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ON A RETROUVÉ… «LES FILLES BRANCHÉES» «Pourquoi nous avons quitté Ouza»

Sénégal

 

L'OBS - Ibeu Bou Ndaw Samb, Absa Samb, Touty Mbaye et Maty Thiam «Dogo. Ces noms ne vous disent sûrement plus grand chose. Et pourtant, si vous fouillez bien dans votre mémoire, vous trouverez certainement des bribes de réminiscence à coller à ces prénoms. Quatre jeunes filles dans un groupe. Quatre belles voix armées de leur passion pour la zik. Autre indice, elles étaient toutes des ouailles du papa d’Adiouza, Ouza Diallo. Vous y êtes? Eh bien, oui, vous êtes en plein dans le mille. Il s’agit bien des «Filles branchées». Ce girls’band a marqué le paysage musical des années 90 et l’a enrichi de 5 albums. 

Tous des succès dont le mémorable clip «Khadimo» qui a fait un tabac en ce temps. Petit flash back. Elles étaient jeunes et venaient de faire leur entrée dans le monde du showbiz. Sous la houlette de leur mentor et manager, Ouza Diallo, elles enchaînent les albums dont le rythmique et les paroles sont très vite appropriés par les férus de bonnes vibes. Elles sont couronnées de succès jusqu’en 1995. Et puis, plus rien ! Le groupe vole en éclats. Des 4, seule Maty Thiam «survivra» en poursuivant avec brio (?) une carrière solo. Bou Ndaw s’épanouit dans son rôle de femme au foyer comblée tandis que Touty et Absa se sont résignées à ranger le micro après deux albums sans grand succès. Aujourd’hui, pour L’Obs, elles rembobinent le film des «Filles branchées». Un univers où tout semblait idyllique. Enfin, en apparence…

 

LES DEBUTS : «C’est la femme d’Ouza qui nous a repérées»

Ibeu Kébé dite Bou Ndaw Samb, 40 ans : «Je suis née dans une famille d’artistes. Au quartier Thiocé où nous vivions ma famille et moi, il y avait une troupe théâtrale dénommée «Xandalou» et c’est là où j’ai effectué mes premiers pas comme comédienne. J’ai été repérée la première fois par Abou Alassane Niang de radio Sénégal. Il m’a invitée lors d’une fête à la mission catholique et c’est là où j’ai chanté pour la première fois. Je m’en souviens très bien parce que j’avais 8 ans et on m’avait fait monter sur une chaise pour que je puisse atteindre le micro. Par l’entregent d’Abou Alassane, j’ai intégré la troupe «Kaddu xaleyi» à l’âge de 9 ans et j’ai quitté Mbour pour la capitale. Je vivais avec ma grande sœur à Dieuppeul, Madiodio Gnigue (cantatrice traditionnelle décédée en 2012). Au début, je faisais des va-et-vient entre Mbour et Dakar. Un jour, j’ai eu écho qu’Ouza était à ma recherche. Il a toujours pensé que j’étais un homme puisque de moi, il ne connaissait que le nom et les chansons. Il en a parlé à sa femme (Coumba Diallo) qui en a touché un mot à mon grand-frère. Mon frère m’en a parlé et c’est ainsi que j’ai rejoint le groupe d’Ouza avec l’assentiment de mon père.»

Touty Mbaye, 45 ans : «Je suis née et j’ai grandi à la Médina dans une famille de griots. Je suis née artiste, mais je n’ai jamais eu à exploiter mon talent. J’ai étudié jusqu’en classe de 5esecondaire et en même temps, je poussais la chansonnette. C’est un nommé Pape Seck qui m’a repérée pour la première fois. J’avais 15 ans à l’époque. Il gérait une troupe qui se trouvait à la Gueule-Tapée et il voulait que je l’intègre. J’y allais de temps en temps, sans grande conviction. Puis un jour, la femme d’Ouza qui était une connaissance à ma grande sœur s’est intéressée à Absa et moi. Elle en a parlé à ma sœur et lui a dit qu’elle aimerait bien qu’on intègre la troupe de son mari. Nous étions en 1990. Il nous a auditionnées sur une de ses chansons («Ya may wo») et cela a marché comme sur des roulettes et c’est ainsi que nous avons été retenues.»

Absa Samb, 41 ans : «Je suis cousine avec Touty et ensemble, nous avons toujours habité à la Médina. On a la musique dans le sang, mais n’empêche, j’ai fait des études jusqu’en 6esecondaire. Je ne me suis pas arrêtée à la «classe des Guéwéls (Cm2)» comme disent les gens (rires). Mon histoire dans la musique ne diffère pas trop de celle de Touty. Nous avons débuté en même temps chez Ouza que je continue d’appeler affectueusement «Papa». Et encore, je pense même avoir débuté une semaine plutôt qu’elle.»

LA RENCONTRE AVEC OUZA : «Ouza aime et recherche la perfection, donc nous en bavions»

Ibeu Kébé dite Bou Ndaw Samb : «J’ai rejoint Ouza en 1990. Nos journées étaient rythmées par les répétitions et les spectacles. Quand je ne répétais pas, je faisais les chœurs pour Madiodio au Théâtre national Daniel Sorano. Le concept des «Filles branchées» est venu d’Ouza. Nous étions des filles très branchées côté mode et très intéressées par la musique. Ouza était un encadreur hors-pair. Et avec les autres filles, on avait poussé l’amitié jusqu’à s’échanger nos vêtements. On partageait aussi les mêmes chambres d’hôtel lors de nos tournées. L’ambiance était bon enfant, mais il m’arrivait d’être en froid avec Ouza. Je m’enfermais alors dans une chambre et j’entonnais un refrain de «Dunyaa» pour l’adoucir. Je l’entendais alors crier son dépit et c’en était fini de notre querelle (rires). Nous avons fonctionné ainsi pendant 5 ans (…) Adiouza aimait se joindre à nous quand nous répétions. Elle était une gamine très éveillée et espiègle. Son père la chassait toujours en lui interdisant de toucher aux instruments. J’avoue que par moments, il nous arrivait de céder au découragement. Surtout quand les gens nous interpellaient en nous disant : «Vous là, vous passez vos journées à répéter ? Vous comptez vous éternisez dans le métier de choriste ?» C’était un peu frustrant car on ne savait pas quoi répondre.»

Touty Mbaye : «Les répétitions se déroulaient de 8h à 20h dans une ambiance détendue. Nous étions une famille parce que nous sommes toutes des cousines. Adiouza se mettait souvent sur nos genoux quand nous répétions. A cette époque, son père ne voulait pas qu’elle fasse de la musique. Elle a grandi devant nos yeux. Nous étions des passionnées de musique et nous avons répété pendant une année avant de sortir notre premier album («Ya may wo»). Il n’y a jamais eu de frictions entre nous. La tension était parfois au rendez-vous parce qu’Ouza était un perfectionniste. Un jour, alors qu’on enregistrait la chanson «Président», il m’a tellement crié dessus que j’avais pris la décision de démissionner. Nous travaillons comme si nous étions dans un Conservatoire. Le succès est venu avec l’album «Khadimo», mais il ne nous est pas monté à la tête. Nous multiplions les tournées, mais nous ne gagnions pas grand chose. Nous n’étions pas intéressées par l’argent, mais plutôt par la reconnaissance du public et l’amour de la musique. Nous étions rémunérées en fonction de nos prestations.»  

Absa Samb : «Lorsqu’il s’est présenté, je lui ai rétorqué: «Ah bon, c’est toi Ouza ?» Cela l’a fait sourire. Puis, j’ai été testée sur «Beuré lén goor gni», je devais alors avoir 17 ans. Ouza m’a stoppée dès que j’eus entonné les premières notes de cette chanson. C’était exactement ce qu’il cherchait. On a alors formé le groupe. Ce fut une amitié forte autour d’une même passion. On a travaillé très dur, coachées par Ouza, et il n’est pas tendre du point de vue professionnel. Il aime et recherche la perfection, donc nous en bavions. Il aimait, après nous avoir patiemment écouté chanter, nous envoyer balader. Il nous arrivait de pleurer et de nous rebeller, surtout moi qui étais la benjamine du groupe. On était, une fois, en tournée en Gambie et sur scène, je me suis mise à me disputer avec lui pour une remarque mal placée. Le cocasse est que les spectateurs pensaient que cela faisait partie de la chanson. On a aussi eu des moments heureux comme ce jour où nous devions donner une prestation au Méridien devant Amath Dansokho. On devait faire la première partie derrière l’Orchestre national de Sorano qui nous snobait. Nous avons été les stars de la soirée au finish, Ouza avait été fort ému. Le succès est arrivé très vite et a duré 5 ans, de 1990 à 1995. 5 années durant lesquelles on a fait 5 albums dont les fameux «Modou-modou» et «Khadimo». «Dunyaa gassi» «i’m sorry» est le dernier album avant la séparation.»

LA RUPTURE : «On a senti la nécessité de voler de nos propres ailes»

Bou Ndaw Samb : «J’ai quitté le groupe d’Ouza après la venue de Shulah. J’avouerais que je me suis essoufflée après la sortie de nos albums («Modou-modou», «I’m sorry», «Ya may woo», etc.) Il était écrit que nos chemins devaient se séparer là. Mais, j’entretiens toujours d’excellentes relations avec Ouza. Le compagnonnage avec Ouza n’était pas toujours facile. Une fois, nous sommes allés en tournée en Casamance et nous sommes rentrés sans un seul rond. Ouza était une montagne de bonté, mais nous ne gagnions pas grand-chose avec lui. Cependant, j’ai beaucoup regretté mon départ du groupe. Ma rupture avec Ouza m’a beaucoup affectée. J’étais jeune et je me suis laissé emporter par mon orgueil. On revenait d’une tournée en Hollande et je lui ai dit que j’arrêtais. Il a insisté pour savoir pourquoi je lâchais tout, mais je lui ai juste dit que j’arrêtais. Il m’a dit «Tant pis». Il était très en colère. Et depuis lors, il ne se passe pas une journée sans que je regrette cette décision.»

Touty Mbaye : «Le groupe des filles branchées a éclaté en 1995. Nous avons quitté le groupe de notre plein gré, quand nous avons senti la nécessité de voler de nos propres ailes. Nous avons avisé père Ouza et nous sommes parties pour nous consacrer à notre carrière, Absa et moi. En ce temps, Bou Ndaw était à Mbour. A son retour, elle a trouvé que nous avions déjà quitté.» 

Absa Samb : «Ce devait arriver, on a fait notre temps avec lui. C’est parti d’un petit problème avec Astou Cissokho, c’est devenu latent et avec Touty, nous avons décidé d’arrêter. On n’a eu aucun problème avec Ouza qui reste notre père, notre ami et notre confident.»

L’APRES : «On espère encore revenir sur la scène musicale»

Ibeu Kébé dite Bou Ndaw Samb : «Je faisais le tour des producteurs qui me demandaient tout le temps de leur apporter une maquette. Mais, cela restait sans suite. Je me suis alors lassée et aujourd’hui, je ne fais rien à part me produire dans les cérémonies. Je pourrais retourner voir Ouza, mais il ne me reste plus que ma fierté dans cette histoire. Je ne perds pas de vue que c’est moi qui ai voulu la rupture. Je n’ai rien à lui reprocher, mon avenir musical ne s’éclaircissait pas, j’ai donc choisi de rester auprès de mon mari. Si cela ne dépendait que de moi, je chanterais encore et j’espère encore revenir sur la scène musicale. Aujourd’hui, je suis mère d’une fille qui paraît-il, a une belle voix, mais je souhaite qu’elle fasse ses études. Je n’ai pas eu la chance d’aller à l’école et je le regrette.»

Touty Mbaye : «Après l’aventure des «Filles branchées», nous avons sorti deux albums «Day Bakh (1996) et «Palestine» (2005). Mais, nous n’avons pas pu  poursuivre sur cette lancée parce que nous faisions face à un défaut de management.Nous n’avions pas le bon staff pour mener à bien notre carrière. En ce moment, nous observons une pause malgré le riche répertoire que nous détenons. J’ai repris mes études d’infirmière et je travaille actuellement à l’hôpital de Fann. Je me suis aussi mariée en 2011, mais je n’ai pas encore d’enfant. Et si nous trouvons le bon producteur pour nous produire, nous ne cracherons pas là-dessus.»

Absa Samb : «Avec les quelques sous que nous avions récoltés durant notre période de succès, nous avons produit deux albums intitulés «Déy bakh» et «Palestine», mais manquant de promotion, ça a fait un flop. Il y a aussi une de nos chansons que Baaba Maal s’est appropriée, qui s’appelle «wét goré». Côté personnel, j’ai maintenant 41 ans, je suis toujours célibataire et à défaut de percer dans la musique, j’essaie d’investir le milieu du commerce.»

PAR AICHA FALL THIAM &NDEYE FATOU SECK

source: http://www.gfm.sn/actualites/item/10271-on-a-retrouve%E2%80%A6-les-filles-branchees-pourquoi-nous-avons-quitte-ouza.html

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