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La multiplication récente d’enlèvements et de disparitions mystérieuses d’enfants au Sénégal ont suscité beaucoup de tollé au sein de la population et ont fait régner la terreur et l’émoi dans les foyers. Ce phénomène qui ne cesse de prendre de l’ampleur a fini par installer un climat de psychose dans la société sénégalaise dans sa globalité.
Mais que cachent ces enlèvements et assassinats d’enfants ? Quelles peuvent être les causes ? À qui profitent ces actes inouïs ? A qui revient la responsabilité d’agir? Quelles solutions ? Autant de questions qui agitent les Sénégalais!
En tant que sénégalais et de surcroît parent, je ne peux pas m’empêcher de, tout naturellement, contribuer à cette réflexion; mais aussi en tant professionnel de la protection de l’enfance, je me vois dans l’obligation d’apporter ma modeste contribution, dans cette problématique mais aussi et surtout dans l’esquisse de possibles solutions.
Quand certains Sénégalais invoquent la thèse des sacrifices humains à des fins mystiques aux bénéfices de politiques, de lutteurs et d’autres personnes assoiffées de victoires et/ou de statuts « Ndombal Tank » d’autres parlent de trafics d’êtres humains et d’organes liés à un vaste réseau international qui fait payer un tribut fort aux enfants et à des personnes pauvres pour en sauver d’autres plus nantis. De même, certains moins alarmistes pensent simplement à des actes isolés, commis par des personnes mentalement instables. Même si l’évolution des enquêtes actuelles ne favorise pas une déduction généraliste, nous pouvons citer ici quelques facteurs pouvant contribuer à la destruction du tissu social l’environnement naturel de protection pour les enfants.
Environnement protecteur et responsabilités à différents niveaux :
Les enfants, de par leur immaturité physique et psychique, sont les membres les plus vulnérables de nos sociétés car ne pouvant pas, eux-mêmes, se protéger et dépendent donc des adultes pour leur protection. Les adultes ont la responsabilité de veiller à ce que les droits des enfants les plus fondamentaux soient respectés.
Le Sénégal a ratifié la convention internationale des droits des enfants, qui garantit à tous les enfants (riches ou pauvres, Blanc ou Noir, de la ville ou du village etc) le droit à la survie au développement (article 6) ; le droit à la non-discrimination (article 2) ; le droit à la participation de l’enfant / son opinion (article 12) et le droit à la protection contre toutes formes de violence, d’exploitation, de discrimination, d’abus et de négligence (VEDAN)- (article 19) ; tout ceci dans l’Intérêt supérieur de l’enfant. Cette responsabilité se trouve à plusieurs niveaux qui ensemble constituent l’environnement protecteur pour l’enfant. L’environnement protecteur dans sa globalité inclut la famille, la communauté, la société et l’Etat (voir figure); Il comprend plusieurs éléments individuels et collectifs, qui ensemble peuvent protéger les enfants contre l’abus, la négligence, l’exploitation et la violence. On ne peut pas ainsi laisser la responsabilité entière à un seul de ses acteurs – comme on le voit dans les récentes sorties au Sénégal qui n’ont fait que viser l’Etat sans s’interroger sur les responsabilités des parents et de la communauté ! Bien qu’ayant la responsabilité régalienne de protéger les enfants, l’Etat à lui seul ne peut pas assurer la protection des enfants sans une prise de responsabilité des parents, de la famille, de la communauté et de la société.
Schéma environnement protecteur.
Une protection de l’enfance efficace dépend non seulement de la volonté politique, des législations et règlements appropriés, mais aussi et surtout des structures et fonctions bien définies ainsi que des capacités adéquates ; des normes sociales favorables, des actions de promotion, de prévention et de réponses efficaces, des données et des informations de haute qualité disponibles pour prendre des décisions et une allocation de ressources suffisante. Lorsque ces éléments et ces acteurs sont réunis, le système est capable de mieux protéger tous les enfants.
Travaillons ensemble – un système inclusif de protection de l’enfant:
Un enfant peut être confronté à des besoins, des violations et des vulnérabilités multiples, de sévérité et durée différentes dans différents contextes et qui peuvent interagir mutuellement. Par exemple, un enfant victime d’une négligence parentale peut par la même occasion être séparé de sa famille (premier bouclier de protection) pour devenir «enfant de la rue » ou enfant dans la rue », ce qui l’expose à l’exploité, l’enlèvement et à la violence, y compris violence sexuelle, mutilation et homicide. L’exposition à de multiples risques augmente significativement les dangers pour l’enfant. C’est pourquoi il est plus que urgent pour l’Etat de renforcer son système de protection des enfants en incluant les communautés et les familles dans le but d’éviter toute réponse fragmentée unidimensionnelle de la part des acteurs de bonne volontés, qui s’improvise dans de telles situations, face à l’inertie de l’autorité, et de mettre en place des interventions durables, compréhensives et holistiques. Une telle approche doit aussi reconnaitre que les enfants font face à des problèmes complexes qui requièrent une réponse multidisciplinaire incluant divers secteurs, compétences et acteurs ; par exemple la protection sociale, l’éducation, la santé, la justice, la police, les chefs religieux et traditionnels, les élus locaux, les maitres coraniques pour ne citer que ceux-ci.
Une telle approche système doit chercher à promouvoir le droit à la protection de l’enfance, renforcer la connaissance et la prise de conscience des différents acteurs ainsi que l’amélioration dans l’accès aux mesures de protection. Elle doit en outre contribuer à la prévention des VEDAN à travers une identification des risques et une intervention précoces dès que les problèmes surgissent (les familles et les communautés doivent ici jouer un rôle crucial) et en construisant la résilience (y compris économique) des enfants, des familles et des communautés ; ainsi qu’à apporter une réponse appropriée lorsque des violations des droits des enfants se produisent en garantissant l’accès aux services appropriés pour les victimes et leurs familles et en utilisant des mécanismes communautaires comme la médiation et la surveillance communautaire.
La protection de l’enfant c’est l’affaire de tous !!!
Bilal Sougou
Msc. Pédopsychologie
Spécialiste de la Protection de l’Enfant