Account
Please wait, authorizing ...
Not a member? Sign up now
×

Sidebar

02
Sam, Nov

Sénégal - violence dans les foyers les femmes, des victimes «culpabilisées»

Sénégal - VIOLENCE DANS LES FOYERS LES FEMMES, DES VICTIMES «CULPABILISEES»

Sénégal - VIOLENCE DANS LES FOYERS LES FEMMES, DES VICTIMES «CULPABILISEES»

SOCIÉTÉ
Outils
Vos reglages
  • Plus petit Petit Moyen Grand Plus grand
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

Fast backlinks and Guest-post hosting

 Ces derniers temps, de très nombreux cas de violence impliquant des femmes ont été relatés par la presse. Si ce ne sont pas des batailles rangées entre coépouses, c’est un différend dans le couple qui aboutit à un événement tragique; comme ce fut le cas dans l’affaire Aïda Mbacké. Une situation qui n’est pas nouvelle, selon les personnes interrogées, mais qui est liée aux pesanteurs sociales et culturelles défavorables à la femme et qui, à la longue, poussent cette dernière à commettre l’irréparable. En effet, rien qu’en 2018, l’Association des juristes sénégalaises (Ajs) a enregistré 1051 cas d’abus et de mauvais traitements à Thiès et 1259 autres à Dakar.

Et les règlements à l’amiable, la protection des auteurs de violence ne facilitent pas la lutte contre ce fléau dont le cercle familial est la première base. En attestent, ces récits témoignages de victimes «culpabilisées».  Aby* avait 16 ans au moment de son mariage. Selon elle, sa famille n’a jamais accepté qu’elle épouse… son mari. Malgré tout, la fille a suivi son cœur, en se mariant avec l’homme de son choix. Des années se sont écoulées, le couple a réussi à s’offrir une maison. Mais la galère a commencé quand son mari a épousé, en secondes noces, une fille moins âgée qu’elle. Après plusieurs années de délaissement, le mari a fini par lui accorder le divorce. Pis, il lui a ordonné de quitter le domicile conjugal et elle s’est retrouvée traumatisée. Le comble, c’est qu’elle a contracté des maladies cardiaques. 

 
A l’image d’Aby, elles sont nombreuses à souffrir de maltraitance dans leurs foyers. Ndiaya Ndoye, la présidente de l’organisation Sos Equilibre, qualifie de «sournoise» ce genre de violence. Une autre dame, autre forme de souffrance ! Sokhna* est mariée à un bisexuel. Ils ont des enfants. Cependant, le mari a demandé à son épouse de ne rien révéler sur son homosexualité. Pis, à cause de ses nombreuses fréquentations, le mari de Sokhna est très souvent absent du domicile conjugal. Entre des absences à supporter, par la force, et la vie de travestie (de son époux) qu’elle a opté d’accepter, Sokhna reste stoïque sur son sort dans sa «prison dorée». Elle est «obligée» de se comporter ainsi car, son mari «est riche, très riche même». Issue d’une famille modeste, son mariage est considéré, par ses proches, comme une véritable ascension sociale. Ce regard des autres et la peur de se départir de la vie mondaine à laquelle elle est habituée dans son foyer, l’ont poussée à se soumettre au «destin» imposé par son mari. Cette vie de malheureuse dans des maisons de luxe, de très nombreuses femmes en souffrent, informe Ndiaya Ndoye. 
 
Toutefois, le «mariage doré», qui pose des cas de conscience chez des épouses se résignant au stoïcisme, n’est pas la seule forme d’abus dont les femmes sont confrontées. Une autre histoire, celle d’Astou* qui n’est pas parvenue à supporter le second mariage de son époux. Du coup, elle a commencé à développer un comportement hystérique. Le mari en déduit une folie et lui fait subir un traitement psychiatrique. Ces cas illustrent, à peine, l’ampleur de la violence dans la société sénégalaise de manière générale et dans les couples en particulier. 
 
En effet, ces dernières semaines, beaucoup d’actes violents, soit entre mari et femme ou entre coépouses, ont été rapportés par la presse. Dans toutes ces affaires, les femmes sont impliquées. Un constat qui ne traduit pas, selon les personnes interrogées, le caractère agressif de la gent féminine. La violence résulte d’un ensemble de faits sociaux et leur lot de conséquences qui accablent les femmes, trouvent-elles. La violence est une preuve de l’évolution sociale et d’une mauvaise éducation, relève Ndiaya Ndoye. «Il faut que les mamans inculquent aux jeunes des comportements, des attitudes et des aptitudes qui permettent une maîtrise de soi dans n’importe qu’elle situation, que ça soit un homme ou une femme. On doit être capable de se maîtriser mais, maintenant, avec l’évolution des mutations sociales, la femme sénégalaise ne peut plus être comme nos mamans. Elles ne peuvent pas avoir des comportements comme celles qu’avaient les anciennes», dit-elle. Malgré cette évolution, des comportements rétrogrades continuent à motiver la violence, ajoute la présidente de Sos Equilibre. «La société a évolué, mais il y a une catégorie d’individus, surtout chez les hommes, qui ne veulent pas que les femmes évoluent. Les femmes qui se battent, ce n’est pas normal. Un homme ne vaut pas la peine de subir un certain nombre de violence», juge-telle. L’absence de communication et d’éducation dans les foyers est aussi en grande partie à l’origine de ces situations déplorées. «C’est un problème d’éducation et de communication. Ce n’est pas normal que pour un homme, les femmes s’entredéchirent. Les femmes doivent écouter quand on leur parle et qu’elles comprennent que ce qu’on leur dit», plaide par ailleurs Ndiaya Ndoye. *Les noms et les histoires ont été changés sensiblement pour garantir l’anonymat.
 
VIOLENCE ET ABUS : Le poids des pesanteurs socioculturelles

Les pesanteurs sociales occupent une place importante dans l’exercice de la violence… sur les femmes. Ndiaya Ndoye, la présidente de Sos Equilibre en est convaincue. «Il faut trouver un équilibre social pour permettre aux uns et aux autres de vivre convenablement. Les gens ne peuvent pas aussi vivre comme ce fut le cas. On doit laisser aux femmes le soin de s’épanouir dans leurs ménages. La soumission et la persévérance doivent avoir des limites», argue-t-elle. Le directeur pays par intérim d’Action Aid Sénégal, Zakaria Sambakhé, trouve qu’en dépit des lois, les pesanteurs culturelles font de l’homme le centre de la famille. Pis, il déplore le fait que certains ont une mauvaise perception du pouvoir masculin sur la femme. «La manière de traiter la femme dans la société est tributaire de l’homme. Parfois, de fausses perceptions sont érigées en règle dans les communautés», souligne-t-il. Pour la chargée du parrainage à Action Aid, Khardiatou Ndoye Pouye, aucune religion n’autorise un abus de pouvoir. Cependant, une mauvaise perception du pouvoir de l’homme sur la femme, a tendance à «légaliser ou légitimer» l’abus. En plus des règles sociales, la violence contre les femmes peut s’expliquer aussi, dit-elle, par l’insuffisance de l’application de la loi, la pauvreté chronique, l’infidélité de l’un des conjoints, la promiscuité, avec la quête perpétuelle de pitance, et la perte de repères. La responsable des femmes à Action Aid, Naa Diallo, déplore, quant à elle, l’instauration d’un système qui confine la femme dans une vulnérabilité et faisant d’elle une proie facile. C’est donc, indique Naa Daillo, la maltraitance qui explique le recours à des comportements répréhensibles de certaines femmes.
 
CONSEQUENCE DU STOÏCISME DES FEMMES :  Le drame du silence

Khardiatou Ndoye Pouye, la chargée du parrainage à Action Aid, est d’avis que le fait que des groupes de femmes mariées se servent des réseaux sociaux pour discuter de leurs problèmes, renvoie à la «féminisation» de la violence. Cela traduit qu’elles ont souffert longtemps, dans le silence. Elle trouve, dès lors, qu’il est nécessaire de créer des cadres de discussion afin que les femmes puissent s’exprimer. La coordonnatrice de la boutique de droit de Pikine, Nafissatou Seck, pour sa part, pense que c’est la conception sociale qui impose que la femme se soumette à l’homme et cela sans faire de différence parfois entre homme époux, frère ou autre membre de la famille. Le fait que les hommes soient les dépositaires de cette autorité, leur font croire qu’ils ont le droit de punir et de corriger les femmes. L’acceptation de cette souffrance crée la dépression, le traumatisme, et résulte sur la perte de l’estime de soi et le comportement violent. Bref, selon les personnes interrogées, aussi le fait que les abus et les maltraitances soient très souvent réglés à l’amiable favorise le comportement violent de la femme. Pis, il y a également des auteurs qui sont protégés. Or, le cercle familial est le premier lieu où les violences contre les femmes sont orchestrées. 
 
POUR UN CHANGEMENT DE COMPORTEMENT : Une campagne pour sensibiliser sur la violence
 
Action Aid a initié une campagne de communication sur les violences faites aux femmes. Elle a été inspirée par le fait que certaines cibles ne sont pas atteintes dans la communication sur la violence et que certaines thématiques ne sont pas ressorties, a dit Nathalie Soumahoro, chargée de suivi à Action Aid. L’objectif était aussi d’initier une communication de masse. Mieux, fait-elle savoir, la finalité c’est également de pointer du doigt des types de violence qui, par leur récurrence, sont considérés comme normal. Il s’agit, par exemple, des harcèlements sexuels dans les espaces publics qui sont punis par la loi.
 
 
ABUS ET MAUVAIS TRAITEMENTS RECENSES PAR L’AJS EN 2018 : 1051 cas à Thiès et 1259 autres à Dakar
 
La boutique de droits de l’Association des juristes sénégalaises (Ajs) de Thiès a enregistré 1051 cas de violence, entre janvier et décembre 2018. Les violences physiques hors sexuelles sont estimées à 111 cas, celles sexuelles sont au nombre de 67. Le nombre de cas de divorces sont de 396. Les violences relatives au défaut d’entretien sont estimées à 183 cas. Aussi 4 cas de mariage forcé ont recensés. Quant aux violences psychologiques, elles sont au nombre de 26 et la plupart des victimes sont des femmes. 559 femmes sont victimes de toutes formes de violence; les hommes, quant à eux, sont estimés à 53. La tranche d’âge la plus touchée est celle des adultes âgés entre 31 et 40 ans. Les personnes âgées entre 21 et 31 ans viennent en seconde position. Un peu plus loin, dans la capitale Dakar, la boutique de droit de Pikine a recensé, quant à elle, 1259 cas de violence. Les hommes sont au nombre de 131, contre 1131 femmes. Les violences sexuelles se chiffrent à 67, celles physiques sont estimées à 111. Les divorces sont évalués à 396 cas. Les violences phycologiques sont de 26. Aussi 4 mariages forcés ont été dénombrés.

*Les noms et les histoires ont été changés sensiblement pour garantir l’anonymat
 
PAR FATOU NDIAYE

 

source: https://www.sudonline.sn/les-femmes-des-victimes-culpabilisees_a_42753.html