Etant une de ces principales politiques de santé dont l’objectif phare en 2017 est d’en faire bénéficier à 75 % des sénégalais, la CMU est bien intégrée dans nos préoccupations. Sud Quotidien a fait un premier point à travers quelques régions dont celle de la capitale. Ce dossier de fin d’année et de perspectives 2016 plonge de manière générale sur les questions qui placent la CMU au centre de la politique de gratuité. L’état des lieux n’est reluisant, même si des espoirs sont permis selon les différents intervenants qui se sont prononcés sur la pérennisation de cette formule, après avoir, bien sûr, réussi à lever tous les obstacles et dysfonctionnements constatés après une année seulement de mise en œuvre.
DAKAR : Entre appréhensions et déceptions
N’est pas établie chez bon nombre de populations qui se demandent toujours comment faire pour en bénéficier. Partagées entre manque d’informations et déception dans le processus de la mise en œuvre de la (Cmu), certaines personnes rencontrées soutiennent qu’il n’y a que la consultation qui est gratuite dans les postes, centres, districts et hôpitaux.
«Il faut impérativement payer pour être soigné. Je me suis rendue à plusieurs reprises au centre de santé des Hlm, bien qu’on ait soigné mon fils, les médicaments ont été achetés à nos propres frais » a renseigné Mariama Sylla habitant la localité. Même son de cloche, chez Anta Seye. « Les consultations sont presque insignifiantes dans ces établissements sanitaires, mais ce qui est important, c’est les médicaments qui coûtent très chers » a-t-elle souligné.
Et Modou Gadiaga de renchérir : « il n’y a que les consultations qui sont gratuites, il faut payer pour les analyses, payer pour la radiographie. C’est très couteux la santé». Selon toujours M. Gadiaga : « certes la Cmu est une bonne chose dans sa conception, mais dans la mise en œuvre, elle bute sur plusieurs failles dont les ressources financières pour prendre en charge tous les enfants âgés de 0 à 5ans. Il y a aussi que la communication ne passe».
Au district de santé, Gaspard Camara que nous avons visité, les médicaments sont disponibles et des patients viennent s’y ravitailler. « Mon fils est malade, je l’ai amené à Grand Yoff au poste de santé, les médecins m’ont orienté ici, à Gaspard Camara. Quand je suis arrivée, ils l’ont soigné et mis à ma disposition des médicaments. Je rends grâce à Dieu pour cette action » a déclaré Aminata Sarr, la trentaine. Et de poursuivre : «je suis issue d’une famille très pauvre, mes revenus sont très faibles, peut être que s’il n’y avait pas la couverture maladie universelle, je pourrais perdre mon enfant». Du coté de la santé, pour d’autres il y a un problème d’information, mais la couverture est aujourd’hui une réalité au Sénégal. «Il y a une certaine pyramide sanitaire à respecter pour bénéficier de la gratuité, si ce n’est pas fait, c’est ce qui amène que certains n’en bénéficient pas » lance un médecin du district qui a préféré garder l’anonymat pour la simple raison qu’il n’est habilité à communiquer sur cette question.
L’autre aspect de la couverture maladie universelle reste l’installation des mutuelles de santé. Selon plusieurs personnes, elles ont eu écho de la question, mais à savoir où se rendre ou à qui s’adresser. Par contre quelques personnes estiment que la somme de 3500cfa est très élevée pour ceux qui doivent faire prendre en charge quatre enfants et plus de leurs familles.
KAOLACK : La sensibilisation, principal défi à relever
L’horizon 2016 de la couverture maladie universelle (Cmu) s’avère prometteur pour la plupart des acteurs de cette nouvelle forme de prise en charge en matière de couverture maladie. Un optimisme quasi-général règne dans la région de Kaolack dont le bilan de l’année écoulée est positif.
Cependant, malgré une population d’adhérents aux mutuelles de santé supérieure à 45.000 personnes, le taux de pénétration reste encore faible par rapport aux objectifs de l’Etat de porter d’ici 2017 la couverture maladie à 75 %.
Dans le cadre du programme des bénéficiaires de bourses de sécurité familiale (Bsf) et des fonds d’appui aux bénéficiaires de mutuelles, le montant alloué par l’état dépend du nombre de bénéficiaires recensés chaque année. Ce qui explique que ces organisations aspirent à disposer de moyens accrus de sensibilisation pour multiplier les adhésions. Car, tout en s’appropriant cette volonté de l’Etat de permettre aux plus pauvres d’accéder aux paquets de services sanitaires, ces organisations butent sur l’ignorance ou le déficit en communication auprès des masses. Ainsi pour certains gérants de mutuelles, il est devenu une nécessité que les collectivités apportent leurs soutiens aux mutuelles locales en les appuyant financièrement, en leur octroyant des sièges et surtout en les accompagnant dans la sensibilisation pour mieux vulgariser le programme couverture maladie universelle (CMU).
Les acteurs de la Cmu déplorent surtout que la plupart des populations analphabètes peinent à bénéficier de la gratuité prônée par l’Etat. C’est l’exemple notamment avec le « Plan Sésame » et le CMU qui font souvent défaut dans certaines structures sanitaires où quelques agents véreux profitent de cette ignorance pour leur faire payer le service.
L’EQUIPEMENT, FACTEUR DETERMINANT DE LA CMU
A Kaolack, outre la demande de disposer d’une autre structure pour désengorger l’hôpital sous-régional El Hadji Ibrahima Niasse et de donner aux nombreux patients la chance de rencontrer un médecin sans attendre plusieurs mois, il est aussi de mise de renforcer la structure existante en personnel qualifié et de relever son plateau technique. Il s’agit également de mettre fin aux ruptures constantes de médicaments dans ce centre hospitalier. Les tenants de mutuelles estiment que même si la disponibilité des moyens financiers est avérée pour la CMU, la prise en charge des malades peut être insuffisante face à ces manquements. Les mutualistes estiment toutefois que seule la population locale peut changer l’offre en s’impliquant dans ce nouveau système de prise en charge médicale, tout en réclamant de sévères sanctions contre tout agent de santé qui refuse d’appliquer les directives définies par l’Etat.
KOLDA : La gratuité menacée par les lenteurs de remboursement et les ruptures de médicaments
A Kolda, la gratuité pour les enfants de 0 à 5 ans est une réalité ainsi que la césarienne pour les femmes. Au niveau de toutes les structures sanitaire du Fouladou, la Couverture Maladie Universelle(CMU) initiée par les autorités est bien en marche. Mais elle est menacée par les retards dans le remboursement des prestations pour des structures sanitaires qui vivotent toujours dans une précarité paralysante. Coup d’œil sur cette ambition majeure du président Macky Sall qui connait des difficultés sur le terrain.
Il est 9h 17mn ce jeudi matin devant le district sanitaire de Kolda. Khady vient d’y sortir avec son garçon de deux ans. L’enfant avait une forte fièvre et l’infirmier vient de le consulter. Une ordonnance lui est prescrite. Khady est obligée de se tourner vers une pharmacie privée car les produits sont épuisés au niveau du district. Elle sait néanmoins que si le produit était disponible, elle pouvait en faire bénéficier gratuitement à son enfant. Car, pour les enfants de 0 à 5 ans, pas de ticket et les médicaments prescrits sont donnés s’ils sont disponibles.
A l’intérieur certains membres de l’équipe du district que nous avons interpelés sur la gratuité du médicament saluent mais souhaitent voir des améliorations pour les ayants droits. Car pour le département de Kolda en plus du district, les 24 autres postes de santé appliquent les mesures, chaque structure selon sa spécificité et ses moyens. La difficulté majeure reste la lenteur des remboursements des prestations par l’état. Depuis le mois de juillet dernier, en effet, aucun remboursement n’a été effectué et l’offre en pris un sacré coup. Les ordonnances délivrées ainsi aux patients se multiplient et les parents sont revenus très vite sur terre dans la débrouillardise à la recherche de moyens pour soulager leurs rejetons cloués au lit.
Au district sanitaire, Abdou Diatta chargé du suivi de cette stratégie reconnait que le retard dans le remboursement complique la prise en charge surtout au niveau de certains postes qui ne parviennent plus à payer le personnel communautaire. Mais aussi se réapprovisionner en médicaments. Plusieurs dizaines de millions sont attendus pour donner plus de tonus à toutes les politiques de gratuité.
A l’hôpital régional, en plus du plan sésame, la césarienne est gratuite. Que ce soit pour l’acte chirurgical que pour les médicaments pos opératoires. Mais si le médicament est indisponible, force est de faire payer la patiente. Pour les urgences aussi, la gratuité s’applique aux enfants de 0 à 5ans. Mais certains parents débarquent directement au centre de santé avec leurs enfants sans respect à la pyramide sanitaire. Ou même protestent contre les ruptures de médicaments soupçonnant parfois le personnel médical de vouloir les flouer.
Il reste que tous les acteurs impliqués reconnaissent que le succès de la Couverture maladie universelle passe par l’adhésion aux mutuelles de santé. A Kolda pratiquement chaque commune a sa mutuelle. Mais elles évoluent à des vitesses différentes. La mutuelle de Bagadadji et celle des artisans sont qualifiées de véritables modèles. La mutuelle communale de Kolda a été renouvelée récemment et le maire lui a affecté un local et mis un agent à sa disposition. L’objectif est d’y enrôler près de mille indigents de la ville.
Un travail de sensibilisation est abattu principalement par l’Ong institut panafricain pour la citoyenneté et le développement « CICODEV ». Selon son responsable régional Mamadou Malado Diallo, les réunions publiques, rencontres et plaidoyers auprès des différents leaders communautaires font que les enrôlements progressent dans les différentes mutuelles de santé. Cependant, il faut encore plus de moyens pour poursuivre le travail avec plusieurs autres acteurs pour que les populations du monde rural puissent vraiment se les approprier.
MBOUR : Les collectivités locales fortement impliquées
Le district sanitaire de Mbour compte 25 postes et un centre de santé et polarise les collectivités locales de Mbour, Ngaparou, Somone, Saly-Portudal, Malicounda, Nguékokh, les villages de Téne-Toubab et Djilakh de la commune de Sindia pour une population de 381 650 habitants. Concernant le dispositif social de la couverture maladie universelle, 14 mutuelles y sont constituées et totalisent 6000 adhérents.
La prise en charge de la santé des populations y connaît des mutations profondes à travers les nouvelles initiatives politiques notamment la Cmu (couverture maladie universelle). Selon M. Bodian, chargé de l’éducation pour la santé du district sanitaire de Mbour, La Cmu est maintenant bien connue dans l’espace polarisé. A l’en croire, plusieurs centaines d’adhérents profitent de la couverture des mutuelles. Il invite cependant à une vulgarisation continue de la Cmu pour une appropriation de cette initiative par les populations. Les pensionnaires des mutuelles de santé soutiennent pour leur part bénéficier des clauses de remboursement entre 50 et 80 % auprès des postes de santé et à l’hôpital en respect des conventions signées. Et M. Bodian d’afficher son optimiste suite à l’implication de toutes les couches sociales dans la sensibilisation.
« La forte implication des comités de santé qui prennent en charge le paiement de personnel de santé à travers le recrutement d’infirmiers et de sages-femmes est à saluer. » a poursuivi le chargé de communication qui plaide ensuite pour le relèvement des plateaux techniques des postes de santé et des maternités de Takhoum et Mboulème dans la commune de Malicounda. D’une manière générale, conclut-il, les autorités du district sanitaire sont donc satisfaites après la résolution des problèmes liés à l’évacuation des malades au centre de santé, grâce au pool d’ambulances aujourd’hui disponible pour référer rapidement les malades vers les structures de soins.
SEDHIOU : 125.897 enfants touchés dont 71.110 consultés et 54.787 vaccinés
La région de Sédhiou, à l’exemple du reste des autres ordres de circonscriptions médicales du pays a exécuté les différentes activités de la Couverture Maladie Universelle (CMU). Des sessions de formation, de sensibilisation ont eu lieu depuis le lancement officiel du programme. Au total, 125.897 enfants sont touchés dont 71.110 consultés et 54.787 vaccinés. Toutefois, d’autres efforts restent encore à réaliser pour élargir au plus lointain possible les offres tout en améliorant la qualité d’après quelques techniciens officiant à la base de la pyramide sanitaire.
Après le lancement du programme de la Couverture maladie universelle (CMU) dans la région de Sédhiou, une importance remarquable a été accordée à la sensibilisation des collectivités locales, des jeunes et des groupements de promotion féminine en vue d’une meilleure appropriation de cette
politique sanitaire, rassure la région médicale. Il s’en est suivi des sessions de formation des comités d’initiation de mutuelle de santé. Sur les 28 collectivités locales concernées, 18 en ont effectivement bénéficié soit une bonne dizaine à atteindre, renseigne la région médicale. Cette capacité a également touché les comités de restructuration des mutuelles aux fins d’une redynamisation notamment dans les communes de Sédhiou, de N’diamacouta, de Diana Malary, de Djirédji et de Bambaly.
Pour mieux impacter aussi dans les objectifs, il a été procédé à l’installation et à l’enrôlement des bénéficiaires des bourses de sécurité familiale dans le département de Goudomp. Globalement dans la région de Sédhiou, « 125.897 enfants âgés de 0 à 5 ans ont bénéficié de la gratuité des soins médicaux de janvier à septembre 2015. Pour octobre, novembre et décembre la situation n’est pas encore disponible » déclare les techniciens de la région médicale de Sédhiou. Parmi les 125.897 enfants, «71.110 ont bénéficié des consultations gratuites et 54.787 ont été vaccinés. Des efforts sont en cours pour améliorer la couverture» ont-ils encore précisé. En termes de mobilisation des finances, la région a reçu un montant de 168.963.900 F CFA pour l’exercice de 2015 avec une réalisation de 137.039.000F CFA soit un taux d’exécution de 81.10%, a-t-on appris de sources crédibles.
Cependant, des contraintes apparaissent quelques fois dans la mise en œuvre de ce programme si l’on en croit l’indiscrétion de certains infirmiers, qui, lors de leurs manifestations de colère, ne se font pas prier pour faire observer que « le retard dans le remboursement des charges de la CMU entraine de facto une tension dans le renouvellement des stocks. Ce qui est souvent à l’origine des complaintes des populations ». Toutefois, la région médicale de Sédhiou rassure que ce retard n’est plus fréquent et ajoute que « l’Etat est entrain de tout mettre en œuvre pour améliorer les stratégies de la CMU ». Et de recommander le renforcement de la sensibilisation des populations pour qu’elles s’approprient au mieux les offres de services de la CMU.
source:http://www.sudonline.sn/couverture-maladie-universelle-cmu_a_27930.html