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Le socialiste Benoît Hamon, arrivé en tête au premier tour de la primaire de la gauche, a passé une partie de son enfance au Sénégal. Un terreau qui a modelé sa vie politique.
Au lendemain de la percée de Benoît Hamon au premier tour de la primaire de la gauche, je ne pensais pas avoir la moindre chance de joindre par téléphone le candidat socialiste pour quelques questions sur sa jeunesse à Dakar. Et puis, une membre de son équipe de campagne m'a encouragé: «Il adore parler de l'Afrique». Un SMS plus tard, le désormais favori à l'investiture socialiste pour la présidentielle –il devra encore triompher de l'ex-Premier ministre Manuel Valls au second tour dimanche 29 janvier– acceptait de décrocher son téléphone pour répondre à mes questions.
Mais avant d'écouter l'actuel député de Trappes dans les Yvelines, petit retour en arrière. Né en 1967 dans le Finistère, Benoît Hamon s'envole à l'âge de 8 ans avec ses parents pour Dakar. Son père travaille comme ingénieur civil pour la marine nationale. Lui est envoyé au Cours Sainte Marie de Hann où il fait ses classes du CE2 à la 5e. Dans cet établissement qui rassemble de nombreux locaux, mais aussi des fils et filles d'expatriés, des enfants de musulmans ou de chrétiens, des Libanais, Guinéens, ou Marocains, le futur homme politique y découvre surtout la mixité et la tolérance religieuse.
«Le cursus met fortement l'accent sur cette valeur de tolérance. Pour les enfants, c'est un gage de qualité pour le futur», explique Albert Diatta, assistant de l'actuel directeur de l'école.
L'apprentissage de la tolérance
En juin 2016, Benoît Hamon confiait au Trappy Blog que son séjour au Sénégal l'avait poussé à s'engager dans la campagne «Touche pas à mon pote» de l'association S.O.S Racisme lors de ses années lycéennes.
«C’est vrai que la campagne “Touche pas à mon pote” me parlait parce que ça me renvoyait à mes années au Sénégal. [...] Je me suis engagé quand j’ai vu que dans mon lycée il y avait des badges du Front national qui circulaient et qui affirmaient “Touche pas à mon peuple”».
Mais quelle influence a eu cette scolarité à Dakar dans la construction de l'homme politique qu'il est devenu aujourd'hui, à la fois défenseur d'une politique migratoire «généreuse», d'un revenu universel versé à tous les citoyens ou partisan d'une réforme scolaire pour intégrer plus de mixité dans les établissements scolaires français?
"J'ai grandi dans un contexte où le religieux se mêlait à la diversité sociale", Benoît Hamon
«C’est un établissement qui a été déterminant. J'y ai grandi dans un contexte où le religieux se mixait à la diversité sociale, me confie Benoît Hamon. Mais, il est difficile de dire exactement l’influence que cela a eu dans mon parcours politique par la suite. Quatre ans à Dakar, c’est à la fois beaucoup, car cela structure votre enfance, et peu dans une existence. Une vie se construit par étapes successives et dans la narration de la mienne je ne sais pas exactement qu’elle est la force de mon enfance à Dakar, mais cela a forcément eu un rôle dans ma construction en tant qu’homme.»
On insiste alors sur sa vision de la laïcité pour savoir si elle a été modelée dans le terreau de son enfance sénégalaise. «Au Sénégal, j’ai grandi dans un environnement religieux c’est vrai, mais aussi dans la tolérance. Ce que je défends en matière de laïcité, c’est un retour originel à la loi de 1905 qui est une loi de liberté et non de discrimination», dit-il.
Il déclarait dans la matinale de France Inter le 23 janvier:
«La laïcité n'a jamais été pensée comme un glaive contre une religion en particulier. La force de la loi de 1905 était de mettre aux deux pôles, d'une part, ceux qui voulaient que la loi religieuse pèse encore sur la loi des hommes et, d'autre part, ceux qui voulaient faire de la laïcité un instrument pour abattre les religions. La loi de 1905, c'est la coexistence des deux.»
Il pointait également le 8 décembre, «un déni de certaines personnes dans l'islam vis-à-vis des dérives, mais aussi de la France quant aux discriminations».
Un vote organisé dans le bus de l'école
Lors d'un voyage politique à Dakar il y a quelques années, Benoît Hamon avait fait un crochet par son ancienne école. «Il tenait vraiment à passer, il était là avec beaucoup d'émotion», se souvient Albert Diatta, l'adjoint au directeur.
Sur les bancs du Cours Sainte Marie de Hann, Benoît Hamon était déjà un leader malgré son jeune âge. Augustin Hoareau, aujourd'hui directeur de La 1ère Martinique, la chaîne de France Télévisions sur l'île, se souvient de l'enfant au fort tempérament.
"On avait toujours Hamon qui s'opposait à nous", dixit un ancien camarade de classe
«Nous avons été plusieurs années ensemble à l'école, mais j'étais plus âgé que lui. Je devais avoir 15-16 ans et lui 9-10 ans. Mais on se côtoyait tous les jours car nos pères étaient tous les deux ingénieurs sur le port de Dakar pour la marine nationale. L'armée transportait ensemble les enfants de militaires à l'école. On prenait donc le même bus, le "bus bleu". Comme ça se fait partout, "les grands" avaient l'habitude de se réserver les places sur la banquette du fond et de chasser les petits qui s'y installaient.
Mais on avait toujours Hamon qui s'opposait à nous. Il trouvait ça injuste que les grands gardent ces places. Il était tout le temps à vouloir comprendre pourquoi les plus jeunes devaient se sacrifier face aux plus âgés. Cela ne m'a pas étonné de le retrouver en politique plus tard (rire). Un jour il a même organisé un vote dans le bus pour savoir si les places du fond devaient être réservées aux plus grands.»
Nouvelle génération
Désormais, Benoît Hamon est érigé en modèle pour les élèves de l'école. «Depuis longtemps, nous informons chaque nouvelle génération d'élèves sur les célébrités qui sont passés ici avant eux, pour leur donner des références et leur montrer qu'avec le travail la réussite est possible. Aujourd'hui, nous leur parlons d'Hamon», raconte Albert Diatta. Et le socialiste français n'a pas seulement la cote auprès des plus jeunes.
«J'ai reçu un e-mail de responsables de l'école qui se gargarisent des résultats de la primaire», sourit Albert Diatta.
slate.fr
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