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INTERVIEWS -PERSONNALITÉS
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L’OBS – Quand le Secrétaire général de la Raddho est dans sa bulle, c’est une glace. Mais une fois qu’il ouvre la bouche, il crache du feu. Hier jeudi, on l’a retrouvé au nouveau siège de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho) sis à Mermoz, près de la Case des Tout-Petits (Dakar). Le successeur de Alioune Tine est vêtu d’un boubou traditionnel marron-beige, l’homme est lucide et froid dans ses analyses de l’actualité sénégalaise, piquant et tranchant dans ses propos. Dans cet entretien, il parle du recul des Droits de l’Homme au Sénégal, du combat qu’il mène contre la Cour de répression de l’enrichissement illicite (Crei), l’enquête indépendante que son organisation a commencée à faire sur la mort de l’étudiant Bassirou Faye…Et puis, lui le dit avec force quand d’autres le murmurent tout bas : «Le ministre de l’Enseignement supérieur et le ministre de l’Intérieur doivent démissionner.»  

 

Quelle est aujourd’hui la situation des Droits de l’Homme au Sénégal ?

 

 

La situation des Droits de l’Homme au Sénégal est assez mitigée. Dans la mesure où vous n’êtes pas sans ignorer que nous avons eu beaucoup de dossiers au Sénégal. Que ce soit sur le plan des droits civils et politiques, notamment les libertés d’expression, de manifestations, de réunions, d’associations et de culte. Mais nous avons constaté après l’alternance survenue en mars 2012, qu’il y a eu recul par rapport à la liberté de manifestation. Il y a eu plusieurs citoyens qui ont demandé la liberté de manifester et ces manifestations ont été interdites. Alors qu’on sait que la liberté de manifester est garantie par la Constitution du Sénégal, mais aussi par les conventions et traités signés et ratifiés par le Sénégal. En matière de libertés fondamentales, nous constatons qu’il y a eu une récurrence d’interdiction de manifestation. La plus récente interdiction, c’est celle du M23 patriotique qui a voulu manifester, mais le préfet de Dakar l’a interdit parce que ça coïncidait avec la fête du 15 août célébrée par la communauté chrétienne.

Notre organisation n’attendait pas moins que ça de la part du régime de Macky Sall. Parce que nous disons que le droit à la manifestation est consacré par la Constitution. Nous avons vu que par rapport à la liberté d’expression, des personnes ont exprimé leur opinion et ont été poursuivies pour offense, diffamation, etc.

«Des leaders politiques ont dit pire que Samuel Sarr et ils n’ont pas été inquiétés»

Samuel Sarr, ancien ministre et responsable libéral a été envoyé en prison pour offense au chef de l’Etat, est-ce que son emprisonnement est justifié?

Samuel Sarr a publié une contribution pour dire que le Président de la République aurait un compte de 7 milliards  de FCfa dans un pays étranger. Pourtant, nous avons entendu d’autres leaders politiques dire pire que cela, ils n’ont pas été inquiétés. Nous considérons que le président de la République est une institution que tout le monde doit respecter. Maintenant en ce qui concerne les libertés d’expression, les libertés d’opinion, nous considérons aujourd’hui que le Sénégal a atteint un niveau de démocratie où nous ne sommes plus dans un régime de parti unique ou des articles du Code Pénal comme l’article 80 reste toujours applicable. De tels articles doivent être dépoussiérés du Code Pénal, parce que le Sénégal a pris des engagements en ratifiant des instruments juridiques internationaux. Telle que la Charte africaine des droits de l’homme et des peuples qui consacre la liberté d’expression. S’il y a diffamation et offense, nous disons qu’il faut appliquer la loi. Nous devons veiller à appliquer la loi de façon légale et équitable.

Le fait de laisser les gens attaquer le Président de la République à hue et à dia, est-ce que cela ne risque pas de fragiliser l’institution qu’il représente ?

Nous disons que le président de la République est une institution. Du moment qu’il est élu, c’est le Président de tous les Sénégalais. Mais nous avons juste constaté qu’il y a des leaders qui ont dit pire que ce qu’a dit Samuel Sarr et qui ne sont pas inquiétés. Je ne veux pas me permettre de citer des noms, parce que ces gens n’ont pas été inquiétés.

A supposer que ce qu’a dit Samuel Sarr est vrai, estimez-vous que c’est grave que le président de la République ne fasse pas état de ses 7 milliards FCfa dans sa déclaration de patrimoine?

Ce que Samuel Sarr a dit, il faut qu’il le justifie aussi par des preuves. Le Président est une institution et il faut la respecter, on ne doit pas l’exposer aux yeux de l’opinion publique en portant préjudice à son honneur. Ce que Samuel a dit s’il a des sources et des preuves pour le justifier c’est extrêmement grave. Car la Crei (Cour de répression de l’enrichissement illicite) a été réactivée pour poursuivre tout ce qui relève de l’enrichissement illicite. C’est vrai que le président de la République dispose d’une immunité, mais le jour où il ne serait plus en exercice, un autre régime peut être tenté de réactiver la Crei. C’est pourquoi, nous disons que la décision de réactiver la Crei a été une erreur. Parce que nous considérons que la Crei est une juridiction spéciale avec des procédures spéciales. Alors que toutes les juridictions spéciales ne correspondent pas au degré d’évolution de la démocratie. C’est dans les pays qui ont connu des situations de dislocation totale des institutions, comme par exemple ce qui s’est passé au Rwanda avec le génocide de 1994, et à la République démocratique du Congo (Rdc) qu’on trouvait des tribunaux d’exception comme la Crei. Or, le Sénégal n’a jamais connu des situations de catastrophe, nous n’avons jamais connu de coup d’Etat, ou un affaissement des institutions juridiques. Nous avons des juridictions normales comme la Cour suprême, la Haute cour de justice, donc nous pouvons nous passer de juridiction d’exception comme la Crei.

«La Crei est comme l’apartheid, elle est légale, mais illégitime et nous la combattrons»

Est-ce à dire que Karim Wade et ses co-accusés n’ont pas leur place en prison ?

Ils n’ont pas leur place en prison. Dans la mesure où les procédures de la Crei ne sont pas conformes au fonctionnement d’un Etat de droit, elles ne garantissent pas aussi un procès équitable. Et il y a beaucoup de principes comme la présomption d’innocence qui ont été violés. D’autant que Karim Wade et ses co-accusés sont considérés comme déjà coupables, il y a même une présomption de culpabilité qui pèse sur eux de telle sorte que la présomption d’innocence a été bafouée. Le deuxième principe qui a été bafoué c’est celui du principe du renversement de la preuve, parce que vous accusez quelqu’un et vous lui dites de prouver l’origine licite de ses biens, le troisième principe c’est que quand la Crei rend une décision, elle n’est susceptible d’aucun recours. Nous ne pouvons pas comprendre qu’on puisse privilégier la Crei au détriment de notre Constitution qui est au dessus de tout. Alors que la Crei n’est qu’une loi nationale. C’est pourquoi, nous combattons la Crei, parce qu’une loi peut être légale, mais elle peut être illégitime. C’était le cas de la loi d’apartheid, elle est légale, mais illégitime. Aujourd’hui, la Crei crée les mêmes conditions. Regardez depuis que la Crei a été réactivée, les personnes qui sont poursuivies, elles sont dans un seul camp, tous ceux qui sont poursuivis sont des personnalités de l’ancien régime. Pourquoi les transhumants ne sont pas poursuivis ? Pourtant la Cour des comptes, l’Inspection général d’Etat ont révélé des cas de manquements où des personnalités qui étaient dans l’ancien régime étaient épinglées, mais qui sont allées se réfugier sous les ors de l’actuel régime et qui ne sont pas inquiétées. C’est ce qui pose problème dans le fonctionnement de la Crei.

Est-ce que vous rejoignez un ancien ministre des Finances Moussa Touré qui dit que : «Ceux qui poursuivent et ceux qui sont poursuivis ont commis les mêmes délits?»

Ils ont commis les mêmes délits. Nous savons tous qu’en 2000, c’est le régime libéral qui a géré, soutenu par Moustapha Niasse et les partis de gauche, à un moment donné Wade a éjecté son Premier ministre Niasse, Puis Amath Dansokho, Landing est resté longtemps, mais ces gens-là sont comptables de l’alternance de 2000. De la même manière, celui qui est actuellement président de la République est issu de la famille libérale et que Souleymane Ndéné Ndiaye et d’autres personnalités libérales avouent sans hésiter que c’est grâce à Dieu, grâce à Wade qu’ils sont devenus riches. Et tous ne sont pas héritiers de pères milliardaires pour disposer de milliards de FCfa…

Est-ce que la Crei n’écorne pas l’image du Sénégal vu qu’au Luanda en Angola vous savez fait un plaidoyer pour clouer au pilori cette Cour?

La Crei écorne déjà l’image du Sénégal. Vous savez quand nous avons sorti la déclaration, dès la deuxième mise en accusation de Karim Wade et ses co-accusés, nous avons dit que sa place n’est pas en prison, j’étais seul sur le combat. Mais Amnesty international est venu nous regagner, la Fédération internationale des ligues des droits de l’homme (Fidh), dont le ministre de la Justice Me Sidiki Kaba a été Président et président d’honneur, mais le Président de la Fidh qui lui a passé le témoin a écrit noir et blanc que la Crei ne garantit pas à un droit, à un procès équitable. Ça pose problème. Nous avons porté l’affaire auprès des membres de la commission africaine et ils vont venir au Sénégal. Depuis un an, le Gouvernement du Sénégal n’a même pas daigné répondre pour donner l’autorisation à la commission de venir au Sénégal. Cela ternit l’image du Sénégal. Notre bataille est aujourd’hui de consolider la place du Sénégal au niveau international, car ce ne sont pas les personnes qui nous intéressent.

«Nous avons commencé une enquête indépendante sur la mort de l’étudiant Bassirou Faye»

Bassirou Faye, un étudiant, a été tué au Campus, et dans un passé récent, vous aviez sorti un communiqué pour dénoncer les violences à l’Ucad, avez-vous l’impression de n’avoir pas été entendu ?

C’est aujourd’hui à midi (l’entretien s’est déroulé hier, Ndlr :) que j’ai reçu la famille de l’étudiant Bassirou Faye et des témoins qui ont été sur les lieux quand on lui a tiré une balle sur la tête. Dans notre communiqué, nous avons souligné que nous demandons une enquête judiciaire pour que les responsabilités soient situées et que le coupable soit traduit devant la justice. Nous avons écouté la déclaration du président de la République que nous apprécions, qui a décidé d’ouvrir une enquête et même de faire appel à l’expertise internationale pour les questions liées à l’expertise balistique. Mais nous avons dit que nous nous réservons le droit de mener une enquête indépendante. Nous avons commencé cette enquête en écoutant la famille et nous allons entendre tous les acteurs de l’université. Nous avons vu comment la mort de Balla Gaye a été gérée. Des policiers ont été jugés, condamnés, puis libérés. Et nous ne voulons pas que ces événements se reproduisent.

Comment avez-vous trouvé la famille de Bassirou Faye, est-elle sereine par rapport au déroulement de l’enquête ?

La famille du défunt étudiant est inquiète par rapport au résultat qui serait issu de l’enquête. Parce que déjà, il y a eu des témoignages concordants d’étudiants qui attestent qu’ils ont vu la personne qui a tiré et qu’ils pourraient le reconnaître. Ils ont vu même la personne prendre un Talkie Walkie et parler avant de tirer. Déjà ce sont des témoignages qui ont été recueillis par la Dic. Et nous espérons que la commission chargée de l’expertise balistique va rencontrer ces étudiants. Les membres de la famille ont également regretté que la police parle d’infiltration. Alors que deux camps s’affrontaient : la police et les étudiants. Mais la famille de Bassirou Faye est très sceptique.

Il y a aujourd’hui des acteurs de l’université qui posent comme préalable à toute négociation le départ du ministre de l’Enseignement supérieur et du ministre de l’Intérieur. Etes-vous d’avis qu’ils doivent démissionner pour donner un signal fort à la résolution de la crise universitaire ?

Dans les démocraties avancées, vous n’entendez pas qu’on vous demande de démissionner, vous rendez le tablier quand vous échouez. Les deux ministres devraient démissionner d’eux-mêmes parce qu’ils ont échoué. Je n’ai pas de problème avec les personnes, ces deux ministres peuvent être de très bons cadres, mais la politique qu’ils ont définie n’a pas marché. Pour ce qui concerne le ministre de l’Enseignement Supérieur (Mary Teuw Niane), nous avons vu que les réformes qu’elle veut mettre en ouvre ont échoué. C’est un échec patent. Il faut appeler un chat par son nom, parce que depuis un an, on assiste à des scènes de violences. Au mois de mai déjà, il y a eu des centaines de blessés du côté des étudiants comme des policiers. Nous avons très tôt tiré la sonnette d’alarme pour mettre un terme à la violence. Aujourd’hui, un étudiant Bassirou Faye a malheureusement perdu la vie.  J’estime que le ministre de l’Enseignement supérieur Mary Teuw Niane n’a pas été à la hauteur. Son homologue de l’Intérieur aussi Abdoulaye Daouda Diallo doit en tirer les conséquences car les forces de l’ordre ont tiré des balles réelles sur de paisibles citoyens. Si j’étais à leur place, je n’attendrais pas le Président pour démissionner.

Nous avons vu le président de la République à son retour de voyage dénoncer des opposants tapis dans l’ombre qui cherchent à manipuler les étudiants, que pensez-vous de cette posture du Président Macky Sall ?

Nous pensons que le président de la République ne doit pas tenir des discours tendant à penser que les étudiants sont manipulés. Nous pensons que le président de la République doit être au dessus de la mêlée. Et le Président sait bien que quand nous étions à l’université, lui, Souleymane Ndèné Ndiaye, El Hadj Diouf, l’université était toujours politisée, mais les étudiants sont responsables. Je ne pense pas que les étudiants soient facilement manipulables, ils sont majeurs pour la plupart. Pour moi, l’essentiel c’est de répondre à la demande des étudiants, leur payer leurs bourses, leur assurer des conditions d’études, décongestionner les universités, construire de nouvelles universités, c’est dans ce sens que nous devrions aller. Et non pas trouver des alibis qui ne tiennent plus la route.

 MOR TALLA GAYE 

source:http://www.gfm.sn/des-leaders-politiques-ont-dit-pire-que-samuel-sarr-et-nont-pas-ete-inquietes/