Makhtar Diop, vice-président de la Bm : «L’Afrique peut faire sa révolution énergetique»
Écrit par SENETOILE NEWS
Les projets énergétiques que la Banque mondiale a financés dans le Nepad, leurs impacts sur les économies des pays africains, l’importance des institutions régionales fortes, entre autres. Makhtar Diop évoque toutes ces questions dans cette deuxième partie de l’entretien qu’il a accordé au Quotidien le vendredi dernier, au siège de la Banque mondiale au Sénégal, en présence de notre consœur de Rfi. Le vice-président de la Banque mondiale pour la région Afrique rappelle que l’une des priorités fondamentale du Nepad, c’est non seulement d’accroître le niveau des infrastructures en Afrique, mais aussi de se centrer sur la question de l’énergie, qui constitue une des barrières de la croissance en Afrique.
Est-ce que vous pouvez nous dire un mot sur les projets que la Banque mondiale finance dans le cadre du Nepad concernant l’énergie ?
Nous avons financé un certain nombre de projets qui sont des projets prioritaires définis par l’Union africaine à travers le Pida (Programme de développement des infrastructures en Afrique). ce sont des projets qui ont été articulés à travers le Nepad. Une des priorités fondamentales du Nepad, c’est d’accroître non seulement le niveau des infrastructures en Afrique, mais aussi de se centrer sur la question de l’énergie qui constitue une des barrières de la croissance en Afrique. Dans ce cadre nous considérons qu’il est important d’utiliser les ressources dont l’Afrique bénéficie, notamment l’eau. Une des grandes parties des ressources hydriques de l’Afrique ne sont pas utilisées dans le cadre de la production énergétique. Nous avons ainsi décidé d’accompagner les pays dans ces efforts. Il s’agit des projets comme Inga, qui est le projet le plus important. Il permettra dans sa première phase, de produire plus de 3 Gigawatt d’électricité, qui seront distribués de manière équitable. Le grand Kinshasa en prendra environ 1 gigawatt d’électricité. Le second tiers sera utilisé pour la production d’aluminium dans la région et l’autre tiers sera exporté vers l’Afrique du Sud. Pourquoi des projets de cette nature ? L’Afrique peut faire sa révolution énergétique de manière verte. Nous avons une possibilité de combler non seulement, le déficit énergétique, mais également de le faire sans pour autant augmenter la pollution au niveau mondial et ainsi avoir un effet néfaste sur le changement climatique. Donc ces deux piliers sont essentiels dans le plan stratégique de la Banque mondiale, les biens publics globaux tels que le changement climatique et la question de la réduction de la pauvreté. C’était la raison pour laquelle nous appuyons des projets comme Inga qui vont transformer la situation économique de nos pays en création d’emplois, mais également à aider à accroître l’accès des populations les plus défavorisées à l’électricité et à des coûts beaucoup moins onéreux. Dans nos pays, le coût de l’électricité est encore très élevé en comparaison aux autres parties du monde.
A quoi peut-on s’attendre si ce type de projet est mené à terme, quel impact aurait-il dans l’économie locale ?
Je vous donne un exemple, un des grands barrages qui est en construction actuellement en Ethiopie permettrait de générer le coût du Kilowatt autour de 6 à 7 cents. Aujourd’hui certains pays produisent à coût de 50 cents. Vous voyez la différence, elle est énorme. Et ce sont les pays les plus pauvres d’Afrique, ce sont les pays qui sortent de conflits qui sont obligés d’importer du mazout et de produire sur la base du diesel et d’autres sources énergétiques de l’électricité à un coût très élevé. Nous voulons sortir de ce cycle qui réduit la compétitivité des économies africaines, la capacité de création d’emplois, d’exporter mais également la réduction du bien-être des populations. Quand on parle de cela, on ne parle pas seulement des grandes entreprises internationales qui vont s’installer dans nos pays, on parle des Africains moyens, de la personne qui a son petit atelier de couture au coin de la rue, de celle qui a un atelier de construction mécanique dans un quartier et qui ont besoin d’électricité à un coût beaucoup moins élevé, pour pouvoir augmenter leurs revenus. Il s’agit de faire tout cela, nous avons aussi insisté sur une amélioration du système de distribution, parce qu’il ne s’agit pas seulement de produire l’électricité à un coût bas, mais il s’agit également d’avoir des entreprises de distribution d’électricité, qui soient efficientes, qui soient bien gérées et qui puissent permettre d’avoir un accès à l’électricité pour ces populations pauvres, défavorisées. Pendant que nous travaillons sur la question de la production de l’électricité, nous travaillons en même temps sur celle de la distribution, afin qu’il y ait de la bonne gouvernance dans ces entreprises de distribution, qui a souvent été un problème important. Enfin nous travaillons pour des solutions régionales qui permettent de maximiser le potentiel de certaines sous-régions africaines en termes de production. Nous finançons le transport de l’électricité à travers ce qu’on appelle le West africa power pool qui regroupe un certain nombre de pays qui sont liées par la même source de production énergétique.
Comment se fait-t-il que ces projets prennent autant de temps à être mis en œuvre ?
Il y a beaucoup d’éléments, il y a eu différentes phases dans l’évolution des économies de nos pays africains. Quand ces projets étaient élaborés, certains pays n’avaient pas une situation financière qui était stable. Donc nous avons une croissance qui a été soutenue plusieurs fois en Afrique avec une amélioration des finances publiques et des agrégats macro-économique. Le second élément c’est que les pays ont commencé à créer des réformes sur le monde des affaires qui a rendu la destination Afrique de plus en plus attrayante pour les investisseurs privés. Il y a 15 ans de cela, les investisseurs privés n’avaient aucun intérêt de mettre des ressources dans certains secteurs en Afrique, parce qu’ils percevaient que le risque macro-économique, le risque politique étaient trop élevés. Aujourd’hui, compte tenu de l’évolution de la situation de l’Afrique, nous avons eu des changements majeurs dans ce domaine, qui donnent beaucoup plus de confiance aux investisseurs. Troisièmement, il y a eu une phase de la liquidité sur le marché international, parce qu’il y a eu un peu moins de sots investissements dans les pays les plus avancés de l’Ocde. Certains d’entre eux avaient connu une crise financière en 2008 qui a rendu leur actif un peu moins attractif. De plus en plus on voit les investisseurs privés, des fonds d’investissements qui trouvent la zone Afrique comme une destination plus sûre. Le dernier point c’est qu’il y a une volonté plus marquée que par le passé des dirigeants africains de trouver des solutions régionales. Je pense que ce qui se passe aussi bien en Afrique de l’Ouest qu’en Afrique de l’Est à travers l’Uemoa, la Cedeao, Est africa community ou la Cadec sont des éléments qui montrent qu’il y a des efforts à avoir des solutions régionales. Tous ces facteurs contribuent maintenant à une accélération de la mise en œuvre de ces projets qui a tardé à cause de ces différents facteurs que je viens de mentionner.
Comment ça se passe avec les projets sous régionaux qui parfois impliquent 2 ou 3 pays, est ce que là ce n’est pas plus le côté financier que le coté réglementaire ?
Je vais vous donner l’exemple de Banda qui vient d’être approuvé, qui est un projet qui regroupe plusieurs Etats, notamment la Mauritanie, le Sénégal et le Mali. C’est un projet phare pour plusieurs raisons. Il y a une volonté de transformer des ressources naturelles en électricité, la Mauritanie a du gaz offshore, au lieu de l’extraire et de l’exporter de manière brut, il y a cette décision stratégique de transformer son électricité et de l’exporter dans la sous-région. Ainsi, aider la Mauritanie elle-même à réduire son déficit énergétique et avoir des pays de la sous-région qui bénéficient de cela. Qu’est-ce que nous avons fait en tant que institution au niveau de la Banque mondiale ? Nous avons utilisé nos instruments de garantie, notre branche privée. En tant que groupe, nous avons approché les autorités des trois pays et nous avons offert le confort à travers nos garanties aux différents Etats d’avoir des relations contractuelles à long terme. Le Sénégal va importer de l’électricité de la Mauritanie, avec une garantie de la Banque. Le Mali va faire de même et tout ça va aller sur le réseau régional. Pour ce faire, il y avait la ligne de transmission entre le Sénégal et la Mauritanie qui ne supportait pas les quantités qui devaient être transportées de la Mauritanie au Sénégal. Et des partenaires au développement autres que la Banque mondiale, notamment la Bid et l’Afd ont décidé de se joindre à cet effort et de financer la ligne de transmission. Nous avons une collaboration de l’ensemble des institutions de financement de développement. Nous avons une coopération au niveau des Etats et nous avons une transformation de ressources naturelles en produits que je dirai finis. Nous souhaitons que ce modèle soit reproduit dans d’autres parties de l’Afrique. Nous sommes déjà en discussion avec par exemple les autorités du Ghana, qui pensent à faire quelque chose de similaire
De plus en plus ces Etats commencent à se tourner vers d’autres bailleurs potentiels notamment du côté des pays arabes. Est-ce que vous percevez cette orientation ?
C’est excellent! Je crois que les besoins sont énormes en Afrique. Le Groupe de la Banque mondiale ne peut pas à lui seule couvrir l’ensemble des besoins des pays. Nous travaillons main dans la main avec nos collègues de la Banque africaine de développement (Bad). C’est la raison pour laquelle ensemble et avec le secrétariat du Nepad, nous allons aider la réunion qui se passera ce week-end sur le financement des infrastructures. Et c’est vraiment une solution gagnant-gagnant. Je travaille beaucoup avec la Chine, qui récemment a fait un financement parallèle avec la Banque mondiale en Afrique pour une route qui lierait le Kenya au Sud Soudan. Nous travaillons avec la Bid dans le sahel. Nous travaillons avec l’Afd et l’ensemble des bailleurs de fonds. C’est une fausse problématique, que de mettre les bailleurs de fonds en concurrence. Je crois que les besoins sont énormes. Le plus important, c’est que nous sommes là pour servir les pays et répondre aux priorités. Si nous pouvons accomplir cela ensemble ce serait mieux.
Des efforts ont été consentis par la Banque mondiale dans le cadre de l’Organisation pour la mise en valeur du fleuve Sénégal (Omvs). Est-ce que les résultats escomptés ont été atteints ?
Oui ! Je crois que dans le cadre de l’Omvs, vous avez tout à fait raison d’y insister. Je crois que tous ces projets ne se développeront que si nous avons des institutions régionales fortes. Je pense que le vecteur de coordination, l’élément de cohérence, ce seront les institutions sous régionales. Par exemple, la ligne de transmission n’était pas suffisante pour transporter l’ensemble de la production d’électricité. Nous avons travaillé avec l’Omvs pour aider à mettre en place une autre ligne de transmission d’électricité entre la Mauritanie et les autres pays de la sous-région. Donc, je suis tout à fait de votre avis. Au-delà de l’énergie, nous pensons faire la même chose avec l’agriculture, le pastoralisme. Tous ceux-là seront des solutions régionales et nous pensons que sans ces solutions régionales il sera difficile d’accélérer le rythme de croissance que nous espérons dans la sous-région.
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SOURCE:http://www.lequotidien.sn/index.php/component/k2/item/32190-makhtar-diop-vice-pr%C3%A9sident-de-la-bm--l%E2%80%99afrique-peut-faire-sa-r%C3%A9volution-%C3%A9nergetique
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