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Le coup de fil d’un milliardaire africain

Sénégal

C’est bientôt l’hiver, il va faire froid, très froid comme il est de coutume dans ce pays. Les pulls et les doudounes seront des stars. En attendant ce temps de fraicheur absolue, dans ma tête, je planifie de m’envoler au printemps jusqu’en Amérique du Nord. J’ai comme programme de faire un Road Trip d’un mois aux États-Unis et l’autre mois au Canada. Je compte atterrir tout d’abord en Louisiane (État du Sud), ensuite je ferai : la Géorgie, l’Alabama, le Mississippi, le Missouri, le Dakota du Sud, l’Illinois, pour finir, New York. De l’autre côté de la frontière, je continuerai dans les principales villes de la province du Québec.

 

Comme je suis en train de le dire, depuis quelques minutes, tout est okay dans ma tête. Je sais ce que je veux faire et n’attends plus que le temps fasse son temps. Un appel, ça vient d’Afrique, c’est monsieur X, il m’appelle toujours « mon ami », et souvent « mon frère », je ne sais pas si je suis réellement son ami, mais je suis certain qu’il n’est pas mon frère. Connaissant ma mère, je dirais qu’elle n’avait pas l’âge de le mettre au monde, en ce qui concerne mon père, cela peut être discutable. Mais ce n’est pas mon frère. Ce n’est pas parce qu’il m’appelle « mon frère », qu’il est mon frère. D’ailleurs, je le considère uniquement comme une connaissance. Oui, ce genre de personne que l’on rencontre ici ou là, avec lequel on refait le monde, se téléphone de temps en temps pour parler de politique et des ragots, rire aux éclats et se dire au revoir. Ce n’est en aucun cas un ami. Ah non, pas un ami, une connaissance c’est tout. Par exemple, lui et moi n’habitons pas Paris. Je vis en campagne et lui en Afrique, mais quand il est à Paris, son Paris à lui, ce sont les hôtels à 2.000 euros la nuit, pendant ce temps, mon Paris à moi, ce sont les chambres disponibles chez mes amis ou les hôtels de 60 euros la nuit.

 

 

Pour reprendre où j’ai laissé, monsieur X me dit vouloir visiter ma ferme en république du Bénin et me donner des conseils de développement si j’en ai besoin. C’est vrai, je lui ai parlé d’un projet de ce genre il y a environ un an, mais ce n’était qu’un projet. Combien de projets les gens commencent sans jamais finir ? Au début, on est content de réfléchir dessus, et quelques jours plus tard on est heureux de ne l’avoir pas réalisé. Bon, « ce n’est qu’un projet » je lui dis. Il rit, je ris. Il me demande de quoi je manque. Je lui dis « du temps ». Il veut savoir si mon projet me tient toujours à cœur. Je lui dis « OUI ». Il répond : « Trouve le temps après votre hiver européen, et vient. Je te mettrai une équipe qui pourra t’assister et supervisera tout le travail après ton départ. Mais viens mettre les fondations ». Je décline l’offre, j’accepte ensuite, je décline, j’accepte, je décline. Il me dit que son épouse, celle-là avec qui j’ai souvent des conversations courtoises, et le plus jeune de ses fils se sont portés volontaires pour m’assister quelques jours. J’accepte, il raccroche. Oui, il raccroche sur mon humeur positive. C’était clair pour lui… Quelques jours plus tard, on me dit : « Michel, il y a quelqu’un qui cherche à te joindre. », « il y a un type qui demande que tu le rappelles. », « Une femme a appelé, elle dit qu’elle est l’épouse de ton ami et qu’il faut lui rappeler », « as-tu finalement eu la personne qui insistait au téléphone l’autre jour ? », etc.

 

Je suis à un endroit prestigieux. Un endroit où les gens qui écrivent des livres sont invités à parler d’eux et de leur travail. Dans la salle, un bon nombre de personnes considérées comme étant d’une certaine catégorie. Pas mal de docteurs en lettres, anthropologie, sciences humaines, etc. pendant que je refais le monde en petit comité, mon téléphone vibre, je l’enlève de ma poche et je dis : « C’est monsieur X qui m’appelle d’Afrique, c’est un milliardaire ». Oui, je sais c’est prétentieux et ça ne me ressemble pas, mais je l’ai dit. Je l’ai surtout dit parce que j’en avais marre d’entendre le directeur de banque nous raconter comment il avait loué une île privée aux Seychelles pour ses vacances. La bourgeoise capricieuse qui nous racontait comment elle décide certains matins de faire un aller-retour avec son jet privé, pour s'acheter uniquement un rouge à lèvres bien rouge dans une boutique de la rue Rodeo Drive à Beverly Hills. Du politicien qui nous raconte comment les buffets sont circulants au Palais de l’Élysée, etc.

 

C’est à ce moment que cette citation : « La plupart des gens prennent l’Afrique pour un pays où l’on ne fait qu’attendre la mort. Je suis étonné par un tel manque de curiosité » de Dany Laferrière, dans son livre « Tout ce qu’on ne te dira pas, Mongo » a eu un sens particulier dans mes oreilles. Parce que, j’ai suivi ceci, quand je me suis éloigné du petit groupe pour rejoindre un autre avec des personnes moins bobo :

« Je sais qu’il rigole, il n’y a pas d’Africain milliardaire, dans tous les cas milliardaires africains résidant en Afrique, ce n’est pas possible », « Même ces footballeurs que l’on voit ici n’ont que des millions, pas le milliard et en plus ils vivent ici et non pas là-bas », « Tu as vu le Soudan, ils sont tous maigres », « La famine qui lamine les populations, et les maladies », « Mais Marraketch, c’est l’Afrique non ? », « Non c’est le Maghreb, ce n’est pas pareil même si c’est en Afrique, c’est un peu comme l’Europe. Les milliardaires qui sont là-bas sont des expatriés européens, américains, ou les princes du Qatar et de l’Arabie, ils ont l’argent du pétrole et du gaz », « Je crois avoir vu à la télévision qu’il y a aussi le pétrole en Afrique », « Quoi ? Tu blagues ? Moi, j’étais en visite humanitaire en Gambie et je peux te dire qu’il n’y a pas de pétrole, les gens sont tellement pauvres que j’ai passé mon temps à pleurer », etc.

source: Michel Tagne Foko 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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