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La classe africaine (27). Dans la région de Fatick, faute d’établissement proche, des élèves doivent parcourir entre 4 et 7 km pour se rendre en cours, quel que soit le temps.
Sur la route qui mène à Ndiosmone, dans la région de Fatick, au Sénégal, c’est le même défilé tous les matins : le soleil à peine levé, des vagues d’adolescents, sac sur le dos, marchent le long du bitume pour atteindre leur collège ou lycée. Ils viennent des villages de Mbellongouth, Khondiogne ou Nakhama, et doivent parcourir entre 4 et 7 km pour se rendre à Ndiosmone.
De temps à autre, certains s’arrêtent et lèvent le pouce, espérant qu’une voiture, une moto ou une charrette accepte de les prendre. « Avec mes amis, on se rejoint sur la route pour être en groupe. Le temps paraît moins long. Malgré tout, j’ai souvent mal aux pieds, se plaint Serigne Sarr, 13 ans, inscrit en 6e. Mais tout ceci va nous endurcir, je pense. »
Néanmoins, chez les parents, on ne voit plus les bienfaits d’une telle expérience. « Ma fille a 14 ans et elle quitte la maison à 6 heures alors qu’il fait encore nuit », déplore, à Mbellongouth, Baabou Faye, père d’Aïssatou, scolarisée au collège de Ndiosmone. « Nos enfants sont les derniers de la classe, renchérit Doudou Ndour, président de l’association des parents d’élèves des trois villages. Le soir, ils rentrent fatigués et ne peuvent pas réviser correctement. »
« Il faut des bus scolaires »
Les parents se sont donc cotisés pour construire un collège plus proche de leurs villages. C’est en janvier 2016 que le projet a démarré. Après avoir obtenu de la municipalité un terrain de 3,2 hectares, une cagnotte a été organisée. Les hommes ont mis chacun 1 000 francs CFA (1,50 euro), les femmes la moitié. Quelque 230 000 francs CFA (350 euros) ont été collectés, mais, dès les premières briques posées, l’argent a manqué et une collecte de fonds a de nouveau été montée. Cependant, avec les maigres revenus dus à la mauvaise récolte de 2017, la cotisation a été revue à la baisse. Chaque famille a dû s’acquitter d’un sac de foin, revendu par la suite 2 000 francs CFA au marché. Cela a permis de commencer la construction de deux salles de classe, mais depuis juin 2017, les travaux sont de nouveau à l’arrêt, faute de finances.
Au collège de Ndiosmone aussi, on cherche des solutions. « Désormais, quand il y a des cours de renforcement l’après-midi, la prise en charge des élèves les plus éloignés est prioritaire. Et on va voir comment fournir le repas de midi pour qu’ils n’aient plus à faire l’aller-retour », explique Birame Mbaye, le principal du collège, qui déplore l’initiative des parents : « A mon avis, la solution serait plutôt d’avoir des bus scolaires, parce qu’après la construction se posera le problème des enseignants à faire venir. Or il y a un déficit à ce niveau-là au Sénégal. »
Déthié Diouf, le maire de Tattaguine, dont dépend le collège de Ndiosmone, assure que les professeurs seront fournis, tout en relativisant la situation : « Les distances parcourues sont très raisonnables. Si l’enfant quitte son domicile après avoir bien mangé, je crois que cela peut être géré. A mon époque, même pour se rendre à l’école élémentaire, il fallait faire des kilomètres et on ne trouvait les collèges que dans les villes. »
Pas d’électricité
A 20 km de Ndiosmone, dans le village de Mbettite, se dresse un bâtiment flambant neuf, vert et blanc, avec en son milieu un porte-drapeau qui attend de recevoir l’étendard du Sénégal. Bienvenue au collège de Mbettite-Ngouye, construit par les habitants des villages alentour. Des cours y sont dispensés depuis décembre 2017 dans deux classes de 12 m2 : une 6e et une 5e qui accueillent 114 élèves, dans le respect total de la parité. La troisième salle sert d’entrepôt et de bureau au principal, qui assure aussi les cours d’histoire et de géographie.
A Mbettite, le problème des habitants était similaire aux villages voisins de Ndiosmone. Des élèves qui faisaient jusqu’à 10 km pour se rendre à l’école, des taux d’échec et d’abandon élevés, des jeunes filles exposées au viol… Les villageois se sont donc réunis pour construire un collège, et c’est avec l’aide d’un partenaire allemand que le chantier a pu être achevé à l’été 2017.
Aujourd’hui, une quatrième salle est en construction pour accueillir une classe de 4e. Mais le fonctionnement reste précaire. Pas de clôture, pas d’électricité. Les outils géométriques ont été offerts par un ami du principal, proviseur d’un lycée de la région. Il n’y a que trois enseignants, polyvalents et, à en croire le principal du collège, Fally Wade, aucun manuel scolaire n’a jusque-là été fourni aux élèves.
« Pour les impressions des devoirs, je suis obligé de me déplacer à Mbour [à une quarantaine de kilomètres], confie-t-il. Récemment, on a dû désherber le terrain alentour avec les élèves pour que le professeur de sport puisse commencer ses cours. A part la dotation de 20 pupitres, l’Etat n’a pas mis les moyens, les parents ont dû fournir une trentaine de tables pour compléter, et ce n’est pas encore assez pour tout le monde. »
En 2017, trois collèges publics de ce genre ont vu le jour dans la région de Fatick. Un rêve encore inachevé pour les villageois de Mbelonggouth, de Khondiogne ou de Nakhama, qui redoutent pour l’heure l’arrivée de la chaleur. « En avril, on bat des records dans la région. Nos enfants devront rentrer alors que le soleil sera à son zénith, parfois sous des températures qui frôlent les 40°C », se désole Baabou Faye, le père d’Aïssatou.