Account
Please wait, authorizing ...
Not a member? Sign up now
×

Sidebar

21
Sam, Déc

Sénégal : un rapport dénonce l'exploitation sexuelle dans des écoles

#SénégalBalanceTonVioleur - Sénégal : un rapport dénonce l'exploitation sexuelle dans des écoles

#SénégalBalanceTonVioleur - Sénégal : un rapport dénonce l'exploitation sexuelle dans des écoles

SOCIÉTÉ
Outils
Vos reglages
  • Plus petit Petit Moyen Grand Plus grand
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

Fast backlinks and Guest-post hosting

Human Rights Watch (HRW), dans un rapport publié jeudi 18 octobre, fait état de pratiques souvent peu dénoncées, d'exploitation et d'abus sexuels à l'école, principalement perpétrés par des enseignants et des responsables éducatifs. L'ONG constate que les enseignants abusent de leur position d'autorité pour harceler les filles et les jeunes femmes et essayer d'avoir des relations sexuelles avec elles.

 

Les comportements des enseignants décrits dans ce rapport constituent non seulement une violation flagrante des obligations professionnelles et éthiques des enseignants, mais également un crime en vertu du droit sénégalais lorsque les filles ont moins de 16 ans, explique HRW. Le harcèlement et la coercition à des fins sexuelles et l'abus de pouvoir et d'autorité sur un enfant de moins de 18 ans par un enseignant est passible d'une peine maximale de 10 ans.

Bien que certains enseignants ont été poursuivis, surtout lorsqu'il s'agissait de viol et de pédophilie, aucune mesure n'a été prise par le gouvernement pour mettre fin à ces pratiques. Interview de Elin Martinez, chercheuse auprès de la division Droit des enfants à HRW et auteure du rapport.

Vous exposez dans ce rapport comment de nombreuses jeunes filles sont confrontées à des niveaux élevés de violences sexuelles dans le cadre de l’école de la part de personnes qui ont autorité sur elle, professeurs et responsables scolaires. Quelle est l’ampleur de cette situation ?

Nous avons réalisé des entretiens et des discussions de groupe avec 160 filles et jeunes femmes avec plus de 60 enseignants, directeurs d’écoles et parents d’élèves, ainsi que des associations. Nous avons travaillé dans quatre régions autour de Dakar. Le phénomène est très sérieux et cela arrive très fréquemment. Il n’y a pas de système de protection dans les écoles. La stigmatisation et le tabou règne. Il y a très peu de plaintes et de dénonciations, notamment pour des cas d’exploitation et de harcèlement sexuel.

Nous pensons que cela arrive dans beaucoup d’autres écoles au Sénégal. En 2012, le gouvernement, les Nations Unies et des ONG ont publié des rapports sur les violences sexuelles, mais rarement sur l’exploitation et le harcèlement sexuel. Nous voulions attirer l’attention sur cela, car ce sont des pratiques plus généralisées mais bien plus invisibles, notamment dans le secondaire.

Pouvez-vous nous décrire cette situation ?

Nous avons constaté que certains enseignants abusaient de leur position d’autorité en harcelant sexuellement les filles ou en entretenant des relations sexuelles avec elles, un grand nombre d’entre elles ayant moins de 18 ans. Cela peut durer parfois des années. Les enseignants les attirent souvent avec la promesse d’argent, de bonnes notes, de nourriture ou de biens matériels comme des téléphones portables et de nouveaux vêtements. Les cas que nous avons reconstitués ont été faits de diverses manières.

Certains enseignants approchent les élèves, pendant les cours ou les activités le soir, demandant une faveur ou réclamant leurs numéros de téléphone. Lorsqu’elles refusent, elles pensent que les enseignants les puniraient en leur attribuant des notes inférieures à celles qu’elles méritent. Aussi, les filles sont touchées par des stéréotypes de genre et les connotations sexuelles. Certaines ont affirmé à HRW que leurs enseignants utilisent un langage ou des gestes inappropriés, par exemple, décrivant le corps ou les vêtements des filles de manière sexuelle.

Pourquoi est-ce si fréquent et pourquoi, dites-vous, le silence est souvent la règle ?

Beaucoup de gens ont banalisé ces faits. Les élèves, mais aussi les enseignants et le personnel éducatif, qualifient ces abus de "relations". En les désignant ainsi, on minimise la gravité des faits. Alors que bon nombres des cas que nous avons documentés dans ce rapport devraient être traités et poursuivis en tant qu’exploitation sexuelle et abus sexuel d’enfants. Or, il n’y a pas, ou trop peu, d’enquêtes réalisées par les directeurs d’écoles. L’impunité domine.

Et puis il y a le tabou et la stigmatisation des filles victimes de violence qui fait que ces abus ne sont pas dénoncés à la justice ou au directeur d'école. La plupart du temps, les familles ne savent pas ce qui se passe. Lorsqu’elles le découvrent, notamment à l’occasion d’une grossesse précoce hors mariage, elles préfèrent régler ça à l’amiable. C’est ce qu’on appelle au Sénégal, mais ailleurs aussi, le "maslaha" qui signifie "dans l’intérêt commun" pour préserver la parenté et le bon voisinage contre les on-dit, notamment quand il s’agit de viol.

Les filles ont peur de parler de violence sexuelle, et les gens ne sont pas habitués à dénoncer. Elles se sentent coupables. Elles ont l’impression que ce sont elles qui ont provoqué leur enseignant. Un sentiment, par ailleurs, qui touche de nombreuses femmes, on l’a bien vu cette année.

Quelles menaces et pression subissent ces femmes pour ne pas parler ?

Les filles qui arrivent à l’école secondaire, l’ont fait après d’importants efforts. Au Sénégal, lorsque les filles atteignent la puberté et l’adolescence, elles sont souvent déjà mariées. Le taux de scolarisation est très faible chez les filles. Les abuseurs utilisent une pression sur les examens de celles qui sont parvenues à étudier. Une des filles m’a dit que l’un d’eux avait menacé de ruiner sa carrière professionnelle si elle en parlait.

Au sein des communautés, les femmes entendent tout le temps que c’est de leur faute. On culpabilise la victime et non l’enseignant. Même parmi les victimes. Alors, elles ne veulent pas attirer l’attention.

Au mois de mars, dans une émission de TV, un des chroniqueurs, professeur de philosophie s’exprimant sur recrudescence des viols au Sénégal, a estimé que les femmes ne pouvaient s’en prendre qu’à elles-mêmes car leur habillement "obscène" justifie que les hommes ne puissent se retenir....

Cela illustre bien la situation. De manière louable, le gouvernement a pris des mesures pour lutter contre la violence sexuelle et la discrimination fondée sur le genre dans les écoles, dans le cadre d'efforts plus larges visant à accroître l'accès des filles à l'enseignement secondaire, et leur maintien dans ce système. 

Ces dernières années, certains enseignants ont été poursuivis pour avoir violé ou agressé sexuellement des élèves. Bien que ces poursuites aient transmis un message fort selon lequel les abus sexuels contre les enfants et les adolescentes seront sévèrement punies, de nombreux autres abus demeurent impunis.

Est-ce que le mouvement #metoo a eu un écho au Sénégal ?

Il y a eu un mouvement similaire sur les réseaux sociaux #nopiwouma. Ca montrait bien comment la violence était généralisée. Des femmes, des jeunes mais aussi des femmes âgées de 50 et 60 ans, ont déclaré qu’elles avaient été victimes à la maison, mais aussi au travail. Mais c’est resté discret. Les médias sénégalais n’ont pas suivi le mouvement.

Propos recueillis par Sarah Diffalah

 

source: https://www.nouvelobs.com/monde/afrique/20181018.OBS4174/senegal-un-rapport-denonce-l-exploitation-sexuelle-dans-des-ecoles.html