La décision du président de la République, Macky Sall, de réduire son mandat de sept à cinq est «ferme, résolue et irrévocable », a déclaré hier, lundi 21 juillet, un de ses proches collaborateurs. Pour lui, «c’est juste une question temps et de calendrier. Macky Sall va trancher définitivement ce débat qui n’a pas sa raison d’être. Parce que connaissant l’homme, il ne prend jamais sa parole à la légère. C’est un engagement qu’il avait pris et qu’il a décidé d’honorer
Sa décision de réduire son mandat de 7 à 5 ans est «ferme, résolue et irrévocable», selon un proche du président de la République, Macky Sall avec qui il s’est entretenu sur la question il y a plus d’une dizaine de jours. Et notre source de soutenir : «Contrairement à ce que l’on entend, le Président n’a nullement l’intention de revenir son engagement et cela malgré les assauts de ses camarades «apéristes» ». Ce proche du chef de l’Etat explique que Macky Sall avait délibérément laissé passer la période des élections locales. Pour lui, «c’est juste une question temps et de calendrier. Macky Sall va trancher définitivement ce débat qui n’a pas sa raison d’être. Parce que connaissant l’homme, il ne prend jamais sa parole à la légère. C’est un engagement qu’il avait pris et qu’il a décidé d’honorer », soutient notre source.
Pour rappel, lors de la rencontre avec le Groupe consultatif à Paris, le chef de l’Etat s’était prononcé devant les bailleurs sur la réforme institutionnelle visant à ramener de sept à cinq ans le mandat présidentiel, renouvelable une seule fois : «Cette réforme ramènera à cinq ans, renouvelables une seule fois, le mandat de sept ans pour lequel j’ai été élu. Elle sera d’application immédiate», a-t-il déclaré à l’ouverture du Groupe consultatif 2014 pour le Sénégal, réunissant le pays, ses bailleurs et partenaires techniques et financiers (Ptf).
REDUCTION DU MANDAT PRESIDENTIEL - Seule la voie référendaire est autorisée
Les constitutionnalistes sont unanimes sur la question : seule la voie référendaire peut être utilisée pour la révision constitutionnelle visant à réduire le mandat présidentiel de 7 à 5 ans. Les Professeurs agrégés de Droit constitutionnel se sont référés à l’article 27 de la loi Fondamentale pour asseoir leur thèse et réfuter celle qui fait recours à l’Assemblée nationale et que le Pr Babacar Guèye qualifie de «révision-pirate ».
A la question quelle voie la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans doit emprunter, le Pr Babacar Guèye, agrégé de droit consitutionnel déclare sans ambages : « la voie royale de la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans est le référendum, comme le précise la Constitution de notre pays datant de 2001», a-t-il déclaré hier, lorsqu’on l’a joint au téléphone. En effet, dans le titre III de la Constitution de la République du Sénégal du 22 janvier 2001, intitulé «Du président de la République», l’article 27 dispose : «La durée du mandat du président de la République est de sept ans. Le mandat est renouvelable une seule fois. Cette disposition ne peut être révisée que par une loi référendaire». Pour le constitutionnaliste, si l’on se réfère à l’article 27 de la Constitution, la voie parlementaire est exclue. La sortie de ce rédacteur de la Constitution, lors d’un débat en 2008 sur la même question, et cité récemment dans une contribution de Seybani Sougou intitulée «Le référendum, une obligation pour réduire le mandat de Macky Sall », est sans équivoque : «Lors de la rédaction des textes, nous avions estimé devoir ne pas faciliter des révisions intempestives de la Constitution sur des points essentiels. C’est pourquoi nous avions mis noir sur blanc, en particulier, que toute modification de la durée du mandat du président de la République ne serait possible que par le référendum». Et d’ajouter en substance : «L’esprit de la loi, c’est d’éviter une personnalisation du pouvoir».
La «Révision-Pirate» ou l’art du forcing
Le Professeur agrégé de Droit constitutionnel explique que si la voie de l’Assemblée nationale est empruntée pour la réduction du mandat présidentiel de 7 à 5 ans, il s’agirait dans ce cas d’espèce de «révision-pirate» (révision constitutionnelle, s’entend). Il explique ce concept de «révision-pirate» par une volonté de forcer le barrage, sachant qu’en cas de saisine du Conseil Constitutionnel pour anti constitutionnalité de la révision de la Constitution par voie de l’Assemblée nationale, ce dernier va se déclarer incompétent. Ainsi, l’opposition qui tenterait d’introduire un recours auprès du Conseil Constitutionnel pour contrecarrer le «coup de force» - si l’Assemblée nationale était choisie pour vider l’affaire – n’aurait pas gain de cause.
Pour le Professeur Babacar Guèye, quelques réformes urgentes proposées par la Commission de réforme dirigée par le Pr Ahmadou Makthar Mbow peuvent en même temps être soumises à référendum et cela réduirait sensiblement le coût de l’opération. Il répondait ainsi à ceux qui agitent l’argument du coût très élevé du référendum.
Cité par Sougou, le Pr Ismaïla Madior Fall, agrégé du droit constitutionnel, dans un débat épique en 2008 avec le pouvoir de l’époque, s’était prononcé sur le projet de loi constitutionnelle portant modification de l’alinéa 1 de l’article 27 de la Constitution, faisant passer le mandat du Président de 5 à 7 ans : «Lorsqu’un texte finit d’exposer une disposition, c’est-à-dire une norme ou des règles et prévoit que cette disposition (c’est-à-dire en l’occurrence la fixation de la durée du mandat et la limitation des mandats à deux) ne peut être révisée que par une loi référendaire, il n’y a place à interprétation, même pour les exégètes les plus passionnés (...) aussi bien la modification de la règle du quinquennat que celle de la clause limitative du nombre de mandats présidentiels requièrent la consultation du peuple sénégalais, seul habilité à en décider par le biais d’un référendum».
Un autre Pr de droit constitutionnel joint par nos soins, mais qui a préféré garder l’anonymat abonde dans le même sens : «Les gens cherchent à installer un débat, mais les choses sont d’une extrême simplicité. Il faut juste se référer à l’article 27 de la Constitution qui ne prévoit qu’une seule possibilité, c’est la voie référendaire. Il n’y a pas de discussion possible. On n’a même pas besoin d’être juriste pour comprendre qu’il n’y a qu’une seule voie possible», tranche cet éminent juriste. Et d’ajouter : «si on connait l’histoire de cet article 27 également, on se rendra compte que ça ne peut être que la voie référendaire». Pour lui, «De 1960 à 2002, il y a eu une instabilité au niveau de la durée et du principe du renouvellement. Ça a beaucoup varié de 1960 à 2001. Voilà pourquoi en 2001, on a décidé, non seulement sur le principe de la durée et du renouvellement, de fixer définitivement la question et de dire «qu’on ne peut réviser cette disposition là que par voie référendaire ». Et de clore le débat : «tous les gens qui parlent d’autres choses vont fausse route. Il n’y a qu’une seule voie, c’est la voie référendaire».
Le quinquennat, une nouvelle tendance
Le professeur du droit constitutionnel a également balayé d’un revers de la main, les arguments basés sur les réalisations qui seraient courtes, voire impossibles dans un mandat de cinq ans. «La tendance générale, ce sont des mandats courts. Le seul pays issu des grandes démocraties, la France qui avait un septennat, a ramené le mandat du président à cinq ans. Les autres pays qui ont des mandats longs sont des pays qui ne sont pas des modèles démocratiques», a-t-il soutenu, avant de poursuivre : «Deuxièmement dans le contexte africain, il y a un à deux ans de campagne pré-électorale. Après l’élection, on reste un an à contester ou à discuter. Ce qui pousse les gens à se demander si un quinquennat est une bonne périodicité. Compte tenu du fait que ça parait un peu court». Toutefois, souligne-t-il, «l’argument selon lequel, il faut des mandats longs pour achever sa mission, n’est pas pertinent. C’est à la limite «bête». Parce qu’il y a quand même le principe de la continuité de l’Etat. Il n’est pas dit qu’il faut donner à quelqu’un un mandat long pour qu’il se réalise lui-même. Le principe de la continuité voudrait qu’on pose une pierre, que quelqu’un d’autre vienne faire la même chose, jusqu’à l’élévation de l’édifice. Je peux prendre comme exemple les travaux de l’aéroport Blaise Diagne entamés par Wade. Macky Sall va les achever. Et la vie continue. C’est comme ça qu’on doit réagir», conclut-il.
Prenant part à ce débat, Seybani Sougou dans la contribution citée ci-dessus, donne raison à ces trois constitutionnalistes qui estime que la seule voie pour réduire le mandat présidentiel est référendaire . Il explique l’esprit de l’article 27 de la Constitution : « la Constitution s’est «auto-verrouillée», «auto-protégée» pour éviter qu’à un instant T, une majorité mécanique à l’Assemblée nationale, mue par des desseins obscurs, ne soit tentée de procéder à un tripatouillage concernant un point essentiel de la Loi fondamentale », dit-il. Et d’ajouter : «En demandant de façon explicite le recours direct au peuple pour réviser les dispositions relatives à l’article 27, la charte suprême réunit deux conditions : une condition de légalité et une condition de légitimité incontestable (démocratie directe), conférant à cette loi un caractère solennel. Au vu des principes énoncés plus haut, on peut, sans risque de se tromper, affirmer qu’un éventuel passage à l’Assemblée nationale pour réduire le mandat présidentiel constitue une violation flagrante de la Constitution. Aussi bien au niveau de la lettre que de l’esprit »