Fast backlinks and Guest-post hosting
La fréquence des départs par voie maritime ou du désert saharien de jeunes sénégalais qui font route pour l’Europe, via des moyens de fortune, ne cesse d’inquiéter au plus haut niveau. Les morts se comptent par centaines. Les corps charriés par les vagues gigantesques du grand bleu, la géhenne de la traversée du Maghreb aux allures d’un véritable trafic d’êtres humains, les atrocités, l’arnaque et les leurres donnent la physionomie d’une véritable catastrophe humanitaire de la migration irrégulière au Sénégal. Pis, le mal traverse les âges, les sexes et les corporations. Tous sont coupables, en premier l’Etat qui est interpellé avec insistance.
Le phénomène migratoire a toujours été intrinsèquement lié aux origines de l’humanité dans ses différentes formes, qu’elles soient géographique, géopolitique, sociale, économique, climatique, religieuse entre autres. Ce mouvement historique de populations s’est établi entre les différents continents avec en ligne de mire, la quête du mieux-être. Quand bien même indispensable dans la construction des relations sociales, ce phénomène migratoire a pris de nos jours des proportions jamais égalées avec d’innombrables foyers de départ en Afrique. Si de force les Africains étaient envoyés dans les plantations et autres champs de servitude dans un passé lointain, aujourd’hui ce sont ces mêmes Africains qui défient le Grand bleu ou le désert pour rejoindre l’Occident en toute connaissance de cause du fort potentiel de risque sur le périlleux chemin de l’aventure.
La cause la plus perceptible est d’ordre économique, sous la caricature d’une pauvreté endémique en Afrique au sud du Sahara. Mais la question nodale est de savoir pourquoi diable parier sur sa vie à partir et par tous les moyens. Sans doute l’influence du voisin ou du compagnon qui réalise quelque chose au terroir d’origine est y pour beaucoup. Ce piège hallucinant a fini d’emballer les parents plus enclins à brader leurs biens mobiliers, immobiliers, troupeaux, prêts bancaires, logistiques roulantes rien que pour payer un voyage souvent sans retour de leurs fils.
La responsabilité historique de l’Occident engagée ?
L’Occident qui s’est toujours mis sous perfusion du continent noir depuis la nuit des temps, se doit de densifier ses investissements en Afrique, ne serait-ce que pour lui rendre l’ascenseur. Depuis la conquête de l’Afrique jusqu’à la colonisation, ce vieux continent a été dépouillé de ses biens de manières violentes et destructives. Qui peut jusque-là douter de l’action des multinationales étrangères qui ont pillé les gisements de minerais, les ressources en tous genres qu’ils exploitent en produits raffinés et revendus chers à cette même Afrique.
De là à se demander si la légitimité de l’Afrique de réclamer une justice sociale dans sa part du bien exproprié n’est pas validée, il n’y a qu’un pas. Mais c’est hélas ignorer qu’en « affaire » entre Etat, il n’y a que des intérêts et non de l’amitié encore moins de morale. Et la caricature la plus expressive est l’image de cet arbre qui pousse dans une maison (Afrique) et dont les fruits tombent dans la maison d’à côté (Europe).
Mais à y regarder de plus près, ce phénomène semble prendre une dimension irrationnelle et même métaphysique, tel un dessein implacable. Sinon comment mieux expliquer que des personnes du troisième âge, des hommes, des femmes, des bébés et même des femmes enceintes se retrouvent clandestinement dans ces embarcations de fortune comme par attraction des fonds marins.
Quand un jeune préfère la mort à sa situation de précarité !
Le choix de la mort dans les fonds marins ou dans le désert saharien ne doit, en principe, être motivé que par un désir extrême de sentir une « existence » autour de sa vie. Le philosophe allemand Johann Wolfgang Von Goethe, auteur de la citation sur la motivation disait qu’ « une vie inutile est une mort anticipée ». Le jeune Boubacar de Santossou à Sédhiou faisait sans doute allusion à cette assertion quand il pensait que « rester au Sénégal et vivre l’enfer de la précarité, c’est comme mourir avant la vraie mort. C’est la raison pour laquelle moi je vais toujours tenter d’aller en Europe » soutient-il avec ferme conviction. Sentiments analogues chez nombre de candidats qui quittent la basse Casamance et l’extrême nord du pays, Saint-Louis notamment.
Et pourtant sans surprise, ce discours de désespoir n’est pas nouveau. Nonobstant la géhenne de l’aventure dans ses plus forts moments de délire d’un voyage périlleux, beaucoup d’entre eux ayant échoué, promettent sans vraiment hésiter de reprendre le chemin. La contagion sociale est tellement inquiétante que toutes les collectivités du Sénégal en sont contaminées !
Des corps socio-professionnels se mettent en route
L’essentiel des candidats à la migration irrégulière issus du village de Fass-Boye, petit port de pêche, situé à une centaine de kilomètres de Dakar, dans le département de Tivaouane, région de Thiès, sont des acteurs de la pêche artisanale. Ils avaient quitté le 10 juillet dernier à bord d’une pirogue transportant 101 passagers. Leur embarcation ne sera retrouvée que le 15 août soit un mois et cinq jours plus tard au large du Cap Vert, à 600 km des côtes sénégalaises. Les rescapés ont fait état d’une situation économique et sociale de plus en plus intenable avec « l’activité qui ne nourrit plus son homme ».
Les différentes enquêtes ont aussi montré que parmi les candidats au départ, figurent des tailleurs, des commerçants, des paysans, des artistes, pour ne citer que ceux-là, qui ont abandonné leurs activités pour convertir leurs revenus en billet du voyage clandestin vers l’Eldorado européen. Ont-ils vraiment le sentiment du gain facile à destination ou ont tout simplement perdu tout espoir d’un lendemain qui va changer en leur faveur au pays. En tout état de cause, la motivation est trop forte et décime les sociétés sénégalaises avec fracas. En tout état de cause aussi, la raison nous ramène sur la terre ferme pour considérer aussi la responsabilité première de l’Etat d’apporter des réponses adéquates à cette forte demande de formation et d’emploi des jeunes.
La stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière
Ces catastrophes récurrentes ont amené l’Etat du Sénégal en début juillet dernier, à engager une stratégie nationale de lutte contre la migration irrégulière avec comme objectif de réduire sensiblement le mal d’ici à 2033. Cette stratégie s’articule autour d’un programme de renforcement de la prévention, du contrôle des frontières et de la réinsertion des migrants. Il convient assurément que face à l’ampleur d’une situation, l’Etat du Sénégal se doit d’élaborer un programme structurel solide et axé sur les besoins fonctionnels de la jeunesse (Formation/Emploi) pour dissiper ce chemin de la mort et anticiper sur les velléités de bien-être d’une population manifestement meurtrie par la précarité sociale exacerbée par la flambée des cours mondiaux et la chute du pouvoir d’achat. Et pour ce faire, ne faut-il pas inexorablement une politique hardie de justice sociale, de planification stricte des politiques publiques surtout en direction de la jeunesse, cheville ouvrière par excellence d’une nation en perspective ? Voilà toute la question qui insuffle par certains côtés une politique efficiente de confinement de l’émigration irrégulière.
Moussa DRAME
source :https://www.sudquotidien.sn/migration-irreguliere-une-catastrophe-humanitaire-au-senegal-la-contagion-sociale-decime-les-familles-lhorizon-encore-lointain/