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Professeur d'histoire à Columbia University aux Usa, le Professeur Mamadou Diouf, nous livre son analyse sur les questions d'actualité tant au niveau national, qu'international. Dans cet entretien exclusif accordé à "L'As", il aborde de nombreux sujets brûlants comme la décision de Donald Trump de faire de Jérusalem la capitale d’Israël, l'arrestation de l'ex-ministre des Affaires étrangères aux Etats-Unis, Cheikh Tidiane Gadio, mais, il évoque surtout la prochaine élection présidentielle, en jugeant les chances des uns et des autres. Enfin, l'historien se prononce sur la traque des biens supposés mal acquis qui est dans une "impasse", dit-il.
La décision de Donald Trump de faire de Jérusalem la capitale d’Israël n'isole-t-elle pas les Etats-Unis de la communauté internationale ?
Non seulement les Etats-Unis sont en train de s'isoler mais sur cette question précise, ils se retrouvent tout seuls parce que c'est ce qui a fait que le statuquo ait toujours été maintenu malgré le fait que Israël a continué sa politique d'occupation de population de terres qui sont les terres palestiniennes. Le maintien de Jérusalem hors d'un contrôle complet d’Israël maintenait à la fois la réalité e la fiction d'une possible solution qui se trouve être la solution des deux Etats: un palestinien et un israélien, c'est-à-dire un Etat juif et un Etat Arabe. Donc ce que Trump a fait, aucun président Américain aussi pro-israélien qu'il a pû être, ne l'a fait. Cela c'est la première chose, c'est-à-dire la dimension politique. Mais, il y a aussi une dimension qui est à la fois religieuse et symbolique. C'est-à-dire l'idée que Jérusalem est la "capitale" de toutes les religions abrahamiques à savoir la religion la juive, la musulmane et la chrétienne.
Quelle lecture faites-vous de l'incarcération de Gadio au Etats-Unis ?
Son incarcération, je l'ai suivie de loin en lisant ce que le journaux ont écrit à ce sujet. Les Américains l'accusent de s’être trempé dans des arrangements entre homme d'affaires chinois et le Président du Tchad. Donc dans une certaine mesure ils l'accusent d'avoir été mêlé dans une entrepris de corruption.
L'indépendance de la Justice est souvent remise en cause au Sénégal. Quelle appréciation en faites-vous ?
La Justice est très différente selon les systèmes. Le système francophone que l'on a hérité de la France est très différent du système britannique ou encore américain. Mais le système français a beaucoup évolué aussi. Et le Sénégal dans beaucoup de cas n'as pas suivi cette évolution. Ce qui fait que l'on reste très tributaire d'un système qui est un système qui dans une certaine mesure est étranger à notre environnement politique, culturel et social d'une part. D'autre part nous n'avons pas aussi le infrastructures. Puisque ce qui fait la valeur et la force d'un système juridique c'est une charpente de droits et des règles mais aussi une infrastructure qui permet aux gens de se défendre.
Qu'entendez-vous par infrastructure ?
A la fois des avocats, une reconnaissance en fait du rôle des avocats et la possibilité pour ces derniers de jouer ces rôles. On a vu depuis les indépendances dans diverses situations que le procureur est sous le joug du ministère de la Justice. A partir de ce moment, le procureur et le ministère deviennent précisément les organes de la poursuite. Et là on retrouve dans une situation très difficile d'avoir une justice qui est une justice indépendante. Il est vrai aussi que ce que l'on constaté dans l'histoire du Sénégal depuis très longtemps c'est qu'il y a eu un tournant où on se rend compte que la situation salariale des juges et surtout des grands juges est devenu un élément de négociation entre le pouvoir et eux-mêmes. Donc, ils se retrouvent dans une situation où il serait de plus en plus difficile de le voir prendre position dans des situations privilégiées.
Pouvons-nous prédire un second mandat pour Macky Sall ?
Il est très difficile de le prédire. Si vous regardez les élections législatives qui viennent de se passer il aurait suffi que sa coalition fasse face à deux coalitions pour qu'il perde. Ce que les gens oublient c'est que les élections législatives et l'élection présidentielle sont différentes. Il y a très peu de gens qui votent aux élections législatives. Le corps qui élit les députés est insignifiant. Ce qui n'est pas représentatif. L'élection présidentielle a une nature différente. C'est une élection qui polarise et le taux de participation est plus élevé. Et la seule manière que Macky Sall pourra gagner c'est au premier tour. S'il va au second tour il y a un réflexe naturel des Sénégalais qui est de se regrouper contre le Président. Ainsi, cela ne va pas être un vote pour on adversaire mais cela va être un vote contre lui comme ce qui s'est passé avec Wade.
Pensez-vous que Idrissa Seck peut faire le poids devant Macky Sall ?
Contrairement à ce que l'on croit ce n'est ni la valeur ni le programme politique du candidat au deuxième tour qui est en cause au second tour . Ça devient un référendum contre le Président sortant. Cela n'a rien à voir, on peut appeler n'importe qui. L'essentiel c'est d'avoir quelqu'un qui représente l'anti-Président et d'avoir tous les gens qui ont décidé de s'opposer contre le Président. Personnellement, j'avais dit que Macky allait gagner dès le début lors de la dernière élection présidentielle parce qu’il avait compris que les élections ne se passaient pas à Dakar. Les gens oublient qu'il a été ministre de l'intérieur et directeur de campagne de Wade. Il a utilisé toutes ces ressources et il a gagné. Idrissa Seck a un potentiel. Il représente encore quelque chose dans la région de Thiès. Quand il était arrivé deuxième à l'élection présidentielle, il a connu un échec, mais le fait d’être retourné avec Wade l'a grillé. Mais il peut toujours être l'acteur de nuisance. Il peut créer des problèmes parce qu'il connait à la fois le Pds et l'Apr. Il connait les gens et il reste un animal politique. Cependant, il sera toujours très difficile pour lui de créer ce type de coalition capable de renverser un président de la République. Ce sera aussi très dur pour lui de sortir du premier tour. Sa bataille va être une bataille visant à sortir second au premier tour.
L'opposition peut-elle en rangs dispersés renverser le régime en place ?
Si l'on se fie à ce qui s'est passé en 2012, on se rend compte que cela ne fonctionne pas comme ça. Très peu de gens avaient prédit que Macky Sall qui venait de créer son parti aller passer. Ce sont les électeurs qui décident et pas les partis. Le problème est qu'ils peuvent ne pas être en coalition et les gens vont voter. Même les élections législatives l'on démontré. Qui aurait pu imaginer que le Pur allait sortir 4ème. Cela était arrivé avec les législatives d'avant avec Mansour Sy Djamil parce que il y a des logiques qui ne sont pas liées au parti. C'est comme ce qui s'est passé à Touba. malgré l'investissement des Mbacké-Mbacké, ils se sont fait battre. Aujourd'hui qu'on le veuille ou non, les états-majors des partis ne se battent pas pour avoir des prébendes. Il est plus important aujourd'hui de montrer à Macky qu'on est avec lui que d'aller à la base et d'avoir des militants.
Que vous inspire cette cacophonie relative à la traque des biens mal acquis ?
Cela montre que l'on s'est retrouvé dans une impasse et cela est lié à la manière dont cette traque a été faite. Elle a été présentée comme l'instrument de plus important de la construction du nouveau pouvoir. C'était cela la grande rupture. C'est-à-dire on n'allait renaître à partir de cette extraordinaire purification. Et la prêtresse de cette purification c'était Aminata Touré. Elle a essayé de le faire mais dans une certaine mesure, elle a échoué parce que les gens qui auraient dû porter cette entreprise avec elle, n'ont pas été à la hauteur ou n'en voulaient pas. Ils avaient commencé y compris Macky Sall à trouver des solutions, des compromis et à négocier. Aminata Touré était seule dans sa logique et elle a perdu. Il ne faut pas oublier la façon dont elle était menée. On aurait dû mettre en place une juridiction qui va s'en occuper et on n'en parle plus. On laisse la justice suivre son cours et on évite de mettre tout sur la place publique. Mais c'était nécessaire politiquement parce que cela permettait au nouveau pouvoir de se construire contre le Pds en particulier.
Quid du président de l'Assemblée national qui dit toujours ignorer ?
Le président de l'Assemblée national dit qu'il ne connait pas les lois de finances rectificatives. A un moment, la discussion était autour de cette question mais le gouvernement ne parle pas de lois de finances justificatives. Il parle de lois finances initiales et de lois de règlement. Donc aujourd'hui, tout ce qui importe est de vérifier. Le problème c'est est-ce qu'il y a des preuves. Niass ce qu'il a dit est très clair, mais il va falloir aller à l'Assemblée et dire où sont les documents. Mimi Touré avait dit que c'était dans les budgets. Le gouvernement a dit que c'était dans les budgets, mais que ce n'était pas cette somme. L'un des ministres a dit qu'il faut éviter de donner des chiffres.
Le président de la République a déclaré l'année 2018 comme une année sociale. Est-ce que cela n'est pas contradictoire pour un pays qui se dit en voie de développement ?
Ce n'est pas contradictoire parce que la question de l'environnement a un effet sur l'environnement productif parce que cela crée une population active en bonne santé et mieux formée. Aujourd'hui, c'est cela le défi. C'est-à-dire pour pouvoir tirer bénéfice de la globalisation, il faut avoir une main d'oeuvre qualifiée, formée. C'est ce qui explique d'ailleurs le bond chinois et ce qui explique ce qui s'est passé en Asie et en Île Maurice.
source:https://www.leral.net/La-traque-des-biens-mal-acquis-est-dans-une-impasse--selon-Mamadou-Diouf-enseignant-a-l-Universite-de-Columbia_a217778.html