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Nos autorités judiciaires ne manquent décidément pas d’humour ! On pensait que seuls nos politiques avaient le don de nous faire rire ? On est prié de réviser notre jugement ! A preuve par ce qui vient de se passer avec la liste de la coalition «And Défar Thiès», de Fandène, dans la région de Thiès.
Eh bien, attaquée devant la Cour d’Appel par le mandataire de la coalition Benno Bokk Yaakar de la communauté rurale de Fandène, qui n’est autre que le ministre des Forces armées, le Dr Augustin Tine, cette liste de « And défar Thiès » dont la tête de liste est le maire sortant, M. Pape Saliou Mbaye, a tout simplement été déclarée « irrecevable » par les hauts
magistrats. Au motif, tenez-vous bien, qu’elle n’a pas respecté la parité ! Vous savez quoi ? Sur cette liste, le maire sortant et ses partisans ont commis l’erreur de faire suivre aux neuvième et dixième places… deux hommes.
Suffisant pour que le Dr Tine l’attaque devant la cour d’Appel pour… non respect de la loi sur la parité. M. Pape Saliou Mbaye a eu beau jeu de rectifier cette « anomalie » dès le lendemain de la date limite de dépôt des listes, avec notification de rectification à l’appui, s’il vous plaît, cela n’y a rien fait et cette liste qui gênait aux entournures le camp présidentiel a été écartée de la course. Or, comme l’a expliqué le malheureux maire sortant, « il s’agissait juste d’une erreur d’agencement puisque, sur la liste, il y a exactement le même nombre d’hommes et de femmes ».
Tout cela n’a pas suffi à convaincre les juges de la cour d’Appel. Que dire alors, dans ces conditions, de la liste du khalife général de Touba endossée par la coalition Benno Bokk Yaakar (BBY), c’est-à-dire la mouvance présidentielle ? Voilà en effet une liste qui ne comporte aucune femme, qui est composée à 100 % d’hommes et que tout le monde pourtant s’accorde à reconnaître comme étant… recevable. Cherchez l’erreur !
En fait, le plus étonnant, pour ne pas dire le plus scandaleux, c’est que cette liste ait pu être déclarée recevable par le sous-préfet compétent territorialement et que le représentant local de la Commission électorale départementale autonome (Ceda) ait pu la viser comme quoi elle remplissait toutes les conditions requises. Défense de rire ! En réalité, cette liste de Touba constitue une véritable patate chaude dont personne ne veut et que l’on s’empresse de refiler à d’autres. Le mot d’ordre est « tous aux abris ! », si l’on ne s’empresse pas de s’enfouir la tête dans le sable à la manière de l’autruche qui croit ainsi pouvoir échapper à ses poursuivants.
Alors que partout ailleurs sur le territoire national, l’opposition ou la liste rivale — mais à Touba il n’y a ni opposition ni liste rivale ! — se serait empressée d’attaquer cette anomalie devant la Cour d’Appel, c’est tout juste si les partis opposés à la majorité présidentielle n’ont pas pris leur violon pour féliciter le khalife général des Mourides pour la pertinence de sa liste ! Laquelle ne respecte quand même pas la loi électorale et aurait dû, plus que celle de « And défar Thiès » à Fandène, être déclarée irrecevable !
Au lieu de quoi, la Commission électorale nationale autonome (CENA) a envoyé une délégation à Touba pour supplier le khalife général des mourides d’inclure des femmes sur sa liste. Naturellement, le brave homme est resté de marbre, expliquant que si le monde entier bougeait pour lui demander de respecter la parité, il ne bougerait pas d’un iota car il ne ferait rien que ses prédécesseurs à la tête de la cité religieuse n’avaient accepté de faire.
Dépositaire du legs de Serigne Touba, il ne sera pas celui-là par lequel des déviances auront été observées par rapport au dogme de la « Mouridiya ». On ne saurait décemment le lui reprocher en matière de respect de la doctrine mouride sauf que, dans le cas d’espèce, il s’agit des lois de la République. Lesquelles s’imposent à tout le monde, marabouts compris. Que l’on sache, Touba n’a pas dans la République un statut semblable à celui du Vatican à Rome.
Certes, certains font ressortir le statut particulier de Touba qui est une ville religieuse bâtie sur un titre foncier qui existerait depuis 1887. Comme l’écrit la « Commission spéciale sur le statut de Touba » mise sur pied pour étudier justement les moyens légaux de sanctuariser la capitale du mouridisme, « l’acte décisif pour la légitimation juridique du statut particulier de Touba fut la décision du 17 septembre 1928 de l’autorité coloniale d’accorder à Serigne Moustapha Bassirou Mbacké, premier khalife des mourides, un bail de longue durée pour une période de 50 ans et concernant un terrain rural ayant la forme d’un carré parfait d’une superficie de 400 hectares… »
Après plusieurs modifications, notamment en 1975, les limites territoriales de la ville ont étéfinalement portées à 30.000hectares en 2005. C’était sous le magistère du président Abdoulaye Wade. Certes, également, un règlement intérieur particulier fait que nul n’a le droit d’y fumer, encore moins d’y consommer des boissons alcoolisées. En outre, les commerçants du bazar ne paient ni impôts, ni taxes encore moins des droits de douane, mais il n’en demeure pas moins que, en dehors de ces dérogations arrachées de force à l’autorité centrale, les lois de la République doivent s’appliquer à Touba en principe.
Sauf si, bien sûr, l’Assemblée nationale vote un statut particulier pour Touba qui l’exonérerait de l’application de ces lois, ce qui n’existe pas encore. Par conséquent, évidemment, en matière électorale ou autre, les mêmes règles et législations qui s’appliquent sur tout le territoire national sont aussi valables dans la capitale du mouridisme. Ce qui induit que, la loi instaurant la parité dans les assemblées électives doit y être respectée sous peine de nullité. Telle devait être la position du sous-préfet de Ndam mais aussi de la commission électorale départementale de Mbacké.
Et les mandataires de Rewmi, du PDS, de Bokk Gis-Gis auraient dû attaquer la liste du khalife devant la cour d’Appel pour obtenir qu’elle soit déclarée irrecevable du fait du non-respect de la loi sur la parité. Comme l’a fait le Dr Augustin Tine à Fandène avec la liste concurrente du pauvre Pape Saliou Mbaye !
Le sous-préfet n’ayant vu aucune irrégularité dans cette liste de Touba, la Ceda l’ayant avalisée, la Cena ayant peur de l’invalider, l’opposition refusant de l’attaquer, la Société civile se terrant, les activistes des organisations féministes aux abonnés absents, la liste du khalife général des Mourides est donc en roue libre pour une victoire manquant d’autant moins de gloire qu’elle aura été remportée sans combat faute d’adversaires.
A vaincre sans péril… Avant d’aller plus loin, une précision : Au Témoin, à l’époque, nous avions soutenu— et nous le pensons toujours — que cette loi sur la parité, c’est une connerie. Cela dit, cette loi ayant été votée, il faut l’appliquer en attendant son abrogation !
Tant que cette loi existera, donc, tout le monde doit s’y conformer, y compris Touba. Le seul moyen pour la capitale du mouridisme d’y échapper, c’est de ne pas prendre part aux élections ! La liste du Khalife devant être considérée comme les tables de la loi en ce sens que nul n’a le droit d’y toucher encore moins d’y apporter des retouches, et ensuite cette liste ne pouvant pas faire l’objet de concurrence, on se demande dans ces conditions à quoi bon organiser des élections locales à Touba.
Pour économiser du temps et de l’argent, mais aussi des efforts physiques, il suffit tout simplement de dire que Touba n’est pas concernée par les élections et l’affaire est pliée ! Pas de cartes électorales à distribuer, pas de listes ou de professions de foi à imprimer, pas de formulaires à remplir, pas de superviseurs à déplacer, pas de forces de l’ordre à mobiliser, pas d’électeurs à déranger un dimanche.
Touba n’a pas encore de statut spécial ? Mais rien n’empêche le président de la République d’y installer une délégation spéciale constituée d’hommes du Khalife et le tour est joué ! Car sinon, si Touba veut participer aux élections à l’échelle nationale organisées sur le plan logistique et matériel par le ministère de l’Intérieur et supervisées par la Cena, eh bien cette ville devra se conformer à la loi électorale ! C’est aussi simple que cela.
Un concordat de l’Etat avec Touba ?
Cela dit, la piste d’un statut spécial peut effectivement être explorée pour la capitale du mouridisme même si, jusqu’à l’adoption d’un éventuel régime dérogatoire au droit commun, la loi de la République devra s’y appliquer dans toute sa rigueur. Certains ont évoqué les statuts de Monaco, du Liechtenstein, d’Andorre etc.
L’exemple qui nous paraît le plus pertinent en l’espèce, c’est celui de l’Alsace-Moselle en France, un pays sans doute plus jacobin que le Sénégal où, pourtant, les départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle conservent, sur le plan des rapports entre l’Eglise et l’Etat, un statut particulier qui date du Concordat signé en 1801 entre Napoléon Bonaparte et le pape Pie VI pour régir les rapports entre l’Etat français et le Vatican.
Alors que ce Concordat a été dénoncé en France en 1904 par des gouvernements anticléricaux qui se sont succédé à la tête du pays et qui ont instauré la séparation de l’Eglise et de l’Etat en 1905, l’Alsace-Moselle, bien qu’occupée à partir de 1870 par l’Allemagne avant de revenir dans le giron français, a toujours conservé son statut particulier dans ce domaine. Autrement dit, le Concordat continue toujours de s’y appliquer.
Ainsi, alors que l’article 2 de la loi instaurant la séparation de l’Eglise et de l’Etat dispose que « l’Etat ne reconnaît, ne salarie et ne subventionne aucun culte », dans ces trois départements, la religion est encore enseignée obligatoirement à l’école primaire et au collège, ce qui ne se fait nulle part ailleurs sur le territoire de la République française. De même, les ministres des cultes catholique, luthérien réformé et israélite y sont salariés par l’Etat — il est même question de faire bénéficier aux musulmans de ces dispositions. En outre, dans les universités publiques de ces trois départements, à l’exclusion de toutes les autres, des cours de théologie sont dispensés.
Last but not least, l’Etat et ses démembrements, mais aussi les collectivités locales peuvent y subventionner la construction de lieux de culte. Dans une décision rendue en 2013 suite à une plainte déposée par l’Association pour la promotion et l’Expansion de la Laïcité, qui réclamait l’application de la loi de 1905 en Alsace-Moselle, le Conseil constitutionnel français avait débouté les plaignants.
Et expliqué qu’elle n’entendait pas « remettre en cause les dispositions législatives et règlementaires particulières applicables dans plusieurs parties du territoire de la République lors de l’entrée en vigueur de la République et relatives à l’organisation de certains cultes ». Autrement dit, l’Alsace-Moselle restait l’exception à la laïcité à la française.
Sera-t-il dit que, de la même façon, Touba restera une exception à la loi sénégalaise sur la parité et, d’une manière générale, à notre loi électorale ? Dans ce cas, il faudra vite, vite, signer un concordat entre la République et Touba. En espérant que, dans la foulée, Tivaouane, Ndiassane, Cambérène, Médina Gounasse, Pire, Thiénaba, Léona Niassène, Médina Baye et autres capitales religieuses ne demanderont pas, elles aussi, à bénéficier d’un tel statut. Sans compter les « pinthies » lébous. Auquel cas, on pourra dire « adieu la République ! »
PS : Au Nigeria, on avait commencé par accorder aux Etats du Nord musulman le droit d’instaurer la Charia, la loi islamique. On a vu ce que cela donne aujourd’hui avec ces fous de Dieu de Boko Haram !