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L’OBS – Malgré sa position stratégique au sein de l’appareil d’Etat et de l’Apr, l’homme n’est pas du genre à faire dans la langue de bois. Dans cet entretien, Hamady Dieng, directeur des Infrastructures au ministère de l’Intérieur, par ailleurs responsable politique du parti présidentiel à Matam, crache ses vérités. Selon lui, l’Apr est sous la menace d’une dislocation et vivra dans la tourmente aussi longtemps qu’elle ne sera pas structurée.
Il reproche également, entre autres, au parti au pouvoir de ne pas être à la hauteur dans ses relations avec les alliés et brocarde le «comportement inadmissible de certains collaborateurs du Président».
«Tant que l’Apr n’est pas structurée, elle sera dans la tourmente»
«Aussi bien avec Bby qu’avec Macky2012, l’Apr n’a pas été à la hauteur»
«En 10 ans, Macky Sall réalisera ce qu’aucun de ses prédécesseurs n’a réussi»
«Bby a vécu dans l’informel, sans âme et sans référence»
«C’est le cafouillage au niveau organisationnel du Pse»
Pouvez-vous nous faire une esquisse des actions réalisées au niveau de la direction des Constructions depuis que vous êtes à sa tête ?
Je suis à la tête de la direction des Constructions du ministère de l’Intérieur depuis deux ans et trois mois. Notre mission consiste à gérer les réhabilitations et les constructions de tous les bâtiments et édifices du ministère de l’Intérieur. Il s’agit essentiellement des bâtiments de la Police, de la Brigade nationale des Sapeurs-pompiers, et de l’Administration territoriale à travers tout le pays. Compte tenu de la vétusté de la plupart des bâtiments de ces directions, en plus du Budget consolidé d’investissement (Bci) avec lequel nous avons réalisé plus de 150 réhabilitations, tous bâtiments et services confondus, 18 nouvelles constructions et 6 anciennes constructions en souffrance à terminer, le président de la République a autorisé, dans le cadre des recettes des visas biométriques, de mettre à la disposition du ministère la part qui revenait à notre pays pour une mise à niveau des bâtiments de la Police et de l’Administration territoriale. Un nouveau contrat de partenariat est signé avec la même entreprise Snedai Sénégal qui exploite les visas pour le préfinancement et la réalisation du projet dont le coût est estimé à plus de 50 milliards de FCfa, étalé sur 5 ans (2015-2019). La réalisation de ce projet articulé aux autres projets qui vont être financés dans le Bci va totalement changer la physionomie de la police et de l’Administration territoriale.
On note une absence de structuration de l’Apr, malgré les signaux émis lors des dernières Locales. Pourquoi ?
Oui, un vrai problème. Une demande politique pour l’écrasante majorité des militants de l’Apr à laquelle le Président du parti n’accède pas encore. L’absence de structuration a plombé l’Apr, remis en cause son existence et permis les nombreux abus constatés dans son fonctionnement. Les questions organisationnelles sont déterminantes dans le processus d’édification et de massification d’un parti. Un parti s’édifie au triple plan idéologique, politique et organisationnel. Des consensus forts et pertinents au plan idéologique et politique existent autour de la République, de la démocratie et de l’Etat de droit articulés à une claire vision, à un programme ambitieux et à un excellent plan de mise en œuvre, appelé Plan Sénégal émergent (Pse). Cependant, au niveau organisationnel, c’est le cafouillage. Tant que le parti n’est pas structuré, il sera dans la tourmente. Un parti n’est pas seulement un appareil électoral, pour la conquête du pouvoir. Il est aussi un instrument de gestion du pouvoir, d’encadrement politique des militants et d’avant-garde citoyenne du peuple.
Cette sensation de léthargie ne s’explique-t-elle pas par la double casquette de Macky Sall comme Président du parti et chef de l’Etat ?
Ce n’est pas une léthargie, c’est une dislocation qui nous menace. C’est heureux que le Président tente de reprendre le parti en main. Seulement il n’y a qu’une seule voie : structurer le parti. Maintenant pour ce qui concerne sa double casquette, le Président n’a pas le choix avec un parti à la limite moribond et des collaborateurs pas toujours sincères. J’aurais bien voulu que le Président Macky Sall soit dans les conditions pour être le premier Président du Sénégal à intégrer cette disposition dans notre constitution et à se l’appliquer. Mais hélas, nous n’en sommes pas encore là.
Vous dites que le Sénégal a besoin de Benno bokk yaakaar pour aspirer à une certaine stabilité. Aujourd’hui, cette coalition est critiquée et c’est son avenir même qui est en jeu. Quel commentaire en faites-vous ?
Bby était une exigence populaire et citoyenne autour de l’objectif du moment : défaire Abdoulaye Wade au soir du 26 mars 2012. Cette mission accomplie, il fallait rediscuter et adopter une seconde plateforme politique de gouvernance partagée. Cette étape a été ignorée et Bby a vécu dans l’informel, sans âmeet sans référence. Dans toutes les sphères de gouvernances : politique, scolaire, sociale et syndicale, notre pays et notre démocratie ont besoin de ces cadres inclusifs de partage pour réduire au maximum les confrontations ou atténuer leurs effets. Je fais partie de ceux qui critiquent positivement Bby pour qu’elle sorte de sa torpeur et qu’elle s’engage autour d’une véritable plateforme répondant à la vision et au programme du Président élu qu’elle accompagne. Le programme de Bby ne peut être que le programme du Président Macky Sall. Certes, c’est pertinent de se demander si l’Apr a joué toute sa partition ! J’estime que non. Aussi bien avec «Macky 2012» qu’avec Bby, l’Apr n’a pas été à la hauteur.
Vous êtes de ceux qui soutiennent qu’il faut féliciter le Président quand il fait de bonnes choses, mais aussi qu’il faut avoir le courage de lui dire qu’il s’est trompé, si tel est le cas. Sur quels aspects pensez-vous que le Président s’est trompé durant le mandat en cours ?
Le Président Macky Sall est mon jeune frère que j’ai rencontré pour la première fois, il y a 33 ans. Je l’ai accueilli à la Faculté des Sciences de Dakar et dans les cellules syndicales et politiques du mouvement étudiant d’alors. Après mon départ de l’Université en 1983, je ne l’ai retrouvé qu’en 2009 avec la création de l’Apr. Nos rapports sont des rapports de vérité. Le Président est un humain, il peut se tromper, il peut même être trompé, mais il se trompe toujours de bonne foi et dès qu’il s’en rend compte, si la rectification est possible et opportune, il s’exécute. Au niveau politique, une redistribution et un recadrage des rôles de son entourage sont indispensables. L’impact des nombreuses avancées économiques et sociales est terni par des agissements inadmissibles de certains de ses amis.
Le chef de l’Etat a récemment dit sa certitude d’être réélu pour un second mandat. Partagez-vous cet optimisme ?
Non seulement je partage cet optimisme, mais je travaille d’arrache-pied pour sa réalisation. Seulement, si j’étais son conseiller en communication, je lui aurais dit de laisser ces déclarations aux militants.
Quelles sont aujourd’hui les réalisations concrètes du Président qui plaident pour une telle perspective ?
Je ne sais pas ce que vous appelez réalisations concrètes, mais vous conviendrez avec moi que beaucoup de choses ont été faites depuis deux ans de pouvoir et d’autres merveilles vont se produire avec Macky Sall. Seulement, des réalisations concrètes ne sont pas une condition suffisante pour la réélection d’un Président. Les Sénégalais veulent le changement, mais veulent-ils réellement eux-mêmes changer ? Chacun d’entre nous est-il prêt à faire un sacrifice pour changer notre pays ? L’arithmétique des réalisations n’est pas essentielle. Ce qui importe, c’est l’impact des réalisations dans notre vie de tous les jours. Le Président Macky Sall a mis le cap sur les valeurs pour encadrer tout ce qu’il fait et tout ce qu’il dit. Ces valeurs sont : le respect de la parole donnée, le respect des deniers publics, la reddition des comptes, la gouvernance partagée, le dialogue inclusif, la fin des injustices sociales, le retour aux valeurs du travail bien fait, l’égalité des chances, la protection des minorités et des couches vulnérables. Il veut que le Sénégalais devient un citoyen modèle et c’est là la grande difficulté à laquelle il est confronté jusque dans son parti et au niveau de son proche entourage. Au-delà des grands projets administratifs (Acte III), institutionnels (Rapport Cnri) et économiques (Pse) qui constituent la dimension macro des projets du Président, et qui vont fondamentalement changer bientôt la physionomie de nos terroirs, j’invite les compatriotes à prêter une grande attention aux actes micro que le Président est en train de poser chaque jour pour rendre possible, viable et durable les dividendes des grandes politiques en perspectives. C’est à ce niveau que ça fait mal, parce que les mesures à prendre impactent directement sur notre vécu quotidien, nos habitudes, nos avantages, nos croyances et il faut obligatoirement les prendre sans état d’âme et sans faiblesse, si l’on veut rentrer dans l’ère de l’émergence. Qui veut des omelettes casse nécessairement des œufs. C’est cela le problème des Sénégalais, ils veulent le changement mais sont-ils eux-mêmes prêts à changer et à accompagner le changement. Je peux parier qu’en 10 ans de pouvoir, le Président Macky Sall réalisera pour notre pays ce qu’aucun de ces prédécesseurs n’a réussi. Un Sénégalais de type nouveau, dans un terroir harmonieux et au sein d’un peuple épanoui.
Quel est l’état de l’Apr dans la Région de Matam ?
Beaucoup de militants, de sympathisants, d’électeurs, mais dans le désarroi, des querelles crypto-personnelles alimentées par des responsables, au premier plan desquels se trouvent les collaborateurs du président de la République. Le Président doit siffler la fin de la récréation dans cette région, comme un peu partout ailleurs. Cependant, la rectification ne passera que par la structuration du parti et la prise en charge des préoccupations des militants et des électeurs.
Pensez-vous que Macky Sall pourra y rééditer le score soviétique de 2012 ?
Ce score peut être largement dépassé. Il n’y a plus d’opposition significative dans la région, même les partis alliés sont très peu représentés. L’Apr y est très largement majoritaire. Ce qu’il faudra éviter, c’est un vote sanction.
IBRAHIMA DIAKHABY