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Daddy Bibson, rappeur : «A son âge, Wade devrait prendre le chapelet»

Sénégalais

Daddy Bibson, ce rappeur sénégalais qui n’est plus à présenter pour son engagement via la musique était hier dans les locaux du journal Le Quotidien. Dans cet entretien, l’artiste qui revient des Etats-Unis d’Amérique évoque son mix-tape Philadelphia story, sa tournée dans le pays, ses projets entre autres sujets.

Comment a été votre séjour américain ?

J’ai quitté le Sénégal frustré et sans destination. C’est ainsi que j’ai décidé de rejoindre New York (Etats-Unis d’Amérique). Je croyais avoir le contact d’un ami et je suis tombé sur un autre numéro. La chance est qu’il est aussi Sénégalais. Je suis tombé sur sa boîte vocale et il m’a dit par la suite que je me suis trompé de numéro. Quelques minutes après, il me demande si c’est moi le rappeur, j’ai acquiescé et il a proposé de m’héberger. Il vit à Philadelphie. Donc, je l’ai attendu deux heures de temps et il est venu me chercher. Il s’appelle Mansour Faye et a grandi aux Etats-Unis. C’est un réalisateur de films et documentaires. J’ai séjourné chez lui et mon idée, c’était de ne plus retourner au Sénégal.  Mais après avoir mûrement réfléchi, je n’ai pas voulu gâcher mon visa. J’ai alors préféré faire des aller et retour de temps en temps.
 
Pourquoi avoir entre-temps voulu choisir la voie de l’immigration ? 
Ça ne va pas au Sénégal. Je fais parti des jeunes du comité de l’opposition et de la société civile qui ont fait le tour du Sénégal profond en 2012 lors du second tour de l’élection présidentielle pour porter le message de Macky Sall aux populations. Moi, j’étais le coordonnateur de la  mobilisation citoyenne de Ousmane Tanor Dieng (qui est le politicien que je respecte le plus) et je le représentais au nom de Benno Tanor. Nous avions sillonné tout le Sénégal avec d’autres personnes qui sont aujourd’hui des députés. C’est moi qui haranguais la foule. Nous avons été confrontés à des dangers sous toutes leurs formes. On a été battus, persécutés par les jeunes du Pds. Mais après la présidentielle, nous avons été écartés. Macky Sall ne nous a même pas dit merci. Il nous a oubliés. Nous avons des projets de société du côté de la culture qui pourront faire émerger le pays. C’est pour cela que j’ai décidé d’aller voir ailleurs. On avait stoppé nos activités pendant un mois parce qu’il y avait le M23, la campagne électorale. Un an et demi après son élection, toujours rien, donc j’ai décidé de partir  en France. J’ai été invité à un festival là-bas et on m’a refusé le visa, à moi seul dans le groupe. Je n’ai pas compris (c’était la première fois qu’on me refuse le visa) et j’ai  pris un avocat, mais cela n’avançait pas. Je profite de l’occasion pour dire que nous n’avons pas besoin d’aller rester en France. Pourquoi faire ? Nous aimons notre pays. Il y a beaucoup d’artistes qui se voient refuser le visa et cela devrait alerter le ministère de la Culture. Donc, j’ai décidé de me rendre aux Etats-Unis. C’est là que la Philadelphia story a commencé.
 
Philadelphia story, le nom de votre nouvel album. Parlez-nous en.
 C’est un mix-tape. Ce n’est pas un album. Ce sont des musiques empruntées, pas les miennes. Le seul morceau qui est mien et qui sert de support de communication en ce moment s’appelle Demna. Ce qui veut dire je suis parti.  Ce son parle de comment j’ai fait pour aller aux Etats-Unis. Je dis dans ce morceau que rien ne marche  et on est parti prendre de l’air. Ce mix-tape est composé de six titres. D’autres titres ont été enregistrés ici à Ouakam (Kay fi production). La particularité, c’est que c’est la première fois que je mets une telle production sur le net. C’est disponible sur iTunes, Amazone, Sfr France, etc.
 
Et au niveau de la vente, comment ça se passe ?
Pour le premier mois, je peux dire qu’on a vendu beaucoup d’albums. On a fait un stock de 1 000 albums et c’était épuisé aussi vite qu’on ne le pensait.
 
Vous débutez une tournée pour la vulgarisation de ce produit ?
Pour la tournée, on offrira l’album aux 50 premières personnes. Le 6 juin prochain, nous serons à Bignona, le 7 juin à Ziguinchor et le 8 juin 2014, on sera en Casamance profond. Le lendemain de la Tabaski, nous serons à Kaolack. Je suis en train de préparer aussi un grand évènement avec Buzz events et les autres. Ce sera soit au Théâtre national Daniel Sorano, soit à la Biscuiterie de Médina. Nous le ferons avec beaucoup de professionnalisme.
 
Comment les mélomanes ont accueilli ce mix-tape ?
 J’ai décidé d’arrêter la musique lorsque j’aurai 13 albums. Les mélomanes me demandent pourquoi, puisque mon rap rend service et remonte les bretelles aux jeunes. Mon séjour m’a permis d’acquérir beaucoup de techniques, de flow, etc.
 
Daddy est reconnu pour son attachement au rap classique ; pourquoi avoir choisi de changer de style avec ce mix-tape ?
Non, je n’ai pas changé de style. Lorsque vous revenez d’une terre étrangère, l’on vous demande ce que vous avez emmené avec vous, ce que vous avez appris de là où vous venez. C’est ce que j’ai fait. On peut faire de la musique classique, mais essayer aussi la musique de la nouvelle génération.

Quelles sont vos relations aujourd’hui avec la nouvelle classe de rappeurs locaux ?
Ce sont tous mes petits frères, mes frangins, ils me respectent beaucoup. Certains d’entre eux m’appellent King. Cela par rapport au respect, parce que toute la vieille génération a décroché. Ils font un peu de variétés. Je suis le seul à rester dans le rap classique tout en utilisant les techniques de la nouvelle génération. En le faisant, je suis en train de les concurrencer un peu, mais je les respecte. Je les défends quand il le faut, je les soutiens s’ils me sollicitent.
 
Vous avez parlé entre-temps d’un projet culturel entre «Le nord et le sud». Puis, plus rien. Qu’en est-il exactement ?
Je n’étais pas là, mais je suis en train de le revoir. Par contre, j’ai un grand projet culturel qui s’appelle «Casa à Dakar». C’est ce projet que je voulais présenter à Macky Sall, il m’avait dit de me référer au député  Abdou Mbow. Depuis lors, il n’arrive pas à caler cette audience. Je profite de l’occasion pour lui (Macky Sall, ndlr) dire qu’on a besoin de le rencontrer pour discuter du Sénégal parce que c’est ce qu’on faisait avant de partir en campagne pour lui.  On veut le voir pour participer à l’émergence du Sénégal. Ce n’est pas pour adhérer à l’Apr, moi je suis Socialiste.
 
Bibson bouge beaucoup. Vous avez habité Grand-Dakar, Médina, Thiaroye… Pourquoi cette «instabilité» ?
Actuellement, je suis à la cité Djily Mbaye. Je ne sais pas. J’ai habité Grand-Dakar grâce à Rap’Adio, le second groupe qui m’a permis de m’affirmer dans le monde du rap. Donc, avec ce groupe on faisait le tour entre Fass, Grand-Dakar, Médina. En ce qui concerne les autres quartiers, c’est moi-même qui les ai choisis.
 
Parlant de Rap’Adio, quelles sont aujourd’hui vos relations avec les Dugg Iba, Keyti, qui sont les membres de ce groupe ?
 Pour être honnête, on ne se voit plus souvent, mais si nous nous retrouvons, on fait le salam. C’est vrai qu’il y a beaucoup de personnes qui demandent pourquoi ne pas reprendre un Cd Rap’Adio. Si les autres sont intéressés, moi je leur tends la main pour qu’on fasse quelque chose pour le public.
 
En 2001, vous avez sorti un album avec Xuman qui avait fait le buzz. Pourquoi pas un bis-repetita ?
Tout le monde me le dit. Bibson et Xuman constituent deux icônes dans la musique rap du Sénégal.  On a fait le record de ventes. Si cela le tente, moi je suis là. J’ai beaucoup de projets, mais on verra.
 
Et vos relations avec le groupe Y’en a marre…
Je n’ai de relation négative avec aucune personne du hip-hop classique. Ce sont des amis, des frères. Moi, je suis classique dans mes idées, dans la pratique et dans la vie sociale. Je suis musulman, tidjane, talibé de Baye Niass. Je suis un adepte du soufisme qui prône la paix, la positivité dans la vie sociale.
 
Talibé de Baye Niass, comment arrivez-vous à allier la religion et la musique ?
Je ne vois nulle part où il est écrit que l’islam interdit la musique. Mais moi, je prône la musique qui prône la paix, une musique pour apprendre, une musique qui a des vertus. Je fais de la musique spirituelle. Je ne fais que du rap conscient, je fais du rap utile. Donc, autant allier l’islam-là dedans.
 
Comment avez-vous trouvé le rap américain après y avoir séjourné six mois durant ?
 Nous sommes branchés au rap américain depuis ici. Et le rap est en train de changer dans le monde par rapport au style, au flow. De la même manière qu’il y en a qui le font juste pour faire danser, il y en a qui se servent du rap aujourd’hui pour en faire une musique illuminati comme Jay-Z, Rick Ross, 50 Cent et autres. Ce sont des francs-maçons et ils ne le cachent pas.
 
Vous avez rencontré des jeunes rappeurs au pays de l’oncle Sam ?
Oui, plein de jeunes qui n’ont pas la cote internationale, mais qui  sont bien aimés dans leur Etat. Les Young and Gifty de Baltimore, Pm de la Philadelphie, Oxmore qui habite New York et bien d’autres. Vous savez, chaque Etat a ses rappeurs aux Etats-Unis  et  a son style à lui. Rien qu’à New York, il y a cinq districts et chaque district a son genre pour le rap. Harlem ne «rappe» pas comme Brooklyn, Brooklyn ne «rappe» pas comme le Bronx, ainsi de suite.

Abdoulaye Wade repart ce soir (hier, ndlr) en France sans avoir vu son fils en prison… 
Abdoulaye Wade devrait arrêter. 40 ans de politique, c’est bon. Franchement, à son âge il doit aller prendre un chapelet et prier pour le Sénégal. Il a beaucoup fait pour le pays. Toutes les réalisations ont été faites soit par les Blancs, soit par Wade. Mais actuellement, il doit se reposer comme Dansokho, Bathily, etc. Il peut peut-être gérer le parti, mais  pas rester au devant de la scène. On a besoin d’une nouvelle politique générationnelle. Pour Karim Wade, c’est vrai que c’est un peu dur parce que cela fait plus d’un an qu’il est en prison et qu’on est en train de fouiller sans voir quoi que ce soit…

(A suivre….)

SOURCE :http://www.lequotidien.sn/index.php/component/k2/item/31691-daddy-bibson-rappeur--a-son-%C3%A2ge-wade-devrait-prendre-le-chapelet

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