoqué des questions telles que le déséquilibre du commerce sino-africain, le manque de qualité de produits chinois exportés vers l’Afrique et le non-respect par des entreprises chinoises des lois et règlements du travail des pays d’accueil. Comment voyez-vous ces questions survenues dans la coopération sino-africaine ?
Avec le développement rapide sur tous les plans des relations entre la Chine et l’Afrique, la coopération entre les entreprises des deux parties rencontre des « ennuis pour grandir », de nouvelles questions se posent et appellent des solutions appropriées. Attachant une très grande importance à ces questions sans jamais les esquiver ou les dissimuler, le gouvernement chinois est prêt à engager des consultations sérieuses avec les pays africains dans un esprit de respect mutuel, de pragmatisme et d’efficacité pour y trouver une solution. Ici, je tiens à réitérer que la Chine continuera à développer sa coopération avec l’Afrique conformément aux principes de sincérité, d’égalité, de bénéfice mutuel et de gagnant-gagnant, en demandant à ses entreprises d’observer scrupuleusement les lois et règlements locaux, d’être responsables quant à la qualité des travaux et des produits et envers les consommateurs, et d’assumer leur part de responsabilité à l’égard de la société et de l’environnement des pays d’accueil. Dans le même temps, j’appelle les pays africains concernés à renforcer la régulation de marché et les mesures de sécurité, et à protéger dûment les droits et intérêts légitimes des entreprises chinoises en Afrique ainsi que la sécurité de leurs personnels. Dans l’ensemble, les questions apparues dans la coopération sino-africaine ne sont, après tout, que des cas rares et isolés, et l’approfondissement continu de cette coopération depuis ces dernières années représente le courant principal et la tendance générale. En 2013, le volume des échanges commerciaux entre la Chine et l’Afrique a atteint 210 milliards de dollars américains, soit 2 000 fois celui de 1960, faisant ainsi de la Chine le premier partenaire commercial de l’Afrique pour la cinquième année consécutive. À l’heure actuelle, plus de 2 500 entreprises chinoises sont présentes en Afrique, créant plus de 100 000 emplois locaux. L’année dernière, plus de 1,4 million de touristes chinois ont voyagé en Afrique, apportant d’importantes recettes en devises étrangères aux pays concernés. Selon un rapport du FMI, la coopération sino-africaine contribue déjà à hauteur de plus de 20% au développement de l’Afrique. Le « facteur chinois » s’affirme chaque jour davantage dans le développement de l’Afrique, et la coopération sino-africaine apporte des bénéfices tangibles aux peuples des deux parties et a devant elle de très vastes perspectives.
Comment voyez-vous l’allégation de certains médias selon laquelle la Chine pratique le « néo-colonialisme » en Afrique ?
La Chine et les pays africains sont bons frères et bons partenaires travaillant dans la solidarité pour le développement commun. Dans sa coopération avec l’Afrique, la Chine s’en tient toujours aux principes d’égalité, de bénéfice réciproque, de pragmatisme, d’efficacité, de sincérité et de respect des engagements, et de ne pas assortir ses aides à l’Afrique de condition politique. Elle est restée fidèle à ces principes depuis des dizaines d’années sans jamais s’en écarter. La coopération sino-africaine a contribué activement au développement de l’Afrique, notamment dans le domaine du progrès social et du bien-être de la population, l’objectif étant d’améliorer l’environnement de l’investissement sur le continent et la vie des Africains. De nombreux projets d’infrastructures réalisés avec l’assistance chinoise, comme des écoles, hôpitaux, stades et systèmes d’approvisionnement en eau et en électricité, ont facilité le travail et la vie des populations. Pour alléger le fardeau des pays africains dans leur marche en avant, jusqu’en fin 2013, la Chine a annulé au total 20 milliards de yuans RMB de dettes en leur faveur. Pour renforcer les capacités d’auto-développement des pays africains, la Chine a également travaillé énergiquement à promouvoir la coopération industrielle et financière avec eux pour les aider à mettre en place des systèmes indépendants et complets de l’industrie manufacturière et de l’agriculture modernes, afin de consolider sans cesse la base de la coopération sino-africaine. Cette coopération, mutuellement bénéfique et gagnant-gagnant, offre des opportunités à la Chine et à l’Afrique.
La Chine et de nombreux pays africains ont tous souffert dans le passé de l’agression étrangère et de l’occupation coloniale ou semi-coloniale. « Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l’on te fasse ». Voilà un concept traditionnel plusieurs fois millénaire de la Chine et un élément majeur de sa civilisation. Le soi-disant néo-colonialisme chinois en Afrique ne correspond ni aux traditions et cultures chinoises, ni à la réalité de la coopération amicale, de l’égalité et du bénéfice mutuel entre la Chine et l’Afrique. De nombreux dirigeants africains ont fait savoir publiquement que l’Afrique, qui avait subi le colonialisme, savait bien ce que ce mot signifie et que les pays africains ne se laisseraient jamais induire en erreur par une telle allégation. Je peux affirmer solennellement aux amis africains que la Chine ne s’engagera jamais sur le vieux chemin du colonialisme emprunté par d’autres pays et qu’elle ne permettra jamais aux agissements colonialistes du passé de se reproduire en Afrique. La Chine entend rester toujours ami fiable et partenaire fidèle des peuples africains et contribuer activement à la construction d’un beau continent africain.
Interview réalisée à Pékin par un groupe de journalistes africains
SOURCE/ http://www.lesoleil.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=39054:li-keqiang-premier-ministre-chinois--l-la-chine-est-a-lecoute-des-attentes-des-africains-r-&catid=78:a-la-une&Itemid=255