SENETOILE BLOGS
Fast backlinks and Guest-post hosting
Souleymane Faye, artiste: « Au Sénégal, ce qui se joue est tout sauf de la bonne musique »
L’artiste-chanteur Souleymane Faye est connu de tous pour son franc-parler, son style unique et son savoir-faire en matière de musique. « Diégo », pour les admirateurs, est un artiste entier qui a sa propre vision de l’art musical. De la menuiserie à la musique, Souleymane Faye est revenu, dans cette interview, sur son parcours atypique. L’auteur du tube « Jeleeti » a aussi donné son point de vue sur la situation actuelle du paysage musical. Pour lui, ce qui se joue aujourd’hui est tout sauf de la bonne musique.
Parlez-nous de vous. Qui est vraiment Souleymane Faye ?
C’est une question très difficile. Seul Dieu connaît l’être humain. C’est difficile de dire qui nous sommes. En tout cas, je suis né dans les années 50. J’ai grandi et fait mes études à Dakar. J’ai appris la menuiserie avant de faire de la musique. En fait, je suis devenu musicien sans m’en rendre compte. Au début, c’était juste un jeu pour moi. Mais, au fil du temps, j’ai senti que j’avais une chance de réussir dans ce domaine. Mais je n’avais pas abandonné mon métier pour autant. Je consacrais mon temps libre à la musique. C’est à force de fréquenter les musiciens que je suis devenu musicien. J’ai dû arrêter la menuiserie pour me consacrer entièrement à ma carrière musicale. Car, financièrement, je m’en sortais très bien. A part cela, je suis marié, j’ai des enfants ; je mène une vie normale. Je donne la dépense quotidienne et je m’occupe bien de mes enfants.
A propos de l’enfance, comment étiez-vous ? Terrible ou timide ?
J’étais comme tous les garçons de mon âge. Seulement j’étais trop curieux, je voulais connaître le pourquoi des choses. On peut être curieux sans s’occuper de la vie des autres ; c’était mon cas. Je voulais connaître la vie. Je me posais trop de questions et j’étais très digne. Je n’enviais pas ceux qui étaient plus riches que moi. J’étais décidé à m’en sortir tout seul. Raison pour laquelle j’ai beaucoup voyagé. J’ai fait l’Espagne, l’Italie, le Maroc, le Niger, l’Algérie, la Yougoslavie, la France, l’Allemagne, les Etats-Unis, entre autres pays. J’ai sillonné un peu le monde, à la quête de la connaissance. C’était très important pour moi. Car, l’argent peut manquer, mais la connaissance demeure. J’ai toujours été curieux. Heureusement que je n’avais pas de complexe à étaler mon ignorance. Quand je ne sais pas, je demande ! Je n’avais pas ce complexe.
En quelle année est sorti votre premier album et comment les Sénégalais l’avaient accueilli ?
J’ai fait mon premier album avec le groupe « Xalam » en 1986 en France. Il a eu beaucoup de succès. J’ai connu le « Xalam » à Dakar et nous avons fait un album en Europe. J’ai fait un seul morceau avec le groupe car je l’ai tardivement intégré. Ce seul morceau « Digg Doolé » a connu un succès inattendu.
Quel est votre genre musical préféré ?
J’aime bien le jazz, le rock, le blues, la musique brésilienne, l’afro-cubain, la salsa. Le Mbalakh (il hésite)…, il appartient à un groupe. C’est pour les griots. C’est une musique pour eux. Parfois j’en joue un ou deux morceaux, mais pas plus. Je suis un Sénégalais, donc il fait partie de ma culture. J’aime bien le Mbalakh. Je le danse souvent d’ailleurs. Il m’arrive de danser quand j’écoute Thione Seck par exemple.
Donc vous ne vous voyez pas faire du cent pour cent mbalakh ?
Non, ce n’est pas mon domaine. Actuellement, je fais de la variété, c'est-à-dire je joue du jazz, du rock, du blues, de la salsa, du reggae et un peu de mbalakh et du slow, le tout en Wolof. Je fais du mbalakh comme les autres. Je produis du mbalakh d’écoute, qui ne fait pas trop de bruit.
Vous chantez des thèmes souvent très riches comme « Thiabibi », « Sogui », entre autres. Quelle est votre source d’inspiration?
Je suis un homme très sensible, c’est pourquoi j’écris des thèmes sensibles. Je suis sensible à beaucoup de choses, mais je ne le montre pas. Je me réfugie souvent dans mes chansons pour extérioriser tout ce que je ressens. A travers mes morceaux, j’essaie de trouver des solutions aux problèmes de la société. Je n’ai pas besoin d’inspiration ; j’écris ce que je ressens. Les mots viennent tous seuls, car ils sont ancrés en moi. Mais je les traite dans le plus grand respect. J’évite de heurter les gens. C’est très important de garder ce côté pudique et respectueux de notre culture. Il ne faut pas pointer du doigt. On n’a pas besoin d’indexer une personne quand il s’agit de dénoncer un fait. Je ne cite jamais de nom, c’est interdit ! Les gens se retrouvent facilement dans mes chansons. L’écriture est très difficile. Il faut le faire dans le plus grand respect pour que les jeunes de même que les vieux puissent s’y retrouver. Les rappeurs sont très véridiques, mais il leur manque ce côté respectueux. Ils lancent des messages très importants, seulement la façon de faire laisse parfois à désirer.
Pourquoi insistez-vous sur le côté humoristique dans vos chansons ?
Il faut, autant que possible, détendre l’atmosphère ; c'est-à-dire faire rire les gens. Pour que le message passe rapidement, il ne faut pas être trop sérieux. Je mets un peu d’humour dans mes chansons, tout en éduquant. C’est de la comédie musicale, mais les paroles sont vraies.
Le morceau « Sogui » a touché beaucoup de gens. Est-ce une histoire vraie ?
C’est vrai ! Sogui est un ami. (Il hésite) C’est le seul vrai ami que j’ai eu dans ma vie. On ne peut pas avoir plusieurs amis. Seuls les hypocrites en ont. On peut avoir des compagnons et sympathisants certes, mais l’amitié c’est quelque chose de très profond. Un vrai ami, c’est quelqu’un qui est prêt à mourir pour vous. C’est très rare de nos jours. (Il marque un temps d’arrêt) Sogui était mon véritable ami. Sa disparition m’a beaucoup touché. On ne connaît pas la mort quand on est jeune. Et c’était le grand choc de ma vie. J’ai compris que la mort existe réellement. A l’époque, je ne savais pas que nous allons tous mourir un jour. J’étais jeune et je croyais qu’on était tous éternel. Donc j’ai écrit sur ce sujet…
Vous avez votre propre style, une manière particulière de voir les choses. Est-ce à dire que Souleymane Faye est un anticonformiste ?
Je vis normalement, comme tout le monde. Je donne l’air de quelqu’un de désintéressé, qui n’aime pas les bonnes choses de la vie. Pourtant tel n’est pas le cas. Mes proches savent que j’aime bien prendre soin de moi et de ma famille. Je suis très ambitieux. Seulement je ne suis pas pressé. Je ne veux pas montrer une image qui n’est pas la mienne. Je ne veux pas faire semblant d’être un nanti alors que tel n’est pas le cas. Il faut éviter ce genre de comportement ! Malheureusement, bien des artistes tombent dans ce travers. Ils dégagent une image qui n’est juste que de la duperie. Cela fatigue la personne qui n’est plus libre alors ! Finalement on est obligé de se cacher tout le temps ou de mettre des vitres teintées. Je ne peux comprendre qu’on fasse tout pour être célèbre et qu’on se cache une fois qu’on l’est devenu. Il y a problème quelque part ! L’artiste n’a pas besoin de se cacher, il est libre comme tout le monde. Il peut se permettre de monter sur une charrette, de prendre le « car rapide » ou de marcher pieds nus, s’il le souhaite. Qu’il soit libre ! Il ne faut pas essayer d’afficher des choses qui ne sont pas vraies.
Souleymane Faye vit-il de son art ?
Depuis 40 ans je ne vis que de la musique. Donc cela veut dire qu’elle m’apporte quelque chose. Je rends grâce à Dieu, je m’en sors bien. J’ai des contrats, et je suis dans un Jazz club. Je joue quatre ou cinq fois dans la semaine entre Dakar et Saint-Louis. Je n’ai que deux jours de repos. Franchement je rends grâce à Dieu car je parviens à subvenir aux besoins de ma famille. J’aide aussi mes proches. Par contre, je ne garde rien sur moi. Je préfère aider ceux qui en ont besoin que d’épargner mon argent. Je ne veux pas jouer au riche alors que mes parents crèvent de faim. Cette richesse ne sert à rien. J’ai plutôt pitié de ceux qui ont ce genre de comportement.
Il est très rare de voir Souleymane Faye monter sur la scène lorsque d’autres musiciens se produisent. Quelles sont vos relations avec vos collègues artistes ?
J’ai de très bons rapports avec les autres artistes. Mais, je ne suis pas présent partout, car c’est ma nature. Je ne vais pas n’importe où. Je me fais voir quand j’ai du boulot, sinon je reste chez moi. Je pouvais bel et bien être dans certains spectacles, histoire de jouer un morceau. Mais ce n’est pas intéressant pour moi. Je n’ai pas la même vision que les autres.
Comment jugez-vous actuellement le paysage musical marqué par l’éclosion de jeunes talents ?
Je n’ai pas entendu de bonne musique au Sénégal depuis longtemps ! Il n’y a pas de recherche dans ce que j’entends. On ne fait pas de la musique juste pour être célébré ou pour avoir de l’argent. Il faut bien apprendre le métier, sinon on n’ira pas loin. On fera juste un ou deux albums et on retournera dans l’anonymat. Il ne faut pas être trop pressé dans la vie, un métier s’apprend. On ne peut pas sortir un seul album et se prendre pour une star. Avant de monter un orchestre, il faut au moins avoir un riche répertoire. Mais créer un groupe sur la base d’un seul album, c’est trop abusé.
Vous avez un projet pour les jeunes de la banlieue. En quoi consiste-t-il ?
Il s’agit d’un complexe musical et artisanal. Les jeunes vont y apprendre la menuiserie et la musique. Ils vont allier les deux. Ils pourront faire aussi des études une fois dans la semaine et du sport. J’en ai parlé avec le président de la République, Macky Sall, qui m’a mis en rapport avec un ministre. Le projet est en cours.