Account
Please wait, authorizing ...
Not a member? Sign up now
×

Sidebar

22
Ven, Nov

Revue des facettes et des péripéties du procès de Karim Wade (Par Babacar Justin Ndiaye)

CONTRIBUTIONS
Outils
Vos reglages
  • Plus petit Petit Moyen Grand Plus grand
  • Default Helvetica Segoe Georgia Times

Fast backlinks and Guest-post hosting

contributionIl n’est pas convenable, pour un citoyen nanti d’esprit hautement républicain, de parler d’une affaire encore pendante devant la justice, à fortiori, de faire le procès d’un procès en cours. Voilà pourquoi, un chroniqueur chroniquement imbu de respect pour l’institution judiciaire, s’astreint au laconisme. A contrario, il est lui est loisible d’être loquace sur les facettes qui ont frappé les observateurs ou les péripéties qui ont peiné beaucoup de personnes indissociables du peuple au nom duquel le droit est dit ;  et la justice est distribuée. Du coup, les deux débats sur l’existence ou l’inexistence, la légalité ou l’illégalité de la CREI, relèvent de la casuistique, et sont volontiers laissés aux orfèvres du droit ou aux jésuites des lois. Focus sur les faits qui ont marqué – et de quelle manière ? – les longs mois du procès de l’ancien ministre d’Etat et non moins fils du Président Abdoulaye Wade.      

 


Au commencement, un discours à tonalité politique et d’impulsion officielle a grandement desservi la justice, en alléguant que la traque des biens mal acquis est une demande sociale. L’affirmation est plus péremptoire (voire politicienne) que prouvée, car un vote – même massif  à hauteur de 65% – n’a pas valeur de sondage spécifiquement pertinent sur les désirs détaillés des électeurs sénégalais. Dommage que les tenants de cette thèse fortement officielle ne voient guère la monstruosité qui s’y niche ! En effet, cet argument postule que la mise en branle de la redoutable machine judiciaire reste primordialement tributaire des émotions populaires qui sont changeantes sous tous les cieux. 

Alors, bonjour la justice populiste et démagogique ! Du reste, que ferait l’Etat de droit si un réel sondage – trois ans après la défaite de du Président Abdoulaye Wade –  dévoilait, de façon irréfutable, un rejet populaire de la traque ? Et pourtant la reddition des comptes est un impératif de bonne gouvernance à laquelle les citoyens tiennent normalement. A condition, évidemment, que la reddition des comptes et le règlement de comptes ne nouent pas un lien copulatif.  A ce propos, il est historiquement bon, juste et utile de rappeler que le Président Abdou Diouf, père de cette loi de 1981, n’avait jamais placé la répression de l‘enrichissement illicite sous l’angle d’une quelconque demande sociale. Bien au contraire. Il s’agissait d’une loi foncièrement anti-barons socialistes. Le but était de faire passer, sans accrocs, la pilule amère de l’article 35. 

L’autre facette du procès de Karim Wade étale un effarant déficit d’expertise technico-financière. Certes, il est plus difficile pour un magistrat sénégalais, de surcroit non spécialisé,  de fouiller un paradis fiscal que d’explorer l’Amazonie, mais une cour comme la CREI pouvait davantage peaufiner son travail, afin d’être à la hauteur de ces génies de la ventilation, de la dissimulation et de la dissipation de milliards (les présumés coupables Karim Wade et Bibo Bourgi) qui dissèquent savamment les montages financiers et les agrégations de capitaux en balade, dans un jargon trop hermétique pour le Président Henri-Grégoire Diop et ses assesseurs. 

Par ailleurs, la CREI qui piste les milliards pour le budget du Sénégal est, elle-même, budgétivore. Ses commissions rogatoires et ses experts reviennent bredouilles, après avoir répertorié des comptes vidés la veille de leur arrivée. Preuve qu’il faut beaucoup de temps et davantage d’experts (toute une équipe de sapiteurs sous les ordres de Pape Alboury Ndao) pour ratisser la cité-Etat de Singapour, la principauté de Monaco et les iles Caïmans. En définitive, la bonne cause que constitue la reddition des comptes est si judiciairement mal prise en charge qu’elle ressemble à une coûteuse bêtise dont le gouvernement est coupable. Le Président Houphouët Boigny disait : « L’incompétence est pire que le sabotage ». Autrement dit, un saboteur invétéré est préférable à un incompétent de bonne volonté.      

Le chapitre des péripéties est fâcheusement plus fourni que celui des facettes  de ce procès plein de remous. Parmi celles-ci (les péripéties) figure le limogeage du Procureur Alioune Ndao. Transposée dans le domaine mécanique, une telle sanction équivaut à la détérioration subite de la barre d’accouplement d’un camion roulant à tombeau ouvert. Le cocasse, ici, est qu’on dégage un procureur énergique. Le fait est vraiment inhabituel quand on sait que la chancellerie aime plus les procureurs zélés que les procureurs modérés. Dans les tribunaux d’exception, on écarte d’habitude les procureurs qui ont des états d’âme et des manières de moines. C’est la surprise inverse à la CREI.  Moralité : un magistrat peut être plus royaliste que le Roi, à condition que son engouement pour la mission ne déstabilise pas le royaume. Une leçon que le procès de Karim Wade gratifie à tous ceux qui pâturent sur le terrain judiciaire. 

La seconde péripétie est relative à l’expulsion de l’avocat Maitre Amadou Sall qui est consécutive à une polémique incontrôlée. Un magistrat qui chasse manu militari son ancien ministre ou ex-patron (Me Sall fut ministre de la Justice sous Abdoulaye Wade) après l’avoir traité de « mauvais avocat », convenez avec moi que la scène est peu courante dans les annales judiciaires du monde. Et pourtant la roue de l’Histoire tourne, comme la terre tourne depuis Galileo Galilée. Par conséquent, les opposants d’aujourd’hui seront les gouvernants de demain. Et vice versa. Combien de procès ont été engloutis dans les profondeurs abyssales de l’Histoire ? A la péripétie de l‘expulsion de Me Sall, on peut accoler, sans commentaire, la démission de l’assesseur Yaya Amadou Dia. Deux incidents qui ont porté la tension à son paroxysme dans les locaux d’une CREI que le climat doux de Dakar n’adoucit toujours pas. 

Mais la plus pénible des péripéties de ce procès-marathon reste la brutalité subie par Karim Wade. On a bien raison de dire que Karim Wade est un justiciable ; mais on aura davantage dit la vérité, en ajoutant qu’il est un prévenu qui a incarné, hier, une institution ministérielle. Tous ceux qui ont eu ce privilège d’envergure nationale (avec les gouverneurs, les préfets et les gendarmes à leur disposition et au garde-à-vous) ne doivent plus être ostensiblement humiliés. Il y va de l’éclat permanent de nos institutions incarnées, à tour de rôle, par des femmes et des hommes sélectionnés et – par ricochet –  légitimés 

Jusqu’à la fin de leurs vies respectives, Latif Coulibaly, Mansour Faye, Mbaye Ndiaye et Mankeur Ndiaye devront être épargnés des gifles de policiers qui, dans un passé proche ou lointain, leur ouvraient la portière. Le comportement des services de sécurité (police, gendarmerie et surveillants de prison) est l’un des indices les plus fiables du degré de civilisation d’une nation. En résumé, le Sénégal n’est pas la Guinée-Conakry des années 70. Il n’abrite pas un camp Boiro où des ministres, des généraux, des dockers, des consuls et des boulangers étaient emprisonnés, entassés (en slip) et bastonnés par des miliciens analphabètes littéralement drogués d’idéologie révolutionnaire. Par bonheur le Procureur spécial Antoine Diome épouse notre point de vue, lui qui a donné publiquement une leçon de procédure au Président déchainé de la CREI.   

« Le chemin le plus court vers l’avenir, passe par le passé » écrivit Aimé Césaire. En effet, les leçons d’hier, devraient retentir positivement sur le présent procès. Pour rappel, Mamadou Dia, Waldiodio Ndiaye, Ibrahima Sarr et Joseph Mbaye ont été accusés de tentative de coup d’Etat.  Vrai ou faux ? En tout cas, il y a eu des mouvements de troupes hors des casernes et un face-à-face tendu entre les gendarmes et les parachutistes devant les locaux de Radio-Sénégal. Comparativement, les charges retenues contre Karim Wade sont vraiment bénignes. Entre un coup de force effectivement démarré (bain de sang assuré) et des milliards laborieusement pistés, il n’y a pas de rapprochement possible. 

N’empêche, sous le règne de l’humaniste Léopold Sédar Senghor, l’ancien Premier ministre et ses trois anciens ministres ont été traités, avec des attentions et des égards dignes de leurs rangs. Aucun magistrat n’a osé les rudoyer verbalement, et aucun gendarme n’a reçu l’ordre de les bousculer, à fortiori, les  frapper. Même le déroulement du procès fut serein, car Maitre Robert Badinter (avocat de Mamadou Dia et futur ministre de la Justice de François Mitterrand) garde, selon son témoignage, un souvenir impeccable et impérissable du fonctionnement de la haute juridiction d’alors. Répétons-le : les oppositions d’aujourd’hui seront les pouvoirs de demain. Gardons-nous donc de planter le décor des futurs goulags, pour nous-mêmes et pour nos enfants !    

 

 

source: http://www.dakaractu.com/Laser-du-lundi-Revue-des-facettes-et-des-peripeties-du-proces-de-Karim-Wade-Par-Babacar-Justin-Ndiaye_a84338.html