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PLI OUVERT Voyage au cœur de l’enfer

Sénégal

A bord d’un «car rapide», nous avons tous, un jour ou l’autre, et sans nous en rendre compte, frôlé le pire. Les chauffeurs veulent tous aller vite et dépasser l’autre, être plus rapides, plus vifs, plus audacieux que l’autre automobiliste. Bref, laisser l’autre derrière comme dans une course d’athlètes, et montrer ainsi sa suprématie. Oubliant que la voiture est passive, elle ne réfléchit pas.

C’est une esclave obéissant aux plus extrêmes fantaisies de son conducteur de maître. Ces fantaisies sont souvent suicidaires et parfois criminelles. A quelques secondes près, le destin peut basculer.

 Le passager est offert en holocauste à la déesse mécanique. Les dégâts sont matériels et humains. L’horreur indescriptible.
Il n’y a qu’au Sénégal où, lorsqu’on double un automobiliste, celui-ci, au lieu de ralentir légèrement, accélère, comme si se faire doubler était un déshonneur, un outrage qu’il faut laver dans le sang. Ce qui, d’ailleurs, arrive parfois. L’intimidation fait partie de la panoplie du parfait petit chauffard, c’est un plaisir et un jeu. Il n’est rien de plus exquis au volant que d’impressionner l’autre, sinon de lui faire peur. 
Sur nos routes, on en revient à l’enfance. Un brin de politesse modérerait tout cela. Mais il y a bien longtemps que la politesse n’est plus d’usage chez le chauffeur de cars «Ndiaga Ndiaye».
Des fois, les deux cents chevaux qu’on a sous le capot poussent au crime. Il est peu de conducteurs, au volant d’un «Ndiaga Ndiaye» ou d’un «car rapide» qui savent leur résister, car il arrive très souvent, et c’est le problème des puissantes cylindrées, que le chauffeur ne soit pas à la hauteur de sa voiture. Il se laisse emporter par celle-ci. Elle dépasse ses moyens. Les chauffeurs de «car rapide» sont des seigneurs qui n’écoutent personne. Leur voiture est leur forteresse. Ils s’y sentent seuls au monde et maîtres de l’univers.
Au pays des «cars rapides», nul ne se sent maladroit, chacun s’imagine doué. Le petit chauffard oublie que conduire exige une vivacité des réflexes, une habileté de la main, un coup d’œil, un éveil, une attention que tout le monde n’a pas, surtout quand la fatigue gagne du terrain. Il faudrait y suppléer par la juste connaissance de ses limites. Mais c’est justement en conduisant qu’on les oublie.
Même s’il y aura toujours de bons et de mauvais conducteurs. Il serait bien que ces derniers, si c’est possible, ne se prennent pas pour les meilleurs. Ce qui est parfois le cas des conducteurs des voitures de transport en commun qui ont souvent la fâcheuse tendance à croire que la route leur appartient. Quand on les suit, on s’aperçoit que, presque toujours, ils dépassent, et parfois largement, la vitesse maximale autorisée en milieu urbain.  Bien qu’ils soient de gros générateurs d’accidents, nul, et surtout pas la police, ne s’en inquiète.

source :http://www.lequotidien.sn/index.php/societe/item/35229-pli-ouvert-voyage-au-c%C5%93ur-de-l%E2%80%99enfer

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