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Une campagne de réparation de fistules obstétricales a permis à une équipe de médecins venus de Dakar de rendre la dignité à 11 femmes de la région de Matam. Après guérison, elles ne vivront plus isolées de leurs familles.
Le Centre hospitalier régional de Ourossogui, au Nord du Sénégal, grouille de monde le 27 novembre 2013. Les patients, en particulier les femmes, originaires de plusieurs localités, notamment les plus reculées de la région de Matam, ont pris d’assaut leur principale structure de santé.
Parmi ces femmes, des porteuses de la fistule obstétricale. Cette dernière survient quand, au moment de l’accouchement, « la pression continue de la tête de l’enfant sur les tissus mous de la vessie ou du rectum aboutit à la formation d’un trou : la fistule ». Cela fait que la mère n’est plus capable de contrôler l’écoulement de l’urine et/ou l’excrétion des matières fécales.
Isolées ou exclues de la famille et de la société, des fistuleuses de la région de Matam ont bénéficié d’une intervention chirurgicale de spécialistes en urologie de l’Hôpital général de Grand-Yoff aidés par des médecins régionaux. Couchée sur un petit lit, le regard fixé sur le mur, Aminata Kamara vient de subir une opération de réparation de la fistule. Cette dame âgée de 30 ans a contracté la fistule lors d’un accouchement compliqué et pénible. Accueillant à bras ouvert une équipe de journalistes, elle confie : « Je suis victime de fistule à la suite de mon dernier accouchement. Quelques jours après, j’ai senti des urines qui sortaient de manière permanente. Malgré les efforts, je n’arrivais plus à les retenir et à me maîtriser. J’essayais de cacher ma maladie à mon mari et à mes parents. Malheureusement, je n’y arrivais pas, puisque les urines sortaient sans arrêt. J’étais obligée de quitter le domicile conjugal pour rentrer chez ma mère. C’est elle qui m’a orientée vers l’hôpital, parce qu’elle a entendu qu’une femme qui avait cette maladie était guérie après une opération ». Poursuivant, Aminata Kamara déclare : « mon mari et mes beaux parents ne savent pas que je suis venue à l’hôpital pour faire cette opération. C’est dur de cacher cette maladie aux membres de sa famille ».
Abandonnées par leurs maris
En face d’elle, Bineta Samb (nom d’emprunt). Agée de 40 ans, elle vient de subir sa quatrième opération de réparation d’une fistule obstétricale. Allongée, elle implore le bon Dieu pour que cette énième opération soit la bonne. La dame a révélé qu’elle a été elle aussi victime de cette maladie après son accouchement. A cette époque, elle était âgée seulement de 16 ans. « Depuis 24 ans, je vois les urines couler sans cesse. Pis, elle dégage une mauvaise odeur. Je suis alors obligée de vivre isolée des membres de ma famille », soutient-elle. Abandonnée par son époux, cette mère qui a fait 7 couches, dont seulement 2 enfants en vie, a vu ses droits bafoués. « Depuis que mon mari a été mis au courant de ma maladie, il a interdit à mes enfants de venir me rendre visite. C’est dur pour moi ! » confesse-t-elle.
Dans la région de Matam, les femmes victimes de la fistule vivent isolées. Elles se cachent. Elles ont peur du regard des autres. Il faut les convaincre pour qu’elles se rendent dans une structure de santé afin de se faire examiner, explique Ibrahima Aly Sow, coordonnateur régional de l’Alliance des femmes pour la santé, l’éducation et les stratégies de prévention. Cette Ong a pour mission de faire comprendre aux femmes que la fistule est curable. C’est dans ce cadre que Alimatou Bâ (nom d’emprunt) a été convaincue. Victime de fistule après un accouchement compliqué, cette dernière a été délaissée, quelques jours après, par son mari. « Il m’a même traitée de sorcière », dit-elle, les larmes aux yeux. « Heureusement, indique-t-elle, mes parents ne m’ont pas abandonnée. Je bénéficie du soutien financier et moral de mes frères ».
L’intervention chirurgicale qu’elle vient de subir fait renaître en elle un espoir. Celui de se remarier et d’avoir des enfants. « J’espère que cela va marcher, car mon rêve est de me remarier et d’avoir des enfants », souhaite-t-elle. Alimatou Bâ est néanmoins consciente que sa maladie est survenue, faute d’un bon suivi prénatal.
Mariée à l’âge de 17 ans, Mariama Kâ (nom d’emprunt) est rattrapée par la fistule deux ans seulement après son union. En plus de perdre son premier bébé, elle vit isolée, même si son mari ne l’a pas abandonné et pour que sa belle-famille ne découvre pas sa maladie, elle a été obligée de quitter son foyer pour aller vivre avec sa maman. « D’ailleurs, c’est ma mère qui m’a orientée vers cette structure de santé lorsqu’elle a été informée que la fistule est curable. J’espère que je vais m’en sortir », prie-t-elle.
Dans la région de Matam, où l’on note un manque criant d’infrastructures de santé, les femmes sont souvent victimes de ce genre de pathologie, à cause de l’absence d’un bon suivi prénatal, mais aussi des accouchements à domicile non assistés par un personnel qualifié. Le médecin-chef de région, Dr Yankhoba Dial, conscient de cela, a invité les autorités à construire plus de structures de santé et à affecter plus de praticiens.
Eugène KALY
DR. YANKHOBA DIAL, MEDECIN-CHEF DE LA REGION MEDICALE: « L’ÉRADICATION DE LA FISTULE À MATAM PASSE PAR LA CONSTRUCTION D’INFRASTRUCTURES SANITAIRES »
Le médecin-chef de la région médicale de Matam, Dr. Yankhoba Dial, a soutenu que la fistule est un phénomène réel à Matam. La fistule est liée à un accouchement long et pénible, non assisté par un personnel de santé, du fait de l’insuffisance des structures sanitaires. « Cela peut provoquer des déchirures qui passeront inaperçues pendant cette période. Mais après, la femme va perdre ses urines et, dans certains cas, ses selles. Ce qui constitue un drame pour elle, car cette situation peut pousser son mari à l’abandonner », fait savoir le médecin-chef qui souligne que, chaque année, en plus de la campagne, au moins plusieurs cas sont réparés grâce au ministère de la Santé, à l’Unfpa et ses partenaires.
Le médecin-chef soutient, en outre, que Matam souffre d’un manque criant de praticiens de santé et d’infrastructures. L’éradication de la fistule dans cette localité, dit-il, passe donc par la construction d’infrastructures sanitaires et l’affectation d’un personnel qualifié.
Le gynécologue-obstétricien à la Direction de la Santé de la reproduction et de la Survie de l’enfant (Dsr/Se), Dr. Elhadj Ousseynou Faye qui représente le ministre de la Santé, a déclaré que les autorités sont engagées à lutter contre la fistule et que tous les moyens seront déployés pour l’éradiquer.
E. KALY
UN BON TAUX DE GUÉRISON MALGRÉ TOUT
La fistule obstétricale est curable. Mieux, plus de 75 % des cas réparés peuvent être guéris. Ce qui permet aux fistuleuses de réintégrer le tissu social et familial.
Dans le cadre de la campagne de traitement des fistules obstétricales organisée régulièrement dans les régions les plus enclavées du Sénégal par le Fonds des Nations unies pour la population (Unfpa), en collaboration avec le ministère de la Santé et ses partenaires, une équipe de spécialistes a opéré, dans la région de Matam, 11 femmes porteuses de fistules.
Dr Issa Labou, chirurgien-urologue à l’Hôpital général de Grand Yoff, était à la tête de l’équipe de ces médecins dépêchés en fin novembre 2013 pour cette opération. A la fin de la campagne, il a informé que 11 cas de fistules ont été réparés pendant leur séjour à Matam. « Ce sont des cas qui étaient très compliqués à traiter », note le spécialiste qui indique que tous les cas de fistules simples ont été pris en compte par les médecins locaux. « Il y a que des cas compliqués qui ont besoin de la main d’un expert que nous avons traités. Cette mission a été aussi une occasion pour nous de pouvoir former des compétences (médecins locaux) en les accompagnant progressivement, pour qu’ils arrivent à opérer les différents cas de fistules simples mais aussi compliqués », explique Dr Labou qui rappelle que les fistules éloignent les femmes de la vie, elles qui ont voulu donné la vie.
Malheureusement, ces femmes sont victimes de cette maladie qui se manifeste par une perte d’urines permanente accompagnée d’une odeur qui les pousse à avoir une gêne. Conséquence, « les victimes sont écartées du tissu de la société et vivent un véritable drame. Elles sont aussi isolées par les membres de leurs familles et ont besoin d’être intégrées dans la société. En les traitant, nous leur permettons d’intégrer la société mais surtout, nous leur rendons la dignité, parce qu’elles ont tout perdu, notamment leur mari », fait savoir le chef d’équipe des médecins.
Il a ainsi invité les fistuleuses de venir se faire traiter. « On peut guérir de la fistule et reprendre ses activités, notamment avoir un mari et faire des enfants », souligne le spécialiste qui précise que les taux de réussite des interventions chirurgicales liées aux différents types de fistules varient selon la gravité de la maladie. « Mais globalement, on peut arriver à un taux de guérison de 70 à 80 % pour certains types de fistules », signale-t-il. Les femmes traitées sont prises en charge par les organisations ou associations de femmes pour leur réinsertion dans le tissu social. « En tant que médecin sortant, nous allons demander un suivi rapproché pour ces femmes, parce qu’après l’opération, les fistules se sont constituées. Et puisqu’elles sont guéries, elles doivent reprendre leur maternité. Ce qui passe par des visites prénatales et un accouchement assisté pour éviter d’en contracter encore », explique Dr. Issa Labou.
Il a précisé qu’une femme peut subir 3 interventions chirurgicales avant de guérir. « Par contre, il y a des cas de fistules que l’on ne peut pas guérir. Ce sont des cas qui demandent un accompagnement pour aider les femmes à pouvoir intégrer le tissu familial », avance-t-il. Selon les spécialistes, la fistule est liée à une mauvaise prise en charge des accouchements ; les fistuleuses accouchant pour la majorité à domicile. « C’est bien de traiter les fistules obstétricales qui sont déjà constituées. Mais on gagnerait la bataille en faisant en sorte qu’il n’y ait plus de cas de fistules au Sénégal. C’est simple, il suffit simplement aux femmes enceintes de faire, de manière régulière, des consultations ou visites prénatales et d’accoucher dans les structures de santé. En le faisant, je suis convaincu que nous n’aurons plus de cas de fistules », informe-t-il.
Selon lui, « dans les pays européens, même au Maghreb, il y a plus de 50 ans que l’on ne voit plus ces genres de maladies, parce que simplement la prise en charge médicale de la grossesse, de l’accouchement et du post-partum (après l’accouchement) est effective ».
E. KALY source: http://www.lesoleil.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=36848:le-sort-malheureux-des-fistuleuses-de-matam&catid=78:a-la-une&Itemid=255