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Mar, Déc
jeudi, 12 juin 2014 00:00

EUX & NOUS - PAR AMADOU GALLO DIOP UNIVERSITES, SANTÉ et PERSPECTIVES de DÉVELOPPEMENT DURABLE

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Je précise d'emblée que je n'appartiens à aucun parti politique, syndicat ou à une quelconque forme d'entité politicienne. J'ai le plus grand respect pour toutes ces utiles institutions et structures de réflexion, d'action et Gardiens de la démocratie, de la liberté et de la justice sociale. Ce choix n'est dicté que par le souci de préserver un 'esprit libre', mais auscultant les battements du cœur de sa communauté professionnelle, palpant le pouls majestueux de sa société et tenant compte de toutes les sensibilités, et pouvant ainsi librement analyser, critiquer, apprécier et proposer.

 

Cette précision est importante afin, qu'après lecture de ce qui suit, nul ne puisse penser que j'aurais défendu quelque intérêt partisan, de 'chapelle' ou crypto-personnel. Je suis fier d'être un pur produit de l'Ecole publique sénégalaise (du primaire à l'Université de Dakar) qui a formé, formaté tant de générations de cadres de divers horizons et origines, et permis de bénéficier de sa qualité (préservée ?) et de son expertise. Je me dois, via quelques suggestions, de contribuer modestement au débat actuel ou à venir, comme le font les filles et fils de notre cher Sénégal. Demeuré(e)s sur place à se battre ou migrant pour des raisons variées.
 
J’apporte une simple contribution citoyenne nourrie par un quart de siècle (beaucoup en ont fait plus et mieux que moi) de pratique universitaire et hospitalo-universitaire. Ne serait-ce que par gratitude envers cette généreuse et belle Ecole publique sénégalaise rayonnant à travers le monde. Bien entendu, par mes activités professionnelles, le volet relatif au secteur de la santé et ses interrelations naturelles avec l’Université, sera largement évoqué. La même démarche serait utile à promouvoir pour tous les autres secteurs afin que différentes contributions soient suscitées et permettent d’enrichir le forum actuel de discussions et de propositions dans l’unique intérêt de notre nation et de notre partenariat si fécond avec les pays Africains qui envoient leurs ressortissants se former et se soigner au besoin, au Sénégal.
 
Diagnostic situationnel
 
L’Université Cheikh Anta Diop (UCAD) peut être fière de ses produits, disséminés depuis plus d’un siècle, à travers l’Afrique (l’Ecole de médecine de Dakar a été créée en 1917), le monde et les Institutions internationales (Universités, Entreprises et autres). Quand les Universitaires et Professionnels de notre pays voyagent à travers le monde et qu’ils professent, la même question leur est souvent posée « où avez-vous fait vos études ? » car nos collègues et partenaires, notamment occidentaux, pensent que seules leurs écoles et Universités sont capables de transmettre les bons savoir et savoir-faire. A chaque concours d’Agrégation, l’UCAD est soit première au palmarès, soit parmi les 2 ou 3 premières. Particulièrement dans les sciences de la Santé.
 
1/Environnement général. Aujourd’hui, quand vous visitez les campus académique et social (la majorité des amphithéâtres, les résidences universitaires), vous êtes profondément choqués par l’aspect hideux de l’environnement, des intérieurs, la saleté, le désordre ambiant, les gargotes, les étables ambulantes, la promiscuité (chambres pour 2 occupée par 5 à 8 personnes). Dans la majorité des Facultés, les étudiants doivent venir à l’aube pour avoir une place ou viennent avec tabourets, chaises ou tout moyen permettant de s’asseoir quelque part ou rester debout. Même les bâtiments administratifs universitaires, naguère illustres et magnifiques, sont pâles, dépeints, craquelés. Il n’y a que dans certaines rares Facultés comme en Médecine et à UCAD-2 où on trouve encore des locaux convenables, mais qui sont devenus bondés. Victime de sa bonne réputation, la Faculté de Médecine de Dakar est devenue pléthorique avec un nombre d’étudiants trop important pour qu’ils puissent bénéficier des encadrements qui font le bon médecin : à l’hôpital et au lit du malade.

Notre génération est devenue ce que nous sommes car nous avions bénéficié d’un environnement général et humain qui nous donnait envie et nous faisait rêver : beau campus, propre, enseignants qui donnaient envie de leur ressembler. Les raisons sont diagnostiquées, rapportées et connues.
 
2/ Sur le plan financier, comment peut on admettre, en 2013, que le coût total d’une année académique d’un étudiant sénégalais (inscriptions statutaires à 4800 francs Cfa, plus ou moins 5000 francs annuels dits ‘académiques’ ou ‘facultaires ; petit déjeuner à 75 Francs ; repas à 150 Francs et chambre à 3000 à 4000 Francs Cfa par mois), soit l’équivalent d’un mois voire d’une semaine des frais de scolarité d’un enfant de 4 ans qui va à la maternelle, nonobstant les excès pouvant atteindre 50.000 francs mensuels ou plus constatés dans le privé. C’est économiquement irrationnel. Etudiants, parents et autorités devraient objectivement admettre que cela n’est pas réaliste, et n’est pas juste. Cela ne peut perdurer. Il faut bien que quelqu’un paye. L’étudiant, la famille, l’Etat sous une forme ou une autre (bourse ou aide conséquentes), les entreprises qui pourraient investir dans l’étudiant actuel, futur employé, etc. Alors que pour l’étudiant sénégalais allant étudier à l’étranger, la facture sera payée quel que soit le coût de l’inscription et de la mensualité. Même s’il faut, pour cela, ‘vendre les bijoux de la famille’. Mais, étudiant sur place, à Dakar, on nous a fait croire, depuis l’indépendance, à une exception sénégalaise immuable à travers les années, intouchable, et qui garantirait automatiquement des études universitaires (quasi-gratuites), sans obligation de résultats. C’était un choix légitime historiquement justifié à l’époque. Cela a payé en fournissant l’un des meilleurs ratio formation/éducation pour la population sénégalaise et a fait du Sénégal un pays ‘surdiplômé’ comparé aux pays africains de la sous-Région, selon les institutions internationales. Mais on ne l’est jamais trop, car un pays sans instruction de qualité ne peut se développer durablement. Mais cette situation d’un Enseignement Supérieur de qualité et quasi-gratuit n’est plus tenable. Cela sclérosera, si ce n’est déjà fait, l’UCAD qui, depuis plusieurs années, s’étouffe financièrement et structurellement, au risque d’engendrer son autolyse.

3/ Malgré les efforts conséquents qui ont été faits depuis plusieurs années, résultant de batailles de plusieurs générations d’Universitaires et de syndicats, le traitement salarial, de l’Assistant au Professeur, ne satisfait pas à la logique de « travailler et étudier plus pour mieux vivre » eu égard à la durée des études et formations. A années égales, avec des Bac + 15 à 20, un Universitaire a un niveau matériel et financier de vie inférieur à celui des professionnels de secteurs équivalents avec Bac + 5 à 7. Frustration, envie de vivre décemment, d’assurer le quotidien et l’avenir de sa famille, d’inscrire ses enfants dans les meilleurs établissements (qui sont passés du public au privé entre les décennies 60-80 à maintenant), se soigner dans les meilleurs endroits (idem), envie d’un environnement favorable à la créativité, à l’innovation, à l’élévation scientifique et sociale, pousse les enseignants à aller voir ailleurs (secteur privé local parallèle, Institutions nationales ou internationales, cliniques ou cabinets privés, sphère politique, ou exils vers l’Afrique, l’Europe ou plus récemment les Amériques) au grand dam du temps devant être consacré à l’Enseignement Supérieur public.
 
4/ 53 ans après la période coloniale et bien loin de la rareté des ressources humaines de l’époque, accepter que tout bachelier doive aller à l’Université, est un non-sens perpétuel. Transformer des Facultés prestigieuses en ‘’décharge’’ du surplus qui n’a pu être orienté vers les ‘’bonnes’’ filières a favorisé l’idée que les sciences humaines, littéraires et autres seraient des sous-sciences, sources de sous-perspectives et pour les étudiants qui y vont malgré eux et pour les Professeurs que l’on transforme en ‘’baby-sitters’’ pour adultes négligés. Perte de motivation des deux côtés. Surpleuplement. Routine. Inefficacité. Déperdition. Colère chronique.

5/ Génératrice et ‘’impulsatrice’ du savoir, du savoir-être et du savoir-faire pour la société, l’Université devra, dans son fonctionnement interne, être le premier laboratoire de la bonne gouvernance. Les débats attendus sur ce plan proposeront surement des pistes de perfectionnement, de transparence et démocratie interne à tous les niveaux de décision et de fonctionnement.
 
Oui à une 2e Université à Dakar, mais non à un ‘clone’ de l’UCAD.
 
L’idée de créer une 2e Université à Dakar est excellente. Elle devrait permettre de faire respirer l’Université Cheikh Anta Diop qui, absorbe, au bord de la régurgitation, plus de trois fois sa capacité : 85.000 étudiants en 2012, au lieu des 25.000 prévus ! La seule Faculté des Lettres compte 26.200 étudiants ! Je pense que l’actuelle UCAD devrait devenir une Université à vocation uniquement scientifique et sanitaire. La deuxième Université de Dakar qui sera créée devrait, elle, plutôt être dédiée aux sciences politiques, linguistiques, historo-géographiques, pédagogiques, juridiques, et économiques. Par ailleurs, il serait opportun de nommer cette 2e entité universitaire de la capitale : « Université ‘Amadou Makhtar Mbow’ » de Dakar. Ce serait lui rendre hommage de son vivant (que Dieu lui accorde le maximum sanitairement bénéfique), lui et ses camarades et congénères disparus et vivants pour les rôles qu’ils jouent depuis les années 40 pour former et formater l’Homo Senegalensis, voire l’Africain et avoir porté si haut le flambeau de l’éducation et des sciences au firmament universel, made in Africa. Les professionnels de ces domaines d’enseignement supérieur précités pourraient proposer un projet d’établissement cohérent et ambitieux. Pour revenir à l’UCAD actuelle, si elle devenait exclusivement scientifique, technique et sanitaire, seraient maintenues en son sein les actuelles Facultés des Sciences et Techniques, l’Ecole Nationale Supérieure Universitaire de Technologie (ENSUT) et de la Santé.

Les Facultés transférées vers la 2e nouvelle Université, récupérées, deviendraient des UFR dédiées aux nouvelles sciences ‘exactes’ nées ces dernières décennies ou en devenir (sciences et techniques de la communication, sciences de l’environnement et autres innovations), afin de créer un environnement scientifique de haute facture, genre Silicone Valley. La deuxième composante de cette UCAD ‘nouvelle version’ serait une importante UFR Santé composée de : Faculté de Médecine, de (nouvelle) Faculté de Pharmacie et de Pharmacopée (afin de valoriser ce secteur), et de (nouvelle) Faculté d’Odontologie. Cette grande UFR Santé engloberait aussi, tout en laissant autonome l’Ecole Nationale de Développement Sanitaire et Social (ENDSS) et le Centre National d’Appareillage et d’Orthopédie, et les deux associés donneraient naissance à un ‘’Institut Universitaire Paramédical’’ avec ses sciences infirmières, sociales, rééducationnelles, etc.

Le corollaire logique et immédiat sera d’avoir l’ambition de faire du site de l’hôpital Fann, le plus grand Centre Hospitalo-Universitaire d’Afrique sub-Saharienne. Son vaste patrimoine foncier, le second après celui de l’aéroport de Dakar, s’y prête. Presque tous les étudiants seraient logés au niveau d’un campus social, rénové, assaini, modernisé, sécurisé et humanisé. L’intérêt, étant de rendre proches leurs lieux de formations théorique (les Facs) et pratique (l’hôpital Fann, notamment celle du savoir-faire, au lit du malade). Ce nouveau type de CHU Fann aura toutes les spécialités médico-chirurgicales de niveau 3 de qualité. Il accueillerait les ex-services de l’hôpital Le Dantec (qui, ne devrait plus exister ; voir plus loin). Cela éliminerait ainsi le facteur transport pour ces étudiants, sécurisant leur travail quotidien, et de nuit et week-end (gardes et astreintes).

En outre, même l’actuel bâtiment abritant le Ministère de la Santé, dans ce schéma, devrait être cédé (vu sa localisation, son architecture et son agencement) à un ‘Institut Ouest-Africain de Recherches Bio-Médicales’ dédié à la recherche fondamentale et appliquée scientifique, médicale et pharmacologique. Ainsi on aurait, pour les Sciences de la Santé, un groupe de sites d’enseignements théoriques : Université de Sciences et Sciences de la Santé, un hôpital de référence 3, site de formation pratique et un centre de recherche international. Cette géographie va dans le sens de la trilogique : enseignement-soins-recherche, avec un campus social logeant ses apprenants et des enseignants naviguant dans ce triangle avec plus de souplesse, d’économie et fédération efficace des moyens.
 
Oui pour des pôles universitaires sous les auspices d’Académies régionales.
 
L’idée de créer des Universités et Centres Universitaires Régionaux hors de Dakar est une nécessité vitale. A l’instar des Etablissements de soins, l’enseignement doit se rapprocher des endroits où habitent les ayant-droits et ceux qui doivent en bénéficier. Les filières académiques spécialisées ou thématiques doivent se faire dans les environnements propices à leur mise en application. Ainsi, les Universités actuelles et futures pourraient être agencées de différentes façons. Celle que nous proposons (à discuter) serait : 1/ Académie du Cap-Vert (regroupant UCAD, 2e Université de Dakar et les Universités et Instituts Supérieurs publics et privés situés dans la région de Dakar). 2/ Académie du Centre (Université de Thiés, Université de Bambey, Université de Diourbel, Université du Sine-Saloum à Kaolack) ; 3/ Académie de la Casamance (Université de Ziguinchor et autres créations ?). ; 4/ Académie du Nord (Université Gaston-Berger de Saint-Louis et toute autre création au Nord et à l’Est). Eventuellement, à long terme Tambacounda ? Des filières spécialisées devraient y être domiciliées et pourraient advenir en fonction de l’intérêt mutuel que l’Université aura avec l’environnement loco-régional (industries, sociologie, environnement, etc..). Pour ce qui concerne le secteur de la santé, il faut se rappeler, quel que soit le souci légitime de création de nouvelles Universités et UFR de santé, que la médecine et les soins, nous le redisons, s’apprennent au lit du malade.
 
Créer une UFR de Santé sans que dans son environnement immédiat n’existe un Centre Régional Hospitalo-universitaire (CRHU) de niveau référentiel 3, est inconcevable.
 
Comme me le rappelait un aîné Universitaire, philosophe, et comme le lui dit un jour un ancien Doyen de Médecine, « un philosophe mal formé sera juste un mauvais prof de philo ; mais un médecin mal formé sera un criminel en puissance ». Les erreurs dans le domaine de la santé ne se quantifient pas en termes monétaires, ou en procès perdu ou en faute de style, mais en vies perdues ou gâchées physiquement et mentalement. La prise de risque n’est pas admissible.

La formation bâclée, non pratique ou pas rigoureuse d’un agent de santé est délétère à terme. Quand nous encadrons nos étudiants en Médecine lors des visites hospitalières, certains groupes de stagiaires, dans certains services, ne peuvent plus tenir dans certaines salles de malades. C’est ainsi que, dans l’état actuel, il est impérieux de diversifier l’offre de services partout dans le pays et d’élever le nombre de Services spécialisés et par conséquent en ressources humaines de rang magistral, assistants hospitalo-universitaires, paramédicaux et personnels techniques, en nombre et en qualité. L’hôpital régional de Thiès et l’hôpital régional de Saint-Louis devraient rapidement devenir des Centres Régionaux Hospitalo-Universitaires car leurs jeunes UFR-Santé sont entrain d’atteindre le niveau du cursus où les étudiants en médecine (excellents car bien sélectionnés pour leur entrée à ces UFR-Santé), arrivent aux cycles où l’exercice quotidien de la médecine en fera (ou pas) de bons praticiens, en plus du savoir théorique qu’ils auront acquis. Tout nouveau projet qui ne prendra pas en considération cette réalité et celle de la masse critique réelle des enseignants potentiels résidants et stabilisés on-site, serait chimérique.
 
CHU, CHR et carte sanitaire
 
La mouvance logique et rationnelle est de rapprocher les offres de soins des populations. Dans le passé, dominé par les maladies infectieuses et l’absence de moyens thérapeutiques adéquats (antibiotiques, vaccins, etc..), la logique voulait que les établissements soient, pour des rasions sanitaires voire de quarantaine, éloignés des habitations (léproserie, hôpitaux hors de la cité). C’est ce qui explique que l’hôpital Le Dantec et l’Institut Pasteur (à vocation infectiologique) étaient bâtis ‘au bout’ de la ville de Dakar, sur un site aéré loin des ‘populations ‘indigènes’ qui, habitaient la Médina. Les pathologies et l’épidémiologie ont changé. Les moyens se sont extraordinairement enrichis. La taille des populations a été multipliée par quatre en 60 ans. Nous ne pouvons ne pas nous adapter en conséquence.

Pour Dakar centre-ville, compte tenu de la présence de plusieurs établissements qualifiés de soins, publics et privés, ayant un impact évident sur la santé publique de populations nanties ou prises en charge par leur assurance, et de l’existence d’un grand hôpital public de niveau CHU 3 (hôpital Principal, à administration militaire, et à vocation nationale et internationale), le maintien d’un hôpital Le Dantec qui, ne répond plus à sa vocation première et aux standards requis, ne se justifie plus.

En plus des raisons médico-historiques, les patients de cet hôpital ne viennent généralement pas de ses environs géographiques immédiats. Ils proviennent, pour la majorité des régions, de la banlieue de Dakar et de certains quartiers (moins nantis) de Dakar. L’hôpital Le Dantec vient d’avoir cent ans. Il a joué un rôle majeur dans l’histoire de la médecine et de la santé au Sénégal et en Afrique francophone, en formant les premiers et d’éminents médecins et professeurs de plusieurs générations et de plusieurs pays. Nous lui devons beaucoup. L’ex-fleuron a vieilli. Mais nous devons évoluer et progresser, en laissant la bandoulière sentimentale qui risque de ne plus lui donner de perspectives. Ce n’est pas viable.

Ce n’est pas logique, ni sanitairement, ni socio-économiquement. Faire du rafistolage sur ce site n’est pas indiqué. Mettre 75 milliards à ‘retaper’ Le Dantec serait illogique, irrationnel et injuste. Illogique car la mouvance internationale appliquée dans les pays qui réfléchissent à l’avenir en apprenant des expériences passées, en analysant scientifiquement l’actualité pour faire de la prospective, et le développement attendu de la télémédecine, vont dans le sens de réduire la durée des hospitalisations, développer la prévention, et réserver l’hôpital aux urgences et aux diagnostics spécifiques du court et moyen terme. Et prévoir en annexe, des services de long séjour pour les affections chroniques à soins coûteux qui se développent à grande vitesse. Irrationnel car ne répondant plus aux contextes historico-sanitaires qui avaient prescrit sa création par le colonisateur Français.

Aucun habitant du centre-ville de Dakar, ayant les moyens et le choix ne va consulter ou se faire hospitaliser à Le Dantec. Injuste car, comment peut-on laisser 80% de la population sénégalaise continuer à souffrir de l’inaccessibilité aux structures de soins de proximité et de qualité, en continuant à leur imposer, pour atteindre Le Dantec, de traverser leur Région, puis Rufisque, Thiaroye, Pikine, les avenues embouteillées de Dakar afin d’accéder à l’extrémité Est de sa presqu’île. Ce n’est pas juste. Personne ne mérite, en 2013, un tel parcours du combattant…malade. Plus rien ne justifie d’avoir deux grands hôpitaux au Centre-ville de Dakar, zone la moins peuplée de toute la presqu’île du Cap-Vert. Un sondage démontrerait que la très grande majorité des professionnels de la Santé partagent cet avis.

Plusieurs cadres de la santé ont eu à suggérer ces idées aux successifs Chefs d’Etat sénégalais depuis le Président Senghor, et depuis 45 ans. L’hôpital Principal, enrichi et complété d’autres spécialités médico-chirurgicales qui lui manquent aujourd’hui, suffit à ce secteur géographique, tout en jouant un rôle majeur dans la pyramide sanitaire nationale et dans la formation et la recherche médicales. Les autres secteurs de Dakar disposent d’établissements de soins qui, ont l’avantage d’exister, mais qui méritent un renforcement de leurs plateaux techniques, de leurs ressources humaines et de leurs services d’accueil et d’urgences : Abass Ndao, Grand-Yoff, Polyclinique, Ouakam, IHO et plusieurs Districts sanitaires, etc, auxquels sont accolées des cliniques privées. Et bien sûr Fann qui doit être un harmonieux CHU en arrêtant de le sectionner en ses 3 actuels hôpitaux internes en son propre sein (Fann lui-même, Albert Royer et récemment Ordre de Malte). En plus de cette illogique géo-structurelle, on assiste à une ‘banthoustanisation’ de ses Services emmurés et mal agencés entre eux (comme le décrit un de ses anciens directeurs), au lieu d’avoir une belle architecture logique, fluide et plus agréable à vivre. Ce dispositif décrit plus haut suffit largement à Dakar.

La justice sociale voudrait que la carte sanitaire en discussion pour le noble objectif d’accès universel aux soins, prenne grandement en compte les régions et la banlieue de Dakar par la finalisation des projets en cours et l’accroissement du nombre de structures de santé. Le site de Le Dantec devrait subir l’une ou l’autre parmi les options suivantes : i/ si pour des raisons historiographiques, le site devait être préservé, il vaudrait mieux y abriter le Ministère de la Santé (qui libérerait ses actuels locaux pour en faire un Institut de Recherches Biomédicales, voir plus haut) ; ii/ le vendre au prix le plus fort, au seul profit de l’Etat et pas d’intérêts individuels ou particuliers, et financer avec ce produit les projets de Centres Hospitaliers Régionaux et les projets régaliens de la nouvelle carte sanitaire pour qu’enfin, nul ne meure de sa maladie, car n’ayant eu accès, géographiquement ou financièrement à des soins adéquats. Quel que soit son lieu d’habitation. Les structures de soin doivent se situer à distances raisonnables des habitations des gens. A terme, chaque capitale de Région administrative devrait, à terme, disposer d’un excellent Centre Hospitalier Régional complètement doté de toutes les spécialités médico-chirurgicales et équipées au meilleur de ce qui existe au monde.

La pyramide sanitaire appliquée au Sénégal est dans ses grandes composantes, rationnelle et conforme aux indications de l’OMS. Il suffit simplement de mettre en application, par des constructions nouvelles de cases de santé, centres de santé, d’hôpitaux de District à dimension moyenne, dans chaque département, et de Centres Hospitaliers Régionaux dans chaque capitale régionale. Pour les villes à UFR-Santé, (Thiés et Saint-Louis et plus tard Ziguinchor quand les moyens humains, infrastructurels et équipementaux s’y prêteront) des Centres Hospitalo-universitaires Régionaux. Sans oublier, en plus des actuels projets en cours de réalisation, Rufisque, Mbao et alentours, pour leur densités humaines et aussi Tivavouane et Touba qui, malgré leur statuts administratifs ont des réalités sociodémographiques qui requièrent, comme Thiès, d’avoir plus d’un Centre Hospitalier.

Avec 75 milliards, on peut construire et équiper entièrement cinq (5) Hôpitaux Régionaux (CHR) ou de proximité dotés de toutes les Unités spécialisées de diagnostic (toutes consultations et investigations), d’hospitalisation (d’environ 200 lits) et de structures d’urgence. Ayons aussi à l’esprit que dans le même temps, la médecine privée et la médecine ambulatoire se développent et participent à répondre à la couverture sanitaire des populations. En plus des mécanismes internes qui peuvent être intelligemment mobilisées (Etat, Collectivités, Mutuelles, Diaspora, Assurances, Entreprises qui ont tous intérêt à ce que les individus soient en bonne santé), il faut savoir qu’il existe actuellement dans le monde suffisamment d’organismes spécialisés dans le financement des projets de santé (public et privé) à des taux d’intérêt préférentiels de 1,5 à 2,5 %. En les captant, cela contribuerait à atteindre les objectifs étatiques et privés de Santé publique.

En outre, l’objectif de la performance et de la bonne pratique  impose que tout établissement public ou privé de soins, soit inspecté, évalué et noté par un corps d’Inspecteurs de la Santé. Des cadres de la Santé, ayant une certaine indépendance financière et morale, étant à la retraite après de hautes fonctions exercées à l’OMS ou dans des structures étatiques, et des professionnels de l’hygiène et la sécurité hospitalières, pourraient jouer ce rôle, à titre contractuel. Notre pays doit avoir l’ambition de faire certifier et accréditer ses structures de soins (voire d’enseignement) selon les standards internationaux de qualité édictés par ‘Joint Committee International’ (JCI) ou ISO. Aucun établissement sanitaire n’a, à ce jour, dans notre pays, une de ces certifications/accréditations. Nous devrons nous y atteler pour notre propre population et aussi si nous voulons positionner et développer la destination Sénégal pour le ‘Tourisme médical’ qui est devenu un énorme enjeu économique et géostratégique mondial. Nous ne pouvons rater de telles opportunités avec toutes les potentialités dont dispose notre pays : position géographique, stabilité, qualité des ressources humaines, prestige (malgré tout et fruit de nos exigences séculaires légitimes), de nos Universités et Institutions sanitaires. Ce corps d’Inspecteurs de la Santé devrait aussi s’intéresser aux multiples «écoles d’Infirmier(e)s » qui prolifèrent à foison sans que nul ne sache la valeur de ce qui y est fait et qui mettent sur le marché des promotions de paramédicaux, hors circuits étatiques ou contrôlés.

Les jeunes médecins et paramédicaux Sénégalais, par une politique d’incitation (comme cela se fait dans certains pays) comprenant :
i/ octroi de bourse pour leur formation spécialisée pendant 4 ans lui permettant de la mener sereinement et indexé selon le statut matrimonial. La récente décision du Ministère de la Santé de débloquer 150 millions de francs pour financer la spécialisation des médecins sénégalais est à saluer. Elle permettra ainsi d’équilibrer le taux des nationaux dans nos filières de spécialisations médico-chirurgicales où 8 à 9 étudiants sur 10, actuellement, sont originaires d’autres pays Africains (ce qui est à l’honneur du Sénégal, mais installe un déficit chronique en spécialistes chez nous (actuellement 1 spécialiste pour 800.000 à un million d’habitants, au lieu de 1 spécialiste pour 100.000 ou par 50.000 selon la spécialité, recommandé par l’OMS);
ii/ Affectation de l’ancien boursier formé dans un Centre Hospitalier Régional avec un engagement décennal au minimum ;
iii/ octroi d’un logement de fonction et d’un prêt-véhicule payable sur 10 ans ;
iv/ prise en charge de voyages d’études et de perfectionnement, tous les 2ans (comme pour les universitaires) afin de maintenir la qualité des prestations. La coopération internationale offre aussi, pour cela, plusieurs opportunités ;
v/ inspection semestrielle de la qualité des services et du personnel. Non seulement ces mesures auront une utilité sanitaire directe sur les populations (qui n’auront pas à faire des centaines ou des milliers de kilomètres, avec leur famille, pour juste voir un médecin ou un spécialiste à Dakar), mais cela favorisera l’épanouissement personnel, professionnel et familial des praticiens et aura un impact de développement loco-régional. Les besoins induits et les réponses qui leur seront apportées seront une source extraordinaire de développement socio-économique car créant de nouveaux services utilitaires (immobiliers, mobiliers, alimentation, écoles, commerces, sécurité, personnel de services, infrastructures, équipements, etc…) bénéfiques pour toute la communauté. Le nombre croissant d’étudiants en médecine trouverait aussi des terrains fertiles d’apprentissage et de stage.
 
Conclusion : Aucune nation ne peut se développer sans une bonne éducation donnée à ses enfants en bonne santé. Rappelons qu’éducation vient de ex-ducare : instruire et former (l’enfant) pour ‘sortir de la maison’, aller vers le groupe social et affronter les réalités). Notre pays regorge d’une quantité de femmes et d’hommes compétents, et de grande qualité intellectuelle et morale qui ont envie que de vivre et travailler dans les meilleures conditions possibles. Depuis des décennies, elles et ils sont sous-utilisés, découragés, noyés et ‘pollués’ par une ambiance politicienne où le plus logorrhéique, le plus impétueux finit par avoir pignon sur rue. Nous avons la fâcheuse habitude d’éteindre les incendies, au lieu d’en anticiper la genèse.

Chaque année et depuis 3 décennies, les mêmes raisons entraînent, cycliquement, les mêmes grèves et troubles. Il est possible, par les études prospectives (réalisées) de savoir exactement le nombre de salles de classes, de lits de soins dont la population Sénégalaise aura besoin dans 10, 30 ou 50 ans. Nul esprit honnête ne peut nier que des efforts considérables ont été faits en matière de construction d’amphithéâtres, de centres de santé, d’hôpitaux, etc… Malgré tout, nous avons encore beaucoup à faire pour notre pays qui, n’a que 13 millions et demi d’habitants (stoïques, croyants, travailleurs si les conditions sont réunies), donc moins d’habitants que certaines grandes villes du monde. Nul, quelle que soit sa compétence, ne détient seul, la vérité.

Divers avis doivent être intelligemment suscités et recueillis. Des échanges sereins, ouverts jailliront des perspectives claires et ambitieuses pour le développement harmonieux et durable que nous souhaitons pour notre pays. Chacun de nous en porte le rêve et la capacité intrinsèque. La richesse du potentiel humain dont dispose le Sénégal s’y prête. Bien et mieux utilisé par leur propre pays et grâce à une volonté politique courageuse et hardie, les compétences nationales sont capables de magnificence. Nos ressortissants excellents quotidiennement sous plusieurs autres cieux, à travers le monde. Puissent les futures ‘concertations’ qui s’ouvriront au sein de ces deux secteurs fondamentaux de tout développement humain et sociétal (éducations et santé) en planter les germes et que des idéaux sains et constants de travail, de solidarité et d’excellence en constituer la gardienne des fruits récoltés et justement et durablement partagés.
 
Par   Amadou Gallo DIOP
Professeur Titulaire des Universités ; Agrégé de Neurologie
Docteur en Médecine , Docteur ès-Neurosciences, Diplômé en Santé Publique et Promotion de la Santé

SOURCE :http://www.sudonline.sn/universites-sante-et-perspectives-de-developpement-durable_a_11973.html

 

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