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Le directeur de l’institut Joliot-Curie du cancer de l’hôpital Le Dantec accepte de faire un diagnostic, sans complaisance, de la situation inquiétante du cancer au Sénégal. En plus d’exprimer son souhait de voir sortir de terre le Centre national d’oncologie à Diamniadio pour régler la question infrastructurelle, le développement des ressources humaines par des bourses de spécialisation (infirmiers en chimiothérapie, des techniciens en radio, des ingénieurs de maintenance, des spécialisations classiques en chirurgie, en pathologie et chimiothérapie et des psycho-oncologues, le Pr Mamadou Diop, directeur de l’institut Juliot-Curie, invite l’Etat du Sénégal à subventionner, de manière substantielle, certains médicaments.
Le Sénégal enregistre 1 500 nouveaux cas de cancer du sein et 1 000 du col de l’utérus, chaque année, selon la Ligue sénégalaise de lutte contre le Cancer (Lisca). Aors qu’on parle de la maitrise de données fiables pour venir à bout de cette maladie qui devient désormais un problème de santé publique, quelle stratégie est à mettre en place pour une cartographie de la situation ?
Comme toutes les pathologies, la maitrise des statistiques sur les malades de cancer exige l’enregistrement de toutes les données sociodémographiques des personnes atteintes et celles concernant la maladie. Il faut déterminer son origine, les données bio-morphologiques. La confidentialité est importante dans le recensement des données. On parle de registre des tumeurs, ce qui demande des moyens informatiques. Nous avions commencé à enregistrer les cas, malheureusement faute de ligne budgétaire, nous n’avons pas pu continuer. Ce qui fait que nous n’avons que les estimations faites par le centre international de recherche sur le Cancer et les données de l’institut de Dantec qui nous permettent de situer le cancer du sein comme étant le premier cancer au Sénégal, suivi du cancer du col de l’utérus. Nous notons aussi la fréquence des cancers, notamment la prostate. Le registre des tumeurs est le meilleur moyen de maitriser les données. En ce moment, nous pourrons avoir une cartographie réelle de la fréquence de la maladie par localité. Ce registre est un investissement de moins de 100 millions FCfa par an.
C’est une maladie qui atteint souvent les femmes. Les hommes sont-ils exposés à certains types de cancer ?
Les hommes sont atteints par beaucoup de cancers. Ils sont partagés entre le cancer digestif, ORL, du poumon et de la prostate. Le cancer du col de l’utérus et comme celui du sein sont des cancers que l’on peut prévenir. On peut mettre en place un dispositif bien identifié et codifié pour faire la prévention. Ce n’est pas le cas des autres types de cancers, notamment la prostate et autres où il est compliqué de mettre en place un programme de dépistage.
Revenons sur l’institut Joliot-Curie du cancer de Dantec que vous dirigez. C’est d’ailleurs la seule structure de référence pour la prise en charge du cancer. Les difficultés ne manquent pas. Comment faites-vous ?
L’institut a été créé, par décret, en 1964. La maladie a beaucoup évolué. Les infrastructures sont restées à l’état, en plus d’une absence de politique réelle pour développer l’oncologie au Sénégal. Tout le monde s’étonnait de la radiothérapie aussi vieille. C’est à cause de l’absence de planification de modernisation des équipements. Beaucoup d’avancées ont été notées. Nous avons un nouvel appareil d’accélérateur de particules avec un aménagement sur le plan infrastructurel. Nous calculons mieux le ciblage de la tumeur. Du côté de la chimiothérapie, nous avons aménagé une grande salle pour le confort des malades. Cela ne suffit pas. Il faut regrouper l’ensemble des moyens d’investigation qui permettent d’avoir le diagnostic pour l’évaluer et le prendre en charge jusqu’aux soins palliatifs. Ce qui veut dire qu’il faut un centre anti-cancéreux. Ce qui permet d’avoir des infrastructures, des logistiques dédiées au cancer. Ce projet a été soumis et signé avec la Corée du Sud pour un financement de 48 milliards FCfa. Il s’agit maintenant de construire.
C’est une bonne chose d’avoir une infrastructure qui peut accueillir les personnes. Qu’en est-il des ressources humaines qualifiées pour faire fonctionner le centre de Diamniadio ?
En plus d’avoir des bâtiments, il faut des ressources humaines. 04 médecins ont bénéficié des bourses de spécialisation pour la radiothérapie, 03 spécialisations en chimiothérapie. Cela ne suffit pas. Le cancer n’est simplement pour ceux qui traitent. Il y a ceux qui font le diagnostic, des radiologues, des spécialistes en soins palliatifs. C’est tout un ensemble de mesures pour le développement des ressources humaines, avant que la construction démarre. La spécialisation va durer 04 ans. Dans le plan, il est prévu un axe stratégique de développement des ressources humaines, notamment des infirmiers en chimiothérapie, des techniciens en radio, des ingénieurs de maintenance et en plus des spécialisations classiques en chirurgie, en pathologie et chimiothérapie. Sans oublier les psycho-oncologues qui doivent s’occuper du malade dès l’annonce jusqu’aux soins palliatifs. La prévention primaire est aussi un axe du plan. Ce qui veut dire changer de comportement pour éviter l’apparition du cancer chez la personne. C’est la lutte anti-tabac, changer nos habitudes culinaires pour une alimentation saine pour se protéger contre le cancer, la vaccination de l’hépatite B, et encourager l’activité physique. L’autre axe de prévention est le dépistage. Ce que nous sommes en train de faire avec la Lisca. Avec l’appareil de cryothérapie offert par DP World Dakar, on peut détecter les lésions précancéreuses et les traiter, puisqu’il n’y a pas de signes, ni de douleurs.
Et la question de la cherté des médicaments qui est souvent décriée ?
L’autre partie importante du plan est la prise en charge thérapeutique et diagnostique. Pour que les gens puissent se traiter, il faut que les médicaments soient accessibles. Quand vous avez des médicaments qui coûtent 400 000FCfa ou 500 000 F Cfa la boite, nous n’osons même pas dire à la personne que pour se traiter d’aller acheter cette boite qui coûte excessivement cher, et qu’elle doit l’acheter chaque mois. L’Etat doit subventionner ces médicaments de manière substantielle. Ce qui nous permettra d’avoir la liberté de les prescrire. En Mauritanie, la chimiothérapie est gratuite. Elle est subventionnée en Côte d’Ivoire et au Mali. Le Sénégal a fait un effort avec l’appel d’offre. Les prix de beaucoup de médicaments ont baissé mais ce n’est pas suffisant. Certaines molécules doivent être subventionnées.
Recueillis par IBRAHIMA BALDE