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NITT DOFF LIVRE SA VERSION SUR SA BROUILLE AVEC CANABASSE - «J’ai été poussé à la réaction… Mais je regrette»

Sénégal

L'OBS - Avec son physique bodybuildé, il a une réputation de misanthrope. Depuis l’incident de l’UGB (université Gaston Berger) de Saint-Louis, où il a poussé hors de la scène son collègue rappeur, Canabasse, notre «Doff» passe pour un phénomène de foire. Jusqu’ici, il s’était emmuré dans un silence assourdissant. Pour l’Obs, Mor Talla Gaye, alias «Nitt Doff» sort de son mutisme. Sans détours…

 


Pourquoi ce silence persistant depuis l’épisode de Saint-Louis où vous avez poussé hors de la scène votre collègue rappeur, Canabasse, alors qu’il était en pleine prestation ?
En fait, je ne voulais pas précipiter les choses. J’ai entendu beaucoup de fausses allégations, mais j’estimais qu’il fallait attendre que les choses se tassent pour donner ma version des faits. Je tenais particulièrement à ne pas centrer le problème sur ma modeste personne. Le plus important, c’était Mountaga Sall,  l’étudiant qui a été victime d’un accident suite à des échauffourées. Tout le temps qu’a duré le tapage médiatique autour de cette affaire, j’étais à son chevet. Il n’est jamais trop tard pour recadrer les choses.
Qu’est-ce qui s’est réellement passé lors de ce fameux concert ?
Il faut d’abord remonter plusieurs années en arrière. Un beau jour, Canabasse s’est levé et a sorti une chanson (Naafekh), dans laquelle il me traitait de tous les noms d’oiseaux. Il m’avait carrément manqué de respect. Je n’avais pas compris ses motivations, mais par la suite, je l’ai entendu dire à travers la presse, que c’était une réponse à des propos que j’ai tenus lors d’une émission à l’époque des élections. C’était à la Tfm (télé futurs médias). L’animateur XsideX m’a posé une question sur mon engagement citoyen, dans un contexte où la rue était le meilleur cadre pour exprimer son ras-le-bol face à un régime oppressant. Tout le monde sait que je fais une musique assez engagée. Je me suis insurgé, sur le plateau, contre ceux qui disaient que la manière forte ne servait à rien. J’ai dit qu’il fallait plutôt descendre dans la rue et manifester, comme cela se faisait déjà. J’ai également affirmé que les artistes qui disaient qu’ils ne jetteraient pas des pierres ou qu’ils ne brûleraient pas des maisons, qu’ils allaient simplement attendre le jour des élections pour voter contre le régime en place, sont tout simplement des hypocrites. Apparemment, Canabasse s’est senti visé par mes déclarations. Il m’en a voulu et a choisi de me répondre en m’insultant dans un morceau. Alors que mes propos ne lui étaient pas destinés.
«Canabasse et moi, avions de bons rapports»
Il faut quand-même noter que vos propos reprennent, mot pour mot, le refrain de sa chanson «Khaar mou jot»…
Dans le contexte où nous étions, je ne pouvais utiliser que ces termes, parce que l’actualité le commandait. Jeter des pierres, brûler des maisons, casser des voitures…, tel était le décor. Je trouvais que c’était anormal qu’il y ait des gens confortablement assis dans leur salon, pendant que de pauvres étudiants sont au front pour eux et pour le Sénégal. Je considère que c’est assez lâche et je l’ai fait savoir. Quand-bien même, on peut dire à un ami qu’il est hypocrite, je n’y vois pas de problème. Tout le monde connaît mon franc-parler, si je parlais de lui, je l’aurais nommé sans sourciller. Je ne vois pas pourquoi j’irais par quatre chemins. D’autant plus que lui et moi, avant cet épisode, avions de bons rapports. Il m’avait parlé de sa mixtape et m’avait proposé de venir poser ma voix là-dessus. J’étais dans cette logique, mais du jour au lendemain, il s’est mis à s’en prendre à moi. C’est vous dire que ce sont plus des divergences d’opinion qu’autre chose.
Toujours est-il qu’il fait partie de ces artistes qui, comme vous le dites, ont prôné la non-violence plutôt que descendre dans la rue et d’user de la manière forte. Ces mêmes artistes que vous traitez d’hypocrites ?
Bien sûr qu’il en fait partie. Mais…
Il n’a pas apprécié ce reproche de votre part et l’a traduit en chanson…
Je fais partie des premiers qui l’ont défendu publiquement quand tout le monde voulait le tuer. J’ai dit à qui voulait l’entendre qu’il faisait une musique différente, qui existe en Europe et un peut partout à travers le monde. Il y avait beaucoup de gens qui lui jetaient des pierres et qui m’en ont voulu à cause de ma prise de position. Je ne vois pas pourquoi, du jour au lendemain, je vais changer par rapport à lui et à sa musique. J’ai tout juste exprimé une opinion politique qui ne cadrait pas avec les siennes. Je ne suis pas un bouffon, au point de revenir sur mes propos. Le même soir où il a posté le son dans lequel il m’insultait, je n’en revenais pas, au point de prendre mon téléphone pour l’appeler et essayer de comprendre ce qui se passait.
Que vous êtes-vous dit au bout du fil ?
Je lui ai demandé si ce son m’était réellement adressé, il m’a répondu par l’affirmative. Il m’a aussi avoué que ce sont mes paroles à la TFM qui l’avaient poussé à réagir de la sorte. Sur le coup, je lui ai dit qu’il se trompait et qu’il aurait dû m’en parler avant qu’on en arrive là. Il a eu une réaction démesurée.
Il a clairement dit qu’il répondait à ses détracteurs à la manière du hip-hoppeur qu’il est…
Je suis d’accord, mais faudrait-il encore que je sois son détracteur. Je ne l’ai pas clashé, comme cela se fait parfois dans le Hip-hop. Maintenant, je peux comprendre qu’il veuille coûte que coûte me chercher noise et faire croire que je m’adressais à lui. De toute manière, il est libre de le penser.
Pourquoi ne lui avez-vous pas répondu en chanson à votre tour ?
Cela n’en valait pas la peine. Mon entourage, mon staff, certains du milieu du Rap m’ont conseillé de ne pas le suivre sur ce terrain. Il m’a dit des choses dans sa chanson et je ne savais pas s’il les pensait vraiment de moi. C’est comme s’il m’avait donné un coup de poignard dans le dos. Pendant deux ans, j’ai encaissé, malgré le caractère que tout le monde me connaît. J’évitais de le croiser, pour éviter les embrouilles, jusqu’à ce fameux concert où tout est parti en vrille
«Mountaga m’a dit qu’il était content de me connaître dans ces circonstances»
Quel a été le déclencheur de cette violence ?
Je revenais d’une tournée à Diourbel et je devais jouer le lendemain à l’UGB (université Gaston Berger) de Saint-Louis. Peu importe ceux qui partageaient l’affiche avec moi, je me suis dit que j’allais mettre de l’ambiance et faire plaisir aux étudiants. J’ai appris que Canabasse ne voulait pas venir au début. Il s’est assuré que la sécurité était bien là avant d’accepter de venir. Malgré cela, il a débarqué avec des lutteurs. Il a ainsi créé une tension supplémentaire. La présence de nos deux nos publics avait déjà mis de l’électricité dans l’air. Il a attisé le feu, il suffisait d’un petit truc pour que le feu prenne. Il en a aussi rajouté une couche, en me lançant des piques, sous prétexte qu’il était bien entouré. J’ai essayé de me maîtriser, mais à un moment donné, je ne pouvais plus résister…
Qu’est-ce qu’il a bien pu vous dire qui vous a fait sortir de vos gongs ?
Je ne vais pas revenir sur ses propos, mais ceux qui étaient là ont, comme moi, entendu ce qu’il disait. La vidéo diffusée sur Internet ne traite que de la partie où je suis monté sur scène pour le bousculer. Je ne suis pas monté sur le podium gratuitement, je ne suis pas un non-violent. J’ai été poussé à la réaction, je me suis senti insulté. Jusqu’ici, j’avais fait abstraction de toutes ses provocations, mais ce jour-là, il a tout fait pour que je m’emporte.
Ne pensez-vous pas que s’il voulait vous chercher des noises, il aurait simplement chanté le morceau qu’il vous a dédié ?
Au Sénégal, on a l’habitude de toujours jeter la pierre à celui qui s’est vengé, plutôt qu’à celui qui est à l’origine des problèmes. Mais quoi qu’il en soit, je n’aurais pas dû céder à la provocation. Même mon entourage immédiat ne cautionne pas mon acte. Avec le recul, je me dis que j’aurais dû me retenir, comme je l’ai fait depuis deux ans. J’ai commis une erreur…
Vous regrettez ?
C’est clair que ma réaction n’était pas la bonne. Je regrette encore plus ce qui est arrivé par la suite. Ce sont mes agissements qui ont entraîné l’accident dont l’étudiant a été victime. Je me sens coupable à 200%. Je suis un humain. Je ne devais pas monter sur scène. Je dis juste qu’il m’a poussé à la réaction. Même si je voulais coûte que coûte régler le problème, ce n’était ni l’endroit ni le moment. Le concert a été interrompu et au final, j’ai déçu les étudiants, qui, en général, ont un bon rapport avec les rappeurs. Je leur présente mes excuses les plus sincères. Je suis monté sur scène pour lui montrer que ce n’est pas parce qu’il s’entoure de lutteurs que je ne peux pas avoir accès à lui. J’ai préféré faire profil bas pendant deux ans, parce que c’était mon choix. D’ailleurs, lorsque je me suis approché de lui, je n’ai pas été violent. Je l’ai  juste fait descendre de la scène, en le bousculant.
Il aurait pu se blesser…
Oui, c’est vrai. C’est mon impulsivité qui a eu raison de moi, mais je ne suis pas violent. Certains journalistes ont déformé la réalité des faits. Ils ont dit que j’ai fui à bord de ma voiture et que j’ai heurté un étudiant. On m’a fait passer pour le diable, alors que je n’étais même pas dans le véhicule. Ce n’était même pas mon chauffeur qui conduisait, mais un de mes amis. Ce dernier est venu pour me faire embarquer dans le véhicule, mais j’ai tenu à rester, affronter les échauffourées aux côtés de mes fans. Ce sont ses fans à lui qui ont commencé à jeter des pierres, avant que les miens ne ripostent. C’est ainsi que mon ami a démarré la voiture et est parti. En chemin, il a renversé, sans s’en rendre compte, l’étudiant, qui était un de mes fans. C’est bien après que j’ai vu une ambulance et que j’ai demandé ce qui s’était passé. Une fois au courant de l’affaire, j’ai rappelé mon ami, qui ne se doutait pas une seconde de ce qui s’était passé. Nous devions rentrer le même jour sur Dakar, mais nous sommes restés à Saint-Louis. Le lendemain, nous sommes partis à l’hôpital pour prendre des nouvelles de Mountaga Sall auprès de ses parents. Je profite de l’occasion pour les remercier. C’est une famille très pieuse, qui, dès le départ, s’en est entièrement remise au Bon Dieu. Le père de Mountaga nous a dit de ne pas nous culpabiliser, même la victime, dans son lit d’hôpital, m’a dit qu’il était heureux de m’avoir rencontré dans ces circonstances. Contrairement à ce qui a été dit, nous n’avons pas été convoqués à la gendarmerie, il n’y a même pas eu d’enquête, tout juste une reconstitution des faits. Je n’ai jamais été entre les mains de la justice. Je suis resté à Saint-Louis de mon plein gré. Je suis de retour à Dakar, mais tous les jours, j’ai des nouvelles de Mountaga.
Est-il tiré d’affaire ?
Il va beaucoup mieux, même s’il est toujours à l’hôpital. Les médecins veulent s’assurer au mieux de son rétablissement.
Avez-vous participé financièrement à ses soins ?
C’est personnel…

 

 

  source: http://www.gfm.sn/actualites/item/11842-nitt-doff-livre-sa-version-sur-sa-brouille-avec-canabasse-jai-ete-pousse-a-la-reaction%E2%80%A6-mais-je-regrette.html

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