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Freestyle rappeur : « Pour moi, Cheikh Béthio est en mission»

 

SportCheikh Ibra Paye alias Freestyle fait partie de ces jeunes rappeurs que tout parent aimerait avoir comme fils. Tombé très tôt sous le charme de la musique, ce fervent disciple de Cheikh Béthio a su allier musique et études malgré la réticence de ses parents. Il nous a accueillis en «talibé» chez ses parents à la cité Biagui. Freestyle parle de l’arrestation de son guide religieux, de la vie chère et de la musique bien sûr. Entretien !

Dans votre nouvel album, vous avez mis les notes sur une dimension spirituelle. Est-ce  un nouveau  tournant dans votre carrière ?

Effectivement,  je pense que c’est un pas en avant que j’ai réalisé avec toute mon équipe. Le mot juste est la maturité, mais aussi ce sont les efforts consentis à travers des recherches que je fais pour perfectionner ma musique. C’est un apprentissage continuel. La musique évolue et les artistes sont appelés à faire de même. C’est pour cela que l’étude est très importante. Il est tout à fait normal qu’à chaque sortie d’un nouvel album, vous puissiez constater une nouveauté dans ce que vous faites. C’est l’aboutissement d’un travail de recherche pour apporter un plus à ma musique.

Vous avez chanté l’unité africaine dans votre album. Êtes-vous un panafricaniste ?

J’ai vu qu’il est temps que l’Afrique s’unisse. Mon expérience personnelle m’a confortée dans cette idée-là. Lors de mes voyages en Europe, le fait qui m’a le plus marqué, c’est la communion qui existe entre les frères sénégalais et d’autres nationalités. Pour être conscient de l’importance de l’union pour mes frères africains, il faut voyager. Au pays, tu vois des gens qui ne se saluent même pas, mais dans un autre pays, vous êtes obligés de vous familiariser. Dans les rues, dans les métros, si tu viens d’arriver, les premières personnes à côtoyer sont des frères sénégalais avant même que tu ne te présentes, les gens t’aident. C’est un sujet que bien des artistes ont abordé avant moi. C’est juste pour vous dire que les Africains sont plus que jamais conscients de l’importance de l’unité et des possibilités qu’elle peut nous offrir. Comme le dit un dicton, ‘’l’union fait la force’’. Je suis un panafricaniste et je suis totalement engagé dans cette voie.

 

«Pour être conscient de l’importance de l’union pour mes frères africains, il faut voyager. Au pays, tu vois des gens qui ne se saluent même pas, mais dans un autre pays, vous êtes obligés de vous familiariser. Dans les rues, dans les métros, si tu viens d’arriver, les premières personnes à côtoyer sont des frères sénégalais avant même que tu ne te présentes les gens t’aident».

Quelle lecture faites- vous du hip-hop à Galsen  (NDLR : déformation de Sénégal par les adeptes du hip-hop)?

Je pense que le hip-hop à Galsen monte en flèche. Le mouvement évolue. Cela prouve que les rappeurs ont amélioré leurs textes et  mélodies et sont en train de marquer de leur empreinte la musique sénégalaise. De plus, il y a la nouvelle génération qui veut s’imposer. Elle  apporte une touche nouvelle à la famille  hip-hop. La force du mouvement, c’est la variété de la musique, la touche apportée par les anciens du milieu (Old school) et les jeunes qui émergent (New school).

En parlant de variété dans le hip-hop, dans quel but avez- vous introduit les instruments tels que le violon et le piano dans votre beat ?

Je veux apporter ma propre touche à travers ma musique dans le mouvement hip-hop. Dans tous les domaines, il faut savoir se démarquer mais ne pas se marginaliser. Il faut essayer d’apporter quelque chose de nouveau. Ce n’est pas facile de sortir du lot, il faut bosser dur, avoir l’esprit créatif. La quête de la connaissance est très importante dans la musique. Les gens parlent de  Freestyle ‘’hip-hopper’’, je l’accepte mais je suis aussi dans la World musique. En fait, le hip-hop se retrouve dans la world musique. Vous verrez dans mes tubes du jazz et d’autres styles de musique par exemple. Raison pour laquelle, je me suis initié à la pratique de divers instruments comme la trompette, le saxo, le violon, la guitare, le piano…

 A chacune de ses sorties, Freestyle fait forte impression. Mais les fans vous interpellent sur vos absences sur les scènes, comment expliquez-vous cela ?

Les études et les recherches que je fais pour améliorer ma musique et donner le meilleur de moi-même m’éloignent souvent du milieu. C’est mon souci d’offrir un produit de bonne qualité au public ce qui explique ce décalage. Je suis dans la catégorie de ceux qui partent de zéro pour aller vers le sommet et ce n’est qu’avec le travail, qu’on peut trouver satisfaction. Quand je regarde mon premier album  et tous les efforts consentis pour la sortie du second, je m’aperçois nettement de la différence. Il y a un palier qui a été franchi et c’est important. La musique évolue, l’artiste aussi. Je sais que tout le monde ne peut pas m’aimer. Mais, je suis conscient qu’il y a un monde fou qui adore ce que je fais. Je respecte mon public et je me bats à chaque fois pour lui offrir ce que j’ai de meilleur dans ma musique. Je prends de plus en plus conscience du public qui croit en ma musique et m’encourage. C’est une source de motivation supplémentaire pour moi. Au Sénégal, les gens ont tendance à te juger sur ton apparence.  Le clip ‘’Midadi’’ tiré de mon dernier album a beaucoup joué sur mon image. Beaucoup de personnes croyaient que j’étais un fils à papa. D’autres, à travers mon premier album, pensaient que j’étais beaucoup plus bling-bling, du genre fashion. Au contraire, c’était juste du marketing. Mais à la sortie du clip, j’ai franchi un autre palier, c’est une autre personnalité de Freestyle qui a été mis en exergue. Grâce à mon second album, j’ai pu  toucher toutes les couches de la société et c’est ça le but qui était recherché. Toutes les générations peuvent consommer ma musique et j’apprécie. Je me prépare pour le tournage d’un autre clip à Kédougou avec les Bassaris, un autre style où l’africanisme sera élevé au premier rang avec des tenues traditionnelles. Et ceux qui se plaignaient de ne pas m’écouter chanter en wolof, vont être servis. Depuis le début, je ne chantais qu’en français, anglais ou en arabe. A chaque fois, je veux me surpasser pour apporter quelque chose de nouveau.  J’ai des projets et j’ai du chemin à faire. Je ne suis pas pressé mais que l’on me donne un peu plus de temps. Il est certain que j’ai énormément de choses à réaliser côté musique.

 

«Le Cheikh, je le porte dans mon cœur. Que je sois en Europe et qu’il soit ailleurs, n’a aucune incidence sur nos rapports. Aujourd’hui, le Cheikh est beaucoup plus présent dans mon cœur et dans mon esprit qu’avant. La perpétuité de son enseignement reste le plus important. Enseignement dont les grands axes sont : le respect et la dévotion envers les parents, être serviable et modeste envers ses pairs, l’amour du  travail, le sens du  partage»

Comment faites-vous pour allier multi medias et musique ?

C’est un boulot pas facile du tout. Il n’est pas évident de s’en sortir, mais les deux vont de pair. On ne peut pas se démarquer de l’un.

Je sais que je ne peux pas tout faire. Mais, il faut essayer de se perfectionner dans son métier comme je l’ai souligné auparavant. Il faut savoir ce que l’on veut quand on aspire à progresser dans le milieu. Je travaille sur mon site. Je monte mes logos, mes design, mes flyers etc. Je m’implique à 100% sur tout ce qui touche à ma carrière musicale. Je ne regrette pas les études que j’ai faites. Cela m’a permis d’avoir une vision plus ouverte sur la musique et les domaines qu’elle regroupe. Cela ne peut être qu’un plus, si on arrive à allier les différentes techniques de base car c’est toujours le domaine des technologies de la communication. Personnellement, je continuerai à persévérer dans cette voie.

Qu’est-ce qui vous lie à Cheikh Béthio Thioune ?

Quand vous parlez du Cheikh,  je m’en réjouis. C’est  grâce à Serigne Saliou Mbacké que j’ai fait acte d’allégeance au Cheikh. J’entretiens une relation privilégiée avec le guide des Thiantacounes et des gens pourront en témoigner. Je m’enfermais seul dans une chambre avec mon piano pour lui jouer le célèbre titre de mon dernier album  ‘’Midadi’’. La disponibilité et la dévotion qu’il a envers ces talibés me suffisent  amplement.  Je me dois d’être plus que fidèle envers mon guide. Et, son incarcération ne veut pas dire que nous avons coupé les liens. Pour moi, il est en mission. C’est la philosophie que j’ai de la situation.  L’amour que j’ai pour lui et l’éducation qu’il m’a transmise, sont irrévocables. La distance n’a pas d’importance. Le Cheikh, je le porte dans mon cœur. Que je sois en Europe et qu’il soit ailleurs, n’a aucune incidence sur nos rapports. Aujourd’hui, le Cheikh est beaucoup plus présent dans mon cœur et dans mon esprit qu’avant. La perpétuité de son enseignement reste le plus important. Enseignement dont les grands axes sont : le respect et la dévotion envers les parents, la serviabilité et  la modeste, l’amour du  travail, le sens du  partage.

«A la place de la musique, nous allons organiser un grand Thiant, distribuer des dons et renouveler notre dévouement au Cheikh. Et c’est l’occasion pour moi de dire à tous mes frères disciples du Cheikh, de rester sereins et calmes face à la situation - comme le Cheikh l’a demandé. Nous connaissons notre guide et son engagement pour la non-violence, un de ses principes de base, donc j’invite tous mes frères à suivre les recommandations du Cheikh».

L’année dernière vous aviez tenu des concerts dans certaines prisons du pays, est ce que Freestyle fera de même cette année ?

L’an dernier, j’avais tenu des concerts à l’intérieur des prisons dans le cadre du FESMAN. Quand le chargé de communication du ministère de la Culture, Alassane Cissé, a demandé mon avis sur les endroits où je devais me produire, j’ai porté mon choix sur les prisons pour partager avec les détenus quelques moments de communion. Je suis en train de préparer la tournée de cette année dans certaines prisons du Sénégal. Et je compte le faire tous les ans, car c’est aussi cela, l’esprit de partage que le guide nous a enseigné. 

La prison de Thiès fait-elle parti des lieux que vous avez choisis pour la tenue de vos concerts ?

Je vais terminer la tournée à Thiès. Cependant il n’y aura pas de concert  à la prison de Thiès. A la place de la musique, nous allons organiser un grand Thiant, distribuer des dons et renouveler notre dévouement au Cheikh. Et c’est l’occasion pour moi de dire à tous mes frères disciples, de rester sereins et calmes face à la situation comme le Cheikh l’a demandé. Nous connaissons notre guide et son engagement pour la non-violence, un de ces principes de base, donc j’invite tous mes frères à suivre les recommandations du Cheikh. En sus, la bonne tenue du talibé fait partie des critères indispensables auxquels le Cheikh tenait. Il lui arrivait  de vérifier nos bulletins de notes, de voir si nous étions biens habillés et bien rasés. Il se souciait de tout ce qui pouvait nuire à notre image. Donc aux Thiantacounes, je dis : «Gardons notre calme, car la vérité finira toujours par triompher. Pardonnons parce que Serigne Touba à son retour d’exil nous a enseignés le pardon. Quand tous les disciples attendaient que le Saint Homme se venge du Blanc, il leur a enseigné une autre vertu : le pardon.»

Il paraît qu’à Thiès, les commerçants font de bonnes affaires depuis la garde-à-vue du Cheikh …

Cela les arrange certes, mais nous les talibés, notre plus grand souhait est de  revoir le Cheikh parmi nous. C’est la volonté du bon Dieu. Quand Serigne Touba partait en mission, il savait que la tâche serait lourde. Pourtant, il n’a point failli à sa mission. Il s’est battu pour la reconsidération de la race noire, la continuité et la pratique de l’islam. C’est juste pour vous dire que le malheur des uns fait le bonheur des autres. C’est le bon Dieu qui nous met en face des épreuves que nous devons surmonter. Mais bref, nous avons la nostalgie du Cheikh et nous allons le revoir bientôt parmi nous. Je le souhaite de tout mon cœur. 

Les Thiantacounes ont une tradition d’amener du ‘’ndogou’’ chez votre guide à Dakar. Comment s’est déroulée l’édition de cette année vu qu’il est en détention préventive ?

Bien sûr qu’on l’a fait cette année. On avait la nostalgie de cet événement. On se préoccupait même de sa tenue. Serigne Saliou avait l’habitude de dire au Cheikh : «Béthio tu es béni et tu auras du succès dans tout ce que tu entreprendras». Donc quand approchait le jour de la Leylatoul Khadry, on a eu écho que le ‘’ndogou’’ devait être préparé et apporté. C‘est à ce moment que j’ai su que ce que le marabout avait prédit, s’est réalisé. Les œuvres du Cheikh continueront à être perpétuées. Même s’il a plu lors de cette journée, on n’a pas failli à la tradition. C’est dans la joie et la communion que nous avons apporté le ‘’ndogou’’ comme à l’accoutumée.

Comment avez-vous accueilli l’élection de Serigne Khadim Thioune au poste de député ?

Je croyais même que ma mère siégerait à l’Assemblée nationale parce qu’elle était sur la liste. Après la proclamation des résultats, j’étais surpris et un peu déçu parce que si nous avions  pris les devants, nous aurions pu avoir plusieurs députés. Mais les prochaines élections seront beaucoup plus disputées car les Thiantacounes auront plus de maturité politique. Nous sommes une grande communauté et nous pouvons réaliser beaucoup de choses dans ce pays. 

Qu’attendez-vous de lui en tant que représentant du peuple ?

J’aimerai bien qu’une loi soit votée concernant les accusations gratuites. Je n’aime pas qu’on dise du n’importe quoi sur la personne sans pour autant vérifier l’information. Khadim Thioune, ce n’est pas moi qui vais lui apprendre son travail à l’Assemblée. Je pense qu’il fera le maximum pour répondre aux attentes des Sénégalais. Les conditions dans lesquelles vivent  les populations sont inacceptables. Les coûts élevés de l’électricité et du carburant, les denrées de première nécessité sont trop chères. Mêmes les familles qu’on dit aisées, font face à ces maux.  Donc, je m’attends à ce qu’il défende les intérêts du peuple afin que ce dernier puisse avoir accès au minimum. Ensuite, il y a le problème de la garde-à-vue au Sénégal. Ce problème tient Khadim Thioune à cœur parce que quand le Cheikh a été interpelé, il ne pouvait pas voir son avocat et beaucoup de détenus font face à cette situation dans ce pays.

Quelle est votre impression sur la nomination de Youssou Ndour comme ministre de la Culture et du Tourisme ?

Dans la vie, il faut avoir de l’abnégation. Tout dépend de la volonté qu’on a pour mener à bien sa mission et la réussir. Rien n’est impossible dans la vie, tout ce que l’homme veut avec sa volonté et avec l’aide de Dieu, il peut y arriver. Je crois que c’est un challenge et il a toujours fait face à des situations. Il n’y a pas de secret, seul le travail paye. C’est juste un défi qu’il doit relever. Les gens attendent beaucoup de lui. Nous espérons qu’il aura les outils nécessaires pour mener à bien sa mission.

Pensez-vous qu’il sera en mesure d’éradiquer la piraterie lui qui connaît bien le phénomène ?

Une lutte perpétuelle s’impose. Le phénomène de la piraterie est très complexe. Tu vois des artistes sortir des albums et ne pas pouvoir en tirer un sou. C’est un problème qui n’a pas fini de faire sombrer bien des artistes. Ce n’est pas aujourd’hui que la situation va être réglée. La piraterie se retrouve dans tous les domaines même dans la mode, elle existe. Mais j’ai espoir en Youssou Ndour pour qui, j’ai une grande estime. On se côtoie régulièrement et je pense qu’il va s’employer à prendre des mesures pour lutter contre ce phénomène. Cependant, Youssou Ndour n’est pas seulement là pour les musiciens. Il s’active pour tous les artistes, peintres, écrivains, réalisateurs et danseurs. Ils sont nombreux. Pour le tourisme, la tâche est dure. Comme, j’ai eu à le souligner au début, seul le travail pourra nous sortir de bien des maux.

Le mot de la fin ?

Je rends grâce à Dieu, je remercie mes parents et amis. Je demande pardon à tous les sénégalais. « Dewenati » à tout un chacun - que ceux que j’ai offensés sans le vouloir puisse me pardonner. Je remercie tous mes fans pour leur encouragement. J’appelle tous mes frères à plus de discipline, d’humanisme et les convie au travail. C’est la clef de la réussite. Je prie le bon Dieu pour que la paix puisse régner dans notre pays.
SOURCE: LE SENEGALAIS.NET
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