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Si l’hivernage s’installe et que les pluies sont abondantes, la crise de l’eau à Dakar va probablement s’amenuiser. Ce n’est pas parce qu’on doit se fier aux oracles pour trouver une solution au déficit de production d’eau qui plonge les ménages de la banlieue, de Rufisque et des quartiers «hauts» de Dakar dans le désarroi. Ce n’est pas non plus une affaire de Mme Soleil.
En effet, une pluie régulière permettrait aux maraîchers de «décrocher» et permettre ainsi à la SDE de récupérer entre 18 000 et 20 000 m3 d’eau par jour. Le déficit ponctuel pourrait être très vite comblé. Mais, l’écart chronique entre l’offre et la demande se maintiendra autour de 15 000 m3, comme l’a montré l’étude sur le schéma de mobilisation des ressources en eau menée par la SONES en 2010.
Aussi bien la SONES que la SDE savent qu’en période d’hivernage, ce déficit s’installe. Et tant que la réalisation des forages de Thiaroye ne sera pas effective, les maraîchers continueront de pomper entre 11 000 et 25000 m3 d’eau par jour si les vannes du ciel tardent à s’ouvrir.
La SONES s’est engagée à décrocher les maraîchers et doit parachever cette entreprise dans le cadre du PDMAS. Et surtout en rapport avec les acteurs mettre en place un mode de gouvernance qui permettra d’éviter l’échec de l’expérience des forages de Mberthialane dans les années 90. Confiée aux maraîchers la gestion de ces ouvrages avait fait flop. L’expérience avait tourné court et les forages arrêtés.
Les conséquences de cet échec de management par les cultivateurs sont nombreuses : la remontée de la nappe source d’inondation, l’utilisation de l’eau traitée à Keur Momar Sarr et Gnith, qui prive une bonne partie de la population dakaroise de milliers de mètres cubes d’eau par jour.
En effet, plus de 7 % de la production d’eau va à l’agriculture. Ce qui en soi n’est pas une mauvaise chose. A la différence que l’eau des forages existe bel et bien et aurait dû servir au maraîchage. Le coût de production de l’eau est au moins dix fois supérieur à celui des forages. Et le niveau élevé de cet intrant pèse aussi sur le prix des produits maraîchers, essentiellement destinés à l’exportation, il est vrai.
LA SONES ÉTRANGLÉE
Mais c’est là le moindre mal, car la SONES est obligée de subventionner cette consommation à hauteur de près deux milliards chaque année. Il est vrai que les maraîchers bénéficient d’une libéralité de la Banque Mondiale qui, en 1996, avait introduit dans la réforme une disposition leur permettant de bénéficier d’un maximum de 11 000 m3.
Ce plafond est largement dépassé à cause du laxisme de l’État qui accorde à tour de bras des quotas maraîchers aux autorités religieuses, musulmanes comme chrétiennes, et traditionnelles et autres cultivateurs du dimanche. Certains quotas sont même revendus car leurs bénéficiaires indus sont de simples spéculateurs. Comble d’absurdité la SONES supporte d’autres factures de marabouts et du clergé dans le fameux bordereau 100.
L’État a les moyens d’y mettre fin, et d’accélérer le décrochage des maraîchers et les libéralités faites à des pontes de la société.
DÉCROCHAGE NÉCESSAIRE MAIS INSUFFISANT
Sans doute, cette économie réalisée dans le décrochage des maraîchers ne suffira pas à augmenter très sensiblement l’offre en eau à Dakar. La SDE avait bien prévenu les autorités de l’imminence d’un manque d’eau, si les mesures d’urgence prévues par la SONES à la rencontre de Saly en 2012 n’étaient pas appliquées. Et surtout si les travaux densification des réseaux de Dakar ne sont pas finalisés.
La SONES estime avoir mis à la disposition de la société de distribution un volume de 15 600 m3. Ce que rejette la SDE, qui évalue à, à peine plus de 8000 m3 les volumes mobilisés par sa sœur. Il n’est pas impossible de trancher le différend, mais l’écart est tellement dérisoire au regard du déficit cumulé (estimé à plus de 40 000 m3) que cette de statistique est superflue.
La SONES continue de réclamer une évaluation de la production des 400 ouvrages du patrimoine, dans les 70 centres du périmètre affermé. Un véritable audit de la production s’impose, pour estimer de manière plus effective les capacités potentielles de la SDE.
La société de distribution pointe du doigt des retards dans la réalisation des travaux, notamment de densification des réseaux primaires et secondaires et comme une éternelle rengaine, et l’âge moyen du réseau qu’elle juge avancé. Pourtant, une récente étude sur le réseau réfute cette thèse et souligne plutôt une gestion déficiente des fuites d’eau.
ÉTERNEL DÉBAT
Ce débat interminable ne sera pas tranché de sitôt tant qu’un audit intégral de la gestion des deux sociétés ne sera fait. Un audit indépendant qui serait confié à des bureaux internationaux compétents, pour mesurer les performances du secteur dans les domaines techniques, financiers et humains. C’est un préalable qui aurait dû être assuré avant la reconduction du contrat de la SDE, qui consacre le statu quo du secteur. Même si au demeurant, les obligations de la SDE en matière d’investissement ont été amplifiées en même temps que ses opportunités de gain dans la réalisation des renouvellements. Un pactole de plus cinq milliards avec en prime un contrat qui fait de la SDE, une société de distribution d’eau et de travaux.
A l’analyse, la faute incombe plutôt à l’État qui, de fait, met les deux sociétés en difficulté. Les retards dans l’acquittement de ses factures font qu’il doit aux deux structures une bagatelle de plus d’une trentaine de milliards. La SONES en souffre le plus car 80% de ses ressources sont indexés sur les consommations de l’État et la SDE seulement 20%. Cette dernière se paie essentiellement sur les consommations du privé où son taux de recouvrement avoisine les 100%.
La SONES, elle, doit attendre la bonne volonté de l’État pour récupérer ses dus. Son capital étant détenu à 99% par l’État et ses démembrements, comment pourrait-elle réagir contre son patron et propriétaire ? C’est cela la quadrature du cercle.
De toute façon, c’est à la SDE de recouvrer les factures en sa qualité de trésorier du secteur. Elle n’ose pas couper les robinets de l’État, ni de l’UCAD, ni les lieux de culte et s’acharner sur les particuliers, accessoirement les mairies.
DESSALEMENT : UNE SOLUTION PROVISOIRE
Face à l’assèchement de ses finances, la SONES ne peut assurer le service de dette abyssale de 200 milliards. Et les bailleurs de fonds bloquent régulièrement ses décaissements. Du coup, les travaux s’arrêtent. Les retards s’accumulent. Les demandes en eau montent de manière exponentielle. Les constructions en hauteur pullulent. Et les déficits s’installent. Même la future construction d’une station de dessalement de l’eau de mer (pour 40 milliards déjà bouclés) ne suffira pas à combler ce déficit structurel, qui ne pourra être gommé que par des solutions structurelles.
La SONES ne maîtrise pas ses ressources, parce que trop dépendante de la SDE et de la bonne volonté de l’État. Depuis 2006, elle réclame à cor et cris un réajustement tarifaire de seulement 25 frs par m3 d’eau, en vain. Ce refus motivé par des raisons purement politiciennes plombe la société de patrimoine et l’Office National de l’Assainissement (ONAS) dont les ressources provenant de la taxe d’assainissement sont collectées par la SDE sur les factures d’eau dans les villes assainies.
Et les scénarios de réajustement tarifaire (déplafonnement de la tranche sociale ramenée à 15 000 m3 ) ne semblent pas prospérer. La SONES, à l’instar de la SENELEC, dix fois moins performante qu’elle, doit être maître de ses ressources et évaluée sur l’utilisation qu’elle en ferait.
La SDE, n’a pas le même souci. Son prix/exploitant a augmenté de plus de dix points depuis 1996. Au même moment le prix patrimoine de la SONES fond comme neige au soleil. Le mécanisme : la SDE se réajuste sur la SONES chaque fois que ses charges d’exploitation augmentent dans des proportions non prévues par le contrat d’affermage. La SONES devient donc sa variable d’ajustement. C’est une logique contractuelle pour l’heure imparable.
La SDE est une société de distribution performante qui exporte même ses compétences en Arabie Saoudite et en Afrique. La SONES est un service public de référence reconnue et plébiscitée par les bailleurs. Les deux sœurs jumelles ont réussi à faire atteindre le Sénégal les OMD avant même 2015. Mais les Sénégalais des villes (6 millions) risquent d’avoir de plus en plus soif si ces contradictions structurelles ne sont pas dépassées.
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AUTEUR : PAR MOMAR SEYNI NDIAYE DE SENEPLUS
SOURCE:http://www.seneplus.com/article/les-vraies-raisons-de-la-crise-de-l%E2%80%99eau
Sénégal - Les vraies raisons de la crise de l’eau
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