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La vie est loin d'être rose dans la jungle des Sans Domicile Fixe (SDF). Hommes, femmes et enfants s'y escriment dans une vie de marginaux où les drames font partie du quotidien. Repris de justice, voleurs et prostituées s'y battent avec acharnement pour survivre. D'aucuns parmi ces laissés pour compte cherchent par tous les moyens à sortir du traquenard, tandis que d'autres se sont faits à cette vie en marge de la société. EnQuête propose une plongée dans cet univers qui détonne.
C'est le calme plat, en cette heure avancée de la nuit. Les lampadaires jettent une lumière diaphane sur les trottoirs. Les phares des quelques rares véhicules, surtout des taxis, éclairent les coins sombres qui cachent çà et là une table en bois ou un ballot. De l’avenue Lamine Guèye à la place de l’Indépendance, en passant par l'avenue Georges Ponpidou et la rue de Thiong, on aperçoit çà et là des groupes de personnes confortablement installées sur des cartons de fortune. Des couvertures cachent une partie de leur corps, au regard des rares passants.
Au centre ville, rares sont les rues qui n'accueillent pas des sans domicile fixe (SDF). Au marché Sandaga, en face de la boulangerie, quelques rares personnes arpentent la rue. L'un des habitués du lieu, Doudou Ndiaye, est un toxicomane notoire qui peine à tenir sur ses deux jambes. Les deux bouteilles de diluant et d’alcool qu'il tient à la main renseigne sur ses mœurs dissolues. Il garde les yeux ouverts avec grand peine. Son pantalon déchiré a connu des jours meilleurs, mais on du mal à croire que le sous-vêtement brun qui lui colle au corps a un jour été blanc. Avec peine, il parvient à nous raconter sa vie de SDF. ''Cela fait 10 ans que je vis ici, dans les poubelles. Je suis un éboueur. L’argent que je gagne me permet d’acheter mes bouteilles’’. Même s'il est nostalgique de son passé, il semble se résigner à son présent de marginal. Il a quitté très jeune son Dagana natal où vivent ses parents. Il s'est installé à Guédiawaye. Puis les mauvaises fréquentations aidant : ''J'ai fini par atterrir ici'', confesse-t-il. Doudou ne peut plus se passer de cette vie. Dans sa philosophie, tous les moyens sont bons pour gagner de l’argent. Il se considère même comme un as du vol. Ordinateur, portable, sac à main, Doudou ne laisse rien passer. ''Je vole tout ce qui se trouve à portée de main’’, dit-il. Chaque matin, Doudou se transforme en vendeur de ''promotion'', ce qui lui permet d'arpenter les quartiers huppés de la capitale. ''Je rode, histoire de trouver quoi voler. Je ne laisse rien traîner, car tout est utile pour moi''. Parfois, dit-il, il lui arrive de planifier et d'opérer des cambriolages dans des magasins ou des maisons. ''J’ai fait presque toutes les prisons de Dakar. Mais, j'y reste entre 6 mois et 1 an seulement'', dit-il, avec une pointe de fierté. Aujourd'hui, Doudou se plaît dans sa vie qu’il mène sans souci. Pour satisfaire son libido, Doudou donne rendez-vous aux belles de nuit. D'habitude mille francs suffisent. ''Si l'argent fait défaut, je profite des femmes (SDF) qui sont nos voisines'', dit-il avec humour.
''Ma mère me manque, cela fait 11 ans que je ne l’ai pas vue''
Pour tous ces sans domicile fixe, la majeure partie de la journée est occupée à trouver leur pitance. Ce qui n'est pas une mince affaire. C’est le cas Cheikh Ndiaye, 27 ans, qui a quitté le nord pour venir à Dakar, à l'âge de 7 ans. ''J’étais maltraité chez moi. Mon papa était compliqué, personne ne le comprenait. Il nous maltraitait, comme si nous n'étions pas ses enfants. Je ne pouvais plus vivre avec lui. Je n’en pouvais plus.'' Avec son short en jean et son t-shirt rouge marron, il porte des cicatrices qui balafrent son visage de teint clair. Le ‘’Foutanké’’, comme l’appellent ses amis, a alors atterri à Dakar. Tout se passe avec un ami de son cousin, vendeur de tissus au marché Hlm, jusqu'au jour où l'un des frères de son mentor débarque du Fouta. ''Voulant se débarrasser de moi, il m’a accusé de vol.'' ''Au bout du gouffre'', Cheikh s'est résolu à partir. Il passe deux nuits à la belle étoile, avant de se retrouver à Sandaga. ''Tout ce que je souhaite, c'est de sortir de cette vie de misérable''. Il désire retourner dans son village natal, Mais, il doit vaincre ses démons d'abord, car il est devenu toxicomane. Il ne peut plus se passer de sa bouteille de diluant et de ses cornets de chanvre indien. Même sort pour Médoune allongé à côté. ''Je peux ne pas manger, mais je préfère mourir que de n’avoir pas ma bouteille de diluant avec moi'', déclare le paraplégique. Ce sont ses amis qui lui trouvent sa nourriture et sa ration de drogue quotidienne. Dans cet univers de la débrouillardise, se développe une certaine forme de solidarité. Mais Médoune n'attend pas tout des autres. Il rampe jusqu'au marché pour mendier. ''J’étais bien entouré chez moi, même si on vivait difficilement, par manque de moyens. En voulant bien gagner ma vie et subvenir aux besoins de mes parents, j’ai décidé de quitter Kaolack pour Dakar''. Dans la capitale, les choses sont allées de mal en pis. Ne trouvant pas de travail, il devient rabatteur à Sandaga. ''À force de les fréquenter, confesse-t-il, ''je suis devenu pire que tout le monde'', narre-t-il. Vivre loin des siens est comme une déchirure pour lui. ‘’Ma mère me manque, cela fait 11 ans que je ne l’ai pas vue. Je sais même pas si elle est en vie'', dit-il, les larmes aux yeux.
''Quitter cet endroit ''maudit''
Une odeur pestilentielle se dégage des lieux. L'insalubrité ne semble déranger personne. La discussion réveille Modou Yade qui se met à proférer des injures. Il est aussitôt calmé par Doudou. Le jeune de 19 ans vit avec ses ''grands'', depuis 7 mois. Ayant pris connaissance de l'objet de la discussion, il révèle qu'il vient de Keur Massar. ''Je suis issu d’une famille polygame. Mon père n’arrêtait pas de battre ma mère devant ses coépouses''. Rendu agressif par ce traumatisme, Modou a fini par fuguer, pour rejoindre un de ses amis qui vit à Grand-Yoff. Il s'y s’adonne à l'alcool et à la drogue. Pour se nourrir, Modou passe ses journées au marché à aider des femmes à transporter leurs bagages. Une chose qui lui permet de gagner sa vie, révèle-t-il. À la différence de ses congénères, Modou ne s’est pas complètement déconnecté de sa famille. Il voit souvent sa sœur qui vit chez sa belle famille. Il lui fait croire qu’il vit dans un centre avec d’autres enfants. Modou déclare se débrouiller pour envoyer de l’argent à sa maman, par le biais de sa sœur. Une fois par mois, il rencontre sa mère. Comme Médoune, Modou ne demande qu'à quitter cet endroit ''maudit''. Il a peur de devenir dépendant de la drogue et de transformer sa vie en enfer.
Mendiantes le matin, prostituées la nuit
''Je vis difficilement ici avec mes enfants. J'ai perdu mon mari, il y a trois ans, à la suite d'une longue maladie''. Mariétou fait partie de la cohorte de femmes SDF qui squattent les ruelles de la capitale, avec une prédilection pour l’avenue Pompidou. La plupart d’entre elles viennent du sud-est du pays ou même des pays de la sous-région, notamment le Mali et la Guinée Bissau. La dame est assise sur un carton, à côté de ses trois enfants. Elle a eu sa dernière fille avec un SDF. ''Mon amant, révèle-t-elle, est SDF comme moi. Nous vivons en concubinage, vu que nous passons nos nuits ensemble. Il passe ses journées à la cité des eaux à mendier. La nuit venue, il me retrouve ici où nous menons une belle vie amoureuse''. La dame déclare se sentir en sécurité avec son homme.
Car dans cet univers glauque, elles restent confrontées à des agressions souvent d'ordre sexuel, voire à des vols des toxicomanes qui rôdent autour d'elles. Mendiante le jour, prostituée la nuit, c'est le lot de la plupart d'entre elles. Difficile pour elles de résoudre l'équation : vivre à la belle étoile et élever ses enfants. D'ailleurs leurs progénitures sont souvent issues de relations indésirables ou simplement de la prostitution. Elles déclarent ne pas avoir le choix. Le citoyen lambda aurait le réflexe de les prendre en pitié, et pourtant, elles déclarent se sentir à l’aise dans ce milieu.
Handicapée et prostituée : ''Mes clients et les indications de leurs marabouts''
C'est le cas de cette dame en chaise roulante. Malgré son handicap, Ndèye Arame parvient tant bien que mal à satisfaire ses partenaires. Un choix, qui selon elle, s’impose par faute de moyens. ''C'était difficile pour moi de gagner ma vie, juste en tendant la main. Maintenant, on ne gagne plus ce qu'on gagnait avant'', dit-elle. ''Je n'ai jamais voulu être une belle de nuit, mais les tentations et certaines personnes qui me proposent de l'argent pour coucher avec moi, sur indication de leur marabout, m'ont poussée à me prostituer''. Malgré son handicap, Ndèye Arame assure qu’elle est bien au lit. Elle en a fait un métier. Elle parvient, en se prostituant, à bien s’occuper de ses enfants et de sa famille restés au village.
Même cas de figure pour Nd. D.. La dame de teint clair vient juste de finir de se faire tresser. Assise sous l’ombre d’un arbre, avec à ses côtés ses jumelles et son fils cadet, la Guinéenne raconte que ses malheurs ont débuté avec la maladie de mari, alité depuis 2 ans. ''Ce n’est pas facile pour moi de tendre la main. Mais, je n’ai pas le choix''. Dans la mesure où, depuis qu'elle mendie et se prostitue, elle parvient à subvenir à ses besoins et à envoyer de l’argent en Guinée. Elle a fini par se faire à la vie dans la rue. Même si elle en garde un très mauvais souvenir. ‘’Mon fils a perdu la vie ici même sous mes yeux. Une voiture qui roulait à vive allure lui a ôté la vie''. Elle est contrainte de vivre avec ce souvenir douloureux.
source: enquêteplus