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Monsieur le président et les membres de la Commission nationale de réforme des institutions à Dakar.
Membre des Assises nationales et un responsable de l’Observatoire républicain pour la démocratie et la citoyenneté (ORDC), j’ai siégé à la Commission Institution, liberté et citoyenneté, du début à la fin de ses travaux. Je voudrais à ces titres vous transmettre mon opinion sur deux problèmes qui me semblent particulièrement importants pour l’avenir de notre pays. Il s’agit du rôle du Premier ministre dans une démocratie moderne et du mandat présidentiel renouvelable.
Concernant le rôle du Premier ministre, je ne fais d’ailleurs que rappeler ce que les Assises Nationales ont adopté (voir livre édité par l’Harmattan Assises nationales Sénégal An 50 page 259). « Le premier ministre détermine et conduit la politique de la Nation » De mon point de vue la Commission nationale de réforme des institutions doit maintenir cette option malgré l’opposition car il faut toujours prévoir la possibilité, un jour la cohabitation entre un président de la République et une Assemblée nationale se trouvant dans des coalitions politiques différentes mais tous les deux issus du suffrage universel et ayant donc la même légitimité. La situation s’est produite en France pays qui a largement inspiré nos différentes institutions, à trois reprises, en deux décennies.
Le président de la République et le Premier ministre étaient dans deux coalitions politiques différentes. Les cohabitations ont eu lieu en 1986 (François Mitterrand – Jacques Chirac) ; 1993 (François Mitterrand – Edouard Balladur) ; 1997 (Jacques Chirac- Lionel Jospin). Cette situation a existé dans d’autres pays. Mais là où la Constitution n’avait pas prévu une telle éventualité d’énormes difficultés ont eu lieu.
Si au Zimbabwe et au Kenya, il y a eu ces dernières années, des troubles extrêmement sanglants, occasionnant des dizaines voire des centaines de morts, c’est parce que les rédacteurs des constitutions de ces deux pays d’Afrique n’avaient pas prévu l’éventualité d’une cohabitation entre un président de la République et une assemblée dominée par l’opposition. Evidemment les constitutions avaient été rédigées par les hommes des pouvoirs en place.
Une constitution ne doit pas être élaborée en fonction des intérêts des autorités en place. La vie politique d’un président de la République ou de n’importe quel élu est limitée dans le temps, alors qu’une Constitution doit être élaborée pour le présent et futur du pays.
Le président Kenyan Uhuru Keynatta et son vice-président William Ruto élus en mars 2013 sont accusés depuis janvier 2012 de crimes contre l’humanité par la CPI pour leurs responsabilités présumées dans les violences qui ont ensanglanté l’élection de 2007. Il faut éviter donc à nos pays une telle situation qui a divisé l’Union à son dernier Sommet…… de certains Chefs d’Etat qui craignent que la CPI se penche un jour sur leur cas (Ouganda, Zimbabwe, Burkina Faso, Quinée Equatoriale et autres).Quant au deuxième problème, le mandat présidentiel c’est une opinion nouvelle que j’ai développée dans un article intitulé : Un mandat unique de six ans au Sénégal, pour le président de la République. Il a été publié dans quatre journaux : Enquête, Lequotidien, Sudquotidien (jeudi 17 octobre 2012) et Walfajri, ‘samedi 20 octobre 2012).
Une longue observation de la vie politique du Sénégal, de l’Afrique et du monde m’a permis de constater que le second mandat pose toujours problème dans les pays à régime présidentiel ou présidentialiste comme le nôtre. Il constitue même un frein pour le développement surtout dans les pays où la démocratie n’est pas bien ancrée. Un président, dès qu’il est élu avant même de prêter serment commence à penser au à un second mandat. Il en est ainsi dans tous les pays du monde, y compris les Etats Unis d’Amérique.
Déjà au mois de septembre 2012 c'est-à-dire juste sept mois après son élection, l’actuel président du Sénégal Macky Sall déclarait au cours d’une visite aux USA, devant ses militants « j’espère qu’au terme de ce quinquennat les Sénégalais me feront confiance pour présider aux destinées de notre pays (voir journal le populaire du 28 septembre 2012. D’ailleurs bien avant cette déclaration publique, son ministre de l’éducation nationale, Ibrahima Sall parlant d’un second (voir l’As et l’Observateur du 19 juin 2012), déclarait : « je pense qu’un quinquennat renouvelable, va pacifier l’espace politique ». Aujourd’hui les hommes politiques surtout les prétendants à la magistrature suprême ne pensent qu’à l’élection présidentielle qui doit avoir lieu en 2017 alors que l’actuel président vient juste de boucler le tiers de son mandat, s’il respecte sa proposition de faire un quinquennat au lieu d’un septennat pour lequel il a été élu. Que la durée du mandat soit sept ans ou six ans comme au Mexique et aux philippines cela importe peu. L’essentiel est que le mandat soit unique. Il faut souligner qu’un mandat unique de sept ans équivaut à deux mandats Etats Unis ou dans certains pays moins un an d’exercice de pouvoir. Avec l’unique mandat de six ou sept ans, le Sénégal va économiser beaucoup d’argent et la productivité du travail sera accrue. Le président sera moins stressé et pourra prendre des mesures allant dans le sens des intérêts du pays sans subir les foudres des maîtres chanteurs que l’on trouve dans toutes les catégories de la société (Chefs religieux, partis politique et autres secteurs sociaux) ils n’auront plus d’emprise sur lui. Son seul souci sera les réalisations qu’il pourra montrer à ses compatriotes le jour de son départ du pouvoir.
J’espère mesdames et messieurs les rédacteurs que vous ne manquerez pas, pour la rédaction de cette Loi fondamentale qu’est la Constitution d’examiner avec lucidité toutes les propositions qui vous seront soumises. Le Sénégal vous sera reconnaissant d’avoir élaboré une Constitution, en tenant compte uniquement de ses intérêts supérieurs au détriment des intérêts partisans.
Abdoul Aziz Diagne
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