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Affrontements entre Canabasse et Nit-Dof à l’Ugb: Du temple des intellectuels à l'arène des « gladiateurs »

Sénégal

Récemment Felwine Sarr, éminent professeur à l’université Gaston Berger de Saint-Louis, la rage au ventre, flétrissait,dans le magazine La Gazette,le fait que « des apprenants, dans un temple du savoir, chassent les princes de l’esprit ». Il parlait amèrement des « étudiants » de l’Université Cheikh Anta Diop qui, mécontents du fait que le professeur Souleymane Bachir Diagne avait piloté des réformes de l’enseignement universitaire alors qu’il enseigne aux Usa, s’étaient opposés violemment à ce qu’il assiste à une conférence devant se tenir sur leur campus.

 

 Or, les réformespréconisées par la Commission dirigée par le Pr Souleymane Bachir Diagne prennent pourtant en charge l’amélioration des conditions d’études des étudiants ainsi que leur devenir professionnel.

 

 

Ces incidents  s’étaient passés au moment où devait se tenir une conférence du philosophe béninois Paulin Hountondji sur le thème« Négritude et Renaissance africaine ». Leur objectif atteint, ces discipuli (en latin ceux qui suivent l'enseignement d'un maître) sans discipline crurent, dans un triomphalisme infantile, avoir ébranlé ce monument de la pensée qu’est le professeur Souleymane Bachir Diagne. 

La violence a tellement gangrené nos campus qu’aujourd’hui, nos universités ont cessé d’être des creusets intellectuels pour se transformer en arènes de gladiateurs. Les muscles, les armes blanches voire à feu y ont supplanté le glaive de la plume. Dernier exemple en date de cette déliquescence et cette déviancequi gangrènent le milieu universitaire,la bataille féroce qui a opposé les deux rappeurs Canabasse et Nit-Dof, lors d’un concert de bienvenue que les étudiants de l’Université Gaston Berger avaient voulu offrir le week-end dernier aux tout nouveaux bacheliers admis dans leur établissement. Toutefois, plutôt que de condamner ces deux rappeurs qui ont commis le péché de se produire dans un milieu qui n’est pas le leur, parce que répugnant l’insolence, l’impudence, l’impudeur et la canaillerie, nous reprochons aux étudiants de la commission sociale de l’Ugb de s’être trompés d’invités. Ils ont failli à leur statut d’intellectuels en faisant venir des cailleras dont le « verlan » et le langage de rue ne sont pas adaptés aux codes et usages du milieu intellectuel. Surtout que les noms ou les hardes que portent ces rappeurs ne font point d’eux des modèles. 

De tout temps, nos campus universitaires ont été égayés par des chanteurs de talent, exemplaires dans leurs comportements, instructeurs et engagés dans leurs chansons. Mais aujourd’hui, nos étudiants qui pourchassent ou malmènent leurs professeurs comme des malpropres sont à l’image de leurs rappeurs-idoles qu’ils invitent dans leurs manifestations. C’est le comble de la honte, de l’humiliation et de la descente aux enfers. 

C’est ici le lieu d’évoquer un autre problème qui touche honteusementle milieu universitaire. Récemment, le professeur Iba Der Thiam lançait un SOS pour venir à la rescousse du Magister Oumar Sangharé, obsédé par une dette de 32014 euros due à un hôpital français. On dit même qu’il est menacé d’être arrêté s’il venait à fouler le sol français. Ce qui constitue une véritable humiliation pour la crème intellectuelle de notre pays. Aujourd’hui, rien ne distingue le professeur Sangharé de ces pauvres nécessiteux qui demandent de l’aide dans certains journaux de la place. Le président Macky Sall, assis sur des milliards de fonds politiques destinés en grande partie à la politique politicienne, a une obligation morale et intellectuelle de régler, dans la discrétion, l’ardoise du professeur Sangharé comme l’alors président Abdoulaye Wade avait eu à le faire pour un éminent journalistesénégalais qu’il avait fait hospitaliser dans un grand hôpital français. 

L'épuisement professionnel et les problèmes de santé graves dont souffre une bonne partie des enseignants-chercheurs reflètent les symptômes d’une crise de leur travail. Ils constituent les piliers solides de notre système éducatif. Leur métier représente la vocation de la transmission des fondements du mérite républicain. Leur rôle dans l’école et dans la société doit être valorisé. Aussi, ne doit-on pas les mettre ou les pousser dans une situation d’assistés ou de nécessiteux. C’est une honte de voir aujourd’hui nos enseignants-chercheurs observer même une heure de grève pour exiger le paiement de leurs salaires ou réclamer des indemnités. La conséquence de ces perturbations dans le champ du savoir est la déstructuration des fondements anatomiques et éthiques de la profession enseignante et la remise en cause de la mission première de l’université. 

Les revendications récurrentes de nos universitaires doivent être analysées plus profondément comme la manifestation d'une déstabilisation structurelle et collective de leur métier. Les ressources et les conditions dont ils disposent pour faire face aux rigueurs du travail et aux exigences de la recherche demeurent plus que dérisoires. Comparativement à leur fort engagement et à leur sincère dévotion dans la transmission du savoir et aux problèmes particuliers qu'ils doivent quotidiennement affronter seuls dans les amphis, les enseignants manquent de reconnaissance de la part de l’Etat. 

Ainsi, ce que l’Etat vient réussir avec les enseignants du primaire et du secondaire avec la signature d’un protocole d’accord, il doit le réussir avec ceux du supérieur afin de stabiliser voire pacifier l’espace universitaire. 

SERIGNE SALIOU GUEYE 

« Le Témoin » N° 1154 –Hebdomadaire Sénégalais ( FEVRIER 2014)

SOURCE: http://www.leral.net/Affrontements-entre-Canabasse-et-Nit-Dof-a-l-Ugb-Du-temple-des-intellectuels-a-l-arene-des-%C2%A0gladiateurs%C2%A0_a107162.html

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