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L'atelier Colombin qui accueille des enfants sourds-muets, des autistes et trisomiques pour rendre visible son action à Ouakam a profité de la notoriété de la biennale de Dakar pour hisser le pavillon OFF. Sa galerie d'exposition reste ouverte toute l'année.
A les observer, tout sourire, pétrir l’argile de Thicky de couleur ocre-jaune, qui devient rouge clair après cuisson, on les aurait pris pour des enfants et adolescents venus faire un travail manuel après les heures d’école. Ils se concentrent sur leur ouvrage, communiquant par gestes.Les 10 garçons et 4 jeunes filles qui fréquent l’Atelier Colombin de Ouakam, face à la gendarmerie sont des sourds muets, des autistes et des trisomiques qui retrouvent un lieu d’épanouissement et une confiance en eux. A force de manier la terre glaise pour voir naitre des formes, ils se développent tant intellectuellement, émotionnellement que dans l’apprentissage professionnel.
L’atelier Colombin tire son nom de la pratique du potier qui solidarise les longs boudins d’argile donc les colombins, en les pressant les uns contre les autres, pour se solidifier à la cuisson. C’est cette notion de solidarité qui anime Ibrahima Ndiaye, fondateur de l’atelier afin de permettre à ces enfants, une fois adultes, de pouvoir voler de leurs propres ailes.
L’atelier a étrenné son nouveau local, il y a à peine trois mois. Ce nouveau site était un dispensaire désaffecté, devenu dépotoir d’ordures public avant d’être attribué par la mairie de Ouakam. L’appui d’une société industrielle rufisquoise a permis de réhabiliter les lieux.
L’aventure de l’atelier Colombin a débuté en 2000 par la volonté d’Ibrahima Ndiaye, potier de son état. Il raconte : « Au début, on travaillait dans l’informel. Finalement, c’est en 2002, que j’ai obtenu le récépissé qui formalise notre association. C’est après ma formation que j’ai ouvert l’atelier. J’avais lu dans le journal qu’il existait dix mille sourds-muets au Sénégal. J’ai mené ma petite enquête pour m’apercevoir qu’il n’ y avait que deux institutions : Le centre Verbo-Tonal et Feta pour accueillir ces enfants là ».
Au début, M. Ndiaye ne prenait en charge que les sourds-muets avant d’accueillir dans son atelier des déficients mentaux. Il n’a pourtant pas appris le langage gestuel des malentendants mais à force d’être avec eux, il a pu établir un code langagier. Jesse Frank, française et artiste potier qui séjourne depuis onze ans au Sénégal a rejoint l’équipe, il y a un an. Elle fréquentait l’atelier en tant que cliente. Aujourd’hui, elle donne un coup de main dans la gestion financière et la recherche de partenariat. Pas toujours facile pour elle de communiquer avec les jeunes en formation : « Parmi les enfants il y a ceux qui ont appris à communiquer par le langage gestuel et ceux qui lisent sur les lèvres à condition de ne pas leur tourner le dos quand vous vous adressez à eux »
L’apprentissage se fait sous la supervision de M. Ndiaye, dont la patience n’est jamais prise à défaut : « Ils font de la libre création ce qui peut les aider à sortir ce qu’ils ressentent. Mais parfois, je leur demande d’exécuter des copies. Chaque jour, il leur faut produire une pièce. Avant de quitter, on discute sur leur réalisation, on corrige l’œuvre. » Ils fabriquent des vases, des statuettes.
Des périodes de break sont observées pour se voir commenter des photographies d’œuvres d’arts sculptées, de masques. Ils apprennent ainsi à regarder des masques et statuettes, à connaitre leur provenance avant d’en faire des modèles. Les autistes travaillent en synergie avec des animateurs spécialisés. M. Ndiaye a sa propre méthode , forgée au cours des années : « Je leur donne de l’argile en leur demandant de faire des boules, puis je les amène au tableau et leur demande de dessiner ce qu’ils comptent faire avec la boule. Les autistes adorent faire des boules d’argile avec la paume de leur main. Ils y trouvent grand bien. Quand ils réalisent une œuvre, ils sont fiers »
M. Ndiaye de désigner du doigt , un jeune autiste français amené par sa mère: « Les pièces, il les emporte chez lui pour les montrer aux visiteurs de la famille, ce qui le rend fier car c’est sa personnalité qu’il révèle ainsi. Tout ce travail, c’est une manière de les socialiser par la pratique artistique ». M. Ndiaye regrette que dans le village de Ouakam pas mal d’enfants autistes, trisomiques et sourds muets se voient cloitrer dans les maisons par peur du « quand dira-t-on ». Avec le temps, il a grand espoir qu’un jour les parents oseront franchir les portes de l’atelier avec leurs enfants. Mais il n' y a pas que la poterie. M. Ibrahima Ndiaye leur apprend à tenir le local propre et à ranger les outils après le travail.
L’atelier reçoit aussi des élèves des établissements Jean Mermoz, de l’école américaine, de grand-yoff pour des cours S.V.T. L’atelier ne bénéficie pas de subvention. Les frais de fonctionnement sont supportés par le fondateur et la vente des poteries et statuettes. Les émaux entrent petit à petit dans la fabrication à l’image de la « Femme étendue sur la plage » du jeune Assane, un mal entendant, assisté de Jesse. Un autre jeune sculpteur rejoindra « Les ateliers céramiques Almadie» pour un perfectionnement. L’Atelier colombin a obtenu son premier four à cuisson grâce au jumelage entre la Mairie de Clichy et celle de Ouakam.
source/http://www.sudonline.sn/demain-ils-seront-autonomes_a_19278.html