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L’OBS – Lentement mais sûrement. Le magal de Porokhane est en train d’occuper une place centrale dans les rites du Mouridisme. Cette année encore, des milliers de fidèles sont venus magnifier Mame Diarra Bousso. La voisine de Dieu qui, d’année en année, voit ses voisins affluer en masse.
Ce n’est pas Touba ! Et pourtant le Magal de Porokhane revêt la même ferveur que le pèlerinage de la ville sainte du Mouridisme. Il faut arriver la veille et de préférence en pleine nuit pour avoir une idée de ce que les fidèles de Mame Diarra Bousso sont capables de faire pour recueillir un peu de la lumière auguste de «Djariyatullah». La voisine de Dieu et mère du vénéré fondateur du mouridisme. Parce qu’elle sacrifia jadis sa personne pour son mari, pour sa progéniture, pour la religion, qu’aujourd’hui, des centaines de talibés, hommes et femmes, jeunes et vieux, restent debout toute la nuit pour avoir le privilège de prier sur elle, pour eux.
Du Mausolée…
Mercredi, il est 2 heures du matin à Porokhone, à 6km de Nioro, et le pèlerinage, fixé au petit matin du jeudi, débute déjà. A deux kilomètres du lieu où repose Mame Diarra, une longue, très longue file témoigne de l’affluence. De part et d’autre du mausolée qui se trouve sur la place centrale, le même spectacle. «Par-là, ce sont les femmes et les hommes attendent de l’autre côté», explique un jeune talibé, en pointant un doigt ganté du côté de la résidence Mame Diarra qui fait face au mausolée. Il fait partie de la «dahira» de Serigne Mountakha, le khalife de Porokhane. Lui et ses camarades, habillés de noir de pied en cap, essaient de seconder les forces de l’ordre dans leur difficile tâche. Difficile parce qu’à Porokhane, les files d’attente s’allongent, se frottent et s’enchevêtrent. Celle des hommes pour le mausolée semble couper en deux la queue des femmes pour le fameux puits où Mame Diarra fit l’objet de beaucoup de miracle. Conséquence, coups de colère et éclats de voix transpercent régulièrement l’obscurité. Aussi régulièrement que la nuit avance et que les pas se font de plus en plus trainant, les gestes de moins en moins vifs et les paupières de plus en plus lourdes. «Même s’il faut dormir debout et sur place pour accéder au mausolée de Mame Diarra, je tiendrai», assure une dame d’âge avancé, coincé entre deux autres dames de la même génération et du même dahira de Guédiawaye, dans la banlieue dakaroise. Dans sa voix, brûle le feu de la détermination. Un peu plus tard, il est 5 heures du matin dans le mausolée, Ndèye Astou est assise avec ferveur à même les tapis qui ornent le sol du tombeau de «Djariyatullah». La brise matinale souffle dans son châle et découvre son visage, ses yeux clos et ses lèvres psalmodiant. Priera-t-elle pour la sainte mère de Mame Bamba où, tenue par les vicissitudes de la vie, s’en tiendra-t-elle juste à implorer la miséricorde divine pour son fils, dans les liens de la détention ?
… A la source liturgique… Répartis en deux files distinctes, dopés par une ferveur particulière, les fidèles patientent sous un soleil au zénith pour pouvoir afin accéder à l’eau bénite de Sokhna Diarra. «Qui veut des bouteilles ? Elles sont à 100Fcfa pour les grandes et 50 Fcfa pour les petites», s’époumonent des vendeurs à la criée. Certains fidèles se l’arrachent tandis que d’autres, bouteilles, gourdes ou bassines, bien en main, se bousculent dans le rang, évitant soigneusement les coups de matraques des zélés gendarmes qui s’échinent vaille que vaille à faire régner l’ordre. Regroupés en groupes sous les arbres qui dispensent une ombre bienfaaisante dans un immense grand-place, les talibés du daaras de Serigne Mountakha donnent le change en faisant passer les bouteilles d’eau. Debout devant un grand portail en fer, un homme, le regard noir, monte la garde. A l’intérieur, un clapotis diffus attire l’attention. «Derrière cette porte se trouve le puits de Mame Diarra», renseigne le Cerbère à la porte d’entrée, «vous ne pouvez pas y accéder pour le moment, attendez que la foule à l’intérieur se dégonfle», tonne-t-il. Au bout d’une poignée de minutes, Sésame ouvre ses portes. L’intérieur plante un décor champêtre. Tout autour de la margelle, des dames, ceintures en cuir ou foulards noués autour de la taille se lancent dans des mouvements saccadés pour tirer les manivelles qui retiennent les sceaux hors du puits. Secondées par des gros bras, elles achèvent leurs mouvements dans une saisissante synchronisation par un tour de moulinet effectué avec une précision digne d’une longue pratique. C’est le moment choisi par d’autres hommes, plus jeunes, pour remplir, tour à tour des bouteilles et des gourdes qu’ils remettront ensuite aux fidèles qui, peuvent selon leur bon loisir, donner une petite pécule en guise de adiyaa. Sitôt le liquide précieux en main, Mame Diarra,une taalibé venue de Dakar, voile transparent sur la tête, s’en asperge la tête et le visage. Comme pour s’attirer la bénédiction et les grâces de son homonyme. «Cette eau est bénite et quiconque s’en asperge ou en boit, est béni», lâche-t-elle dans un état second
Alors que le mouvement reprend de plus belle autour du puits, des femmes mues par le gain facile, s’adonnent à un tout autre business autour…de l’eau du puits. Alignées tout le long du chemin qui serpente l’allée menant vers la grande mosquée, elles échangent contre des espèces sonnantes et trébuchantes des bouteilles d’eau qu’elles remplissent à partir d’une bassine acquise de haute lutte au puits. «Bouteille d’eau à 100Fcfa le litre ! C’est bon marché, fiable et de bonne qualité. Venez, venez !», apostrophe Maty Samb, les mains sur les hanches. Suffisant pour déclencher le rush des fidèles harassés par un soleil de plomb vers son étal. Dix minutes plus tard, sa bassine se vide et sa fille se hâte vers le puits pour remplir à nouveau le réceptacle. Une routine pour Maty Samb et sa progéniture qui perpétuent la tradition familiale en chantant à la gloire de…la voisine de Dieu.
…Tous les chemins mènent à Mame Diarra
Macky Sall est en tournée économique dans le Sud du pays. Ses ministres ont pris le chemin du Centre. Du moins deux de ses ministres qui ont mis leur pas dans cuex de Mame Diarra et se sont fait, hier à Porokhane, l’hôte de Serigne Fallou, le petit-frère de Mounatkha Mbacké, le Khalife. Alioune Sarr, ministre du Commerce et Aly Ngouille Ndiaye, ministre des Mines, sont venus magnifier avec les milliers de talibés, la personne de Mame Diarra. «Je suis venu porter un message qui consiste à dire à tous les Sénégalais de s’inspirer des vertus de Sokhna Diarra. La piété, la tolérance, la patience… pour construire la société», a annoncé Alioune Sarr qui se trouve être le chef de la délégation ministérielle. Le ministre du Commerce a rappelé l’attachement du chef de l’Etat aux familles religieuses en ce qu’elles jouent «le rôle central de régulation et de régulateur dans les moments difficiles». Un message qui a été bien reçu par le porte-parole du khalife général des Mourides. Succinct dans son propos, Serigne Bass Abdou Khadre a formulé des bénédictions à l’encontre de la délégation et du gouvernement, avant de rappeler les gens à la prière. L’heure de «Tisbar» étant annoncée par le muezzin.