Youssou Diallo, conseiller technique n°1 du ministre de l’Agriculture et de l’Equipement rural: « L’Etat ne peut pas laisser tomber une entreprise comme la Suneor »
Écrit par SENETOILE NEWSInterpellé sur les dysfonctionnements enregistrés durant cette campagne de commercialisation de la graine, Youssou Diallo, conseiller technique numéro 1 du ministère de l’Agriculture et de l’Equipement rural, souligne que le véritable problème réside au niveau de la Suneor qui a reçu beaucoup de dépôts à cause du manque de financement. Pour inverser la situation, l’Etat, a dit M. Diallo, est en train d’aider la Suneor à trouver encore un autre financement auprès des banques.
« L’Etat ne peut pas laisser une entreprise comme la Suneor tomber », a souligné d’emblée le conseiller technique numéro 1 du ministère de l’Agriculture et de l’Equipement rural. En effet, après avoir reconnu les dysfonctionnements notés en début de campagne dans la commercialisation, Youssou Diallo a précisé que cette situation est due, en partie, à l’écart entre l’importance des stocks livrés à la Suneor et le niveau des paiements. Il reconnaît également que le problème persiste encore, d’autant plus qu’une bonne partie des stocks livrés à la Suneor est constituée de dépôts. « Cela a créé quelques perturbations », a-t-il fait remarquer.
Un fonds de soutien attendu en fin de campagne
Le problème, selon M. Diallo, est dû au fait que cet établissement traverse aujourd’hui quelques difficultés. Il a indiqué que l’Etat, par le biais du ministère de l’Economie et des Finances, est en train de s’atteler à aider la Suneor à trouver un autre financement nécessaire au règlement de la situation. Youssou Diallo a rappelé qu’en début de campagne, la Suneor avait bénéficié de 5 milliards de FCfa de la part des banques pour solder la dette de 2,8 milliards de FCfa due, à l’époque, aux opérateurs privés stockeurs. Dans cette dynamique, l’Etat compte poursuivre les efforts en annonçant la mise en place d’un fonds de soutien en fin de campagne, au profit des huiliers, a déclaré M. Diallo. Ce concours qui sera géré en fonction du bilan financier des huiliers, va permettre de corriger les pertes enregistrées par ces derniers dans les opérations, a-t-il ajouté. Du côté du ministère de l’Agriculture et de l’Equipement rural, il a été reconnu que la réticence des huiliers à s’impliquer très tôt dans la campagne a été à l’origine des perturbations notées sur le terrain. Aujourd’hui, la situation est en train de s’améliorer, nous dit-on.
Les opérations de collecte se poursuivent
Les opérations de collecte se poursuivent normalement, a souligné Youssou Diallo. La Copeol/Novasen a déjà acheté 33.000 tonnes de graines sur un objectif global d’environ 100.000 tonnes. Le Complexe agro-industriel de Touba (Cait) a collecté, pour sa part, environ 12.700 tonnes sur les 25.000 tonnes prévues cette année. La Suneor compte déjà à son actif quelque 53.000 tonnes de graine.
BAISSE DES RENDEMENTS : LES ACTEURS INDEXENT LE VIEILLISSEMENT DES SEMENCES
La crainte plane déjà sur la qualité des semences à utiliser à la prochaine campagne agricole. Selon les producteurs, le vieillissement des variétés cultivées est à l’origine de la faiblesse des rendements. Ils expriment des craintes sur la qualité des semences prévues pour la prochaine campagne.
Depuis plusieurs années maintenant, la production arachidière peine à atteindre les résultats escomptés. La baisse des rendements préoccupe les acteurs de la filière. Ils estiment qu’elle est due, en partie, à la qualité des graines mais aussi à la texture des sols. Mais l’implication d’opérateurs privés, cette année, dans la collecte des semences pour renforcer le capital semencier risque de remettre davantage en cause la qualité des graines. Selon les producteurs, ces derniers ne collectent, en ce moment, que des tout-venants dans les zones de production. «Cette année, nous avons quelques soucis sur la qualité des graines parce que les résultats d’analyse qui sont prélevées dans nos ‘’seccos’’ sont en deçà de nos attentes. Sur 10 graines en coque décortiquées, il n’y a que deux ou trois qui sont bonnes », a déploré le chef du service achat graines de la Suneor de Kaolack, Ibrahima Dieng. Il évoque déjà la possibilité d’enregistrer des pertes sur la production d’huile à cause de la qualité des graines.
Des inquiétudes que M. Dieng partage aussi avec le vieux Tamsir Ndiaye, producteur à Dinguiraye. Ce dernier estime que l’Etat doit changer la politique agricole et cesser de donner des semences. «Ce n’est pas normal que l’on continue à mettre tout le budget sur les semences alors que les producteurs peuvent bel et bien constituer leur capital semencier », a laissé entendre M. Ndiaye. Pour lui, l’Etat doit plutôt investir sur l’engrais. « L’engrais peut aider les paysans à réussir la diversification des cultures car, au-delà de l’arachide, il y a d’autres spéculations qui peuvent être développées », souligne Tamsir Ndiaye.
Producteur averti dans le Dinguiraye, Tamsir Ndiaye émet des doutes sur la qualité des semences qui seront livrées prochainement dans le monde rural. «On pourra vraiment atteindre les 50 000 tonnes de graines, mais ce ne sera pas des semences, mais du tout venant qui n’est pas de la qualité », regrette-t-il. « Il faut que les gens comprennent que si les graines ne sont pas renouvelées, elles perdent forcément, chaque année, de leur capacité de production. C’est cela qui a conduit aujourd’hui à l’impossibilité de dépasser 600 kilogramme à l’hectare », a ajouté M. Ndiaye. Comme la plupart des acteurs interrogés, il est d’avis que la mise en place du programme de démultiplication des semences est certes venue à son heure, mais il faudra aussi travailler davantage sur la maîtrise de l’eau pour que l’on puisse arriver à produire des graines en dehors de l’hivernage car les rendements sur les terres irriguées sont plus importants. Mais, poursuit-il, cela doit être renforcé par une revitalisation des terres, notamment un phosphatage complet afin de les fertiliser davantage. « C’est sur cet aspect que l’Etat doit travailler en plus de l’introduction de nouvelles variétés», a indiqué Tamsir Ndiaye.
Gérant d’un point de collecte à Porokhane, Woppa Diallo est d’avis que la reconstitution du capital semencier doit tenir compte des spécificités culturales des zones agro-écologiques, mais surtout l’implication des acteurs à la base. « La recherche, c’est bien, mais il est impératif d’associer l’expérience des producteurs à la base », a-t-il souligné.
Dans le département de Louga, la problématique des semences risque de se poser, particulièrement dans certaines zones comme Linguère, Dahra, Coki et Léona. Toutefois, le Drdr de Louga, Oumar Mbengue, reste optimiste car, selon lui, « il y a des opérateurs qui ont commencé la collecte des semences pour permettre d’atteindre l’objectif de 50.000 tonnes que l’Etat s’est fixé cette année. Il y a des gens qui avaient produit des semences certifiées qui ont leur stock et d’autres qui ont commencé à acheter dans des poches où la production est plus ou moins intéressante », affirme M. Mbengue. Il estime que dans certaines localités du département de Kébémer et de Linguère, il y a eu une bonne production de semences certifiées. C’est plutôt dans le département de Louga que le déficit est bien réel », a-t-il reconnu. Il espère toutefois qu’avec les dernières mesures qui ont été prises et l’espoir de la seconde vague de financement du Cncas, la situation devrait évoluer positivement.
IBRAHIMA DIENG, CHEF DU SERVICE ACHAT GRAINES DE L’USINE DE KAOLACK: « SUNEOR PREND 70 À 80% DE LA PRODUCTION NATIONALE »
Avec 184 opérateurs agréés et 400 points de collecte répartis dans ses quatre zones d’intervention, Tambacounda, Kaolack, Fatick, et Kaffrine, la Suneor de Kaolack, qui achète 70 à 89 % de la production nationale d’arachide, a commencé réellement à réceptionner des camions le 18 janvier dernier. Son objectif, cette année, est d’acheter le maximum de graines.
Le chef de service achat graines de la Suneor de Kaolack, Ibrahima Dieng, écarte toute crainte pour la campagne, malgré le retard enregistré par la Suneor dans son implication. «Il n’y a pas de craintes parce que c’est Suneor qui prend 70 à 80 % de la production nationale. « La campagne a démarré officiellement depuis le 9 décembre 2013, mais c’est le mercredi 15 janvier 2014 qu’il y a eu une entente entre l’Etat et les huiliers. Ce qui fait que c’est à partir de cette date que nous sommes véritablement entrés dans la campagne », a souligné M. Dieng. Aussi, poursuit-il, conformément à la lettre circulaire du ministère de l’Agriculture, la Suneor a mis en place son système d’approvisionnement. «Déjà, le Cnia avait fait un travail préliminaire en attribuant quelques points de collecte et nous avons démarré les agréments depuis le 15 janvier », affirme M. Dieng. Au total, nous apprend le responsable du service achat graines, la société huilière compte 184 opérateurs agréés qui couvrent 400 points de collecte. Les agréments se poursuivent. Elle intervient dans quatre régions notamment Kaolack, Fatick principalement dans le département de Foundiougne qui dépend de la zone centre, Kaffrine et Tambacounda. Dans chacune de ces régions, indique Ibrahima Dieng, il y a des points de collecte reconnus par la Cnia et la Suneor.
Selon lui, à Fatick, la Suneor dispose de 55 points occupés par 22 opérateurs, 119 points sont ouverts à Kaolack et 56 opérateurs agréés. La région de Kaffrine compte 121 points de collecte et 65 opérateurs agréés, tandis qu’à Tambacounda, il existe 105 points de collecte et 41 opérateurs. « Nous avons commencé réellement à réceptionner les camions à partir du 18 janvier, c’est-à-dire il y a plus d’une dizaine de jours et nous sommes déjà à 3.429 tonnes déjà déchargées. D’autres camions, environ 56 camions, sont en cours de déchargement et, au fur et à mesure, on enregistre des arrivées », nous renseigne Ibrahima Dieng. L’année dernière, c’est l’infiltration des étrangers qui avait fait grimper le prix au producteur à un niveau tel que les locaux ne pouvaient pas suivre le rythme. Cela nous a créé énormément de problèmes et c’est ce qui a fait que nous n’avions pas pu acheter grand-chose », a indiqué Ibrahima Dieng.
Mais, cette année, puisque ces étrangers (Ndlr : les Chinois) ne sont pas présents dans le marché, le responsable de la Suneor affirme que les graines seront disponibles. « Je pense que d’ici un mois ou deux, nous allons acheter le maximum de graines », a-t-il souligné.
LES PRODUCTEURS DÉPLORENT L’ABSENCE DES CHINOIS
Les opérateurs chinois avaient la cote, l’année dernière. Cette année ils brillent par leur absence. Ce que regrettent les paysans obligés de se soumettre aux opérateurs locaux. Ils déplorent un peu partout leur absence sur le terrain.
Le bonheur des uns fait le malheur des autres, a-t-on coutume de dire. Si, la libéralisation de la commercialisation avait fait, l’année dernière, des heureux du côté des producteurs, cette année, la balle semble avoir changé de camp. En effet, l’année dernière, la présence des Chinois qui avait ouvert une rude concurrence sur le prix de l’arachide, a été bien perçue par les producteurs. Les 190 FCfa fixés par l’Etat avaient été largement dépassés par les Chinois qui n’hésitaient pas à débourser jusqu’à 250 voire 350 FCfa pour s’offrir le kilogramme d’arachide.
Certains producteurs voyaient là une sorte de libération et une volonté forte de l’Etat d’accroître les revenus des paysans. Mais, cette année, ils cachent mal leur désolation. « La campagne n’a pas marché cette année parce que les Chinois ne sont pas venus. Ces derniers venaient même acheter l’arachide aux mains des paysans à des prix qui dépassaient largement le prix officiel», regrette Tamsir Ndiaye, producteur et président d’un syndicat de producteurs, dans la communauté rurale de Dinguiraye. Ce dernier accuse même « l’Etat d’être complice » dans la fermeture du marché aux Chinois. «L’Etat a fixé le prix à 200 FCfa, mais les opérateurs s’orientent vers les ‘’mbapatt’’ (marché noir) et les ‘’loumas’’ (marchés hebdomadaires) pour acheter à bas prix sans être inquiétés», dénonce Tamsir Ndiaye. A l’en croire, certains opérateurs privés ne sont même pas présents dans les points de collecte où ils ont été agréés.
«Certains producteurs sont en train de bazarder leurs productions entre 140 et 150 FCfa le kilogramme, dans les « loumas » pour régler leurs problèmes et d’autres sont obligés de remettre leurs graines à des opérateurs sans même savoir quand ils seront payés », se désole le vieux Tamsir Ndiaye. A son avis, certains opérateurs n’existent que de nom. Il appelle l’Etat à plus de vigilance et à changer la politique agricole en impliquant davantage les organisations paysannes.
Par Seydou Prosper SADIO, Adama MBODJ (textes)et Ndèye Seyni SAMB (photos)
BOUFFÉE D’OXYGÈNE
Même si l’Etat a décidé de ne pas financer directement les opérateurs privés et les huiliers, il n’est pas resté à l’écart de la mobilisation de fonds pour une réussite de la présente campagne arachidière. Le ton avait été annoncé dès l’entame par celui qui détient les cordons de la bourse publique, le ministre de l’Economie et des Finances, lors du vote de la loi de finance rectificative, en décembre 2013. Amadou Bâ déclarait que « les huiliers, la Suneor notamment, demandent encore une subvention. Le gouvernement, à ce jour, refuse de donner une subvention ». Les industries de l’huilerie, trouvant trop élevé le prix officiel de 200 FCfa, avaient rappelé le contexte difficile de cette présente campagne caractérisé par une baisse de 30% des cours mondiaux de l’huile d’arachide et un taux de change défavorable du dollar. Autant de raisons qui les avaient poussé à tarder à s’impliquer dans la campagne, alors que les huileries sont les principaux débouchés des producteurs. Il a fallu un accord entre eux et l’Etat, en janvier dernier, pour que les huiliers jouent leur partition et contribuent à sauver, de justesse, la campagne arachidière.
Le problème du déficit de financement a été évoqué à plusieurs reprises (voir notre édition d’hier). Et en conseil des ministres, le ministre de l’Agriculture et de l’Equipement avait reconnu le « niveau insuffisant » du financement. L’Etat, de son côté, a cherché à décanter la situation, c’est ainsi que la Caisse nationale de crédit agricole du Sénégal (Cncas) avait reçu de l’Etat une rallonge de 5 milliards de FCfa destinés à permettre aux opérateurs privés stockeurs d’acheter les graines. La Cncas, de son côté, avait déjà injecté, dans la campagne, 8,842 milliards de FCfa. Le directeur de l’Agriculture, Mamadou Diallo, expliquait le refus de l’Etat de financer les huiliers par les efforts financiers entrepris par les pouvoirs publics dans le développement de la filière arachidière. « Le gouvernement subventionne déjà les semences, les engrais et le matériel agricole. Si l’on veut qu’il subventionne de surcroît les prix aux producteurs, c’est trop demander », avait déclaré M. Diallo. En décidant de voler au secours des huiliers, principalement la Suneor (lire ailleurs) qui a besoin d’un financement additionnel, l’Etat cherche encore à sauver la campagne de façon définitive et à assurer la survie d’un fleuron de l’industrie agro-alimentaire du Sénégal. Si ce financement est obtenu, ce sera une grande bouffée d’oxygène et pour cette entreprise et pour les opérateurs privés stockeurs, mais aussi les producteurs qui ont en mémoire le mauvais souvenir des bons impayés, il y a quelques années.
Par Malick CISSPour lire la 1ère partie de ce dossier, CLIQUER ICI
source: http://www.lesoleil.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=36932:youssou-diallo-conseiller-technique-nd1-du-ministre-de-lagriculture-et-de-lequipement-rural-l-letat-ne-peut-pas-laisser-tomber-une-entreprise-comme-la-suneor-r&catid=78:a-la-une&Itemid=255
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