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Omar pène : «Je suis revenu en chair et en os…»
L’OBS – Malgré le poids de l’âge, la maladie dont il sort à peine, sa flamme pour la scène est intacte, elle brille de mille feux. On peut la voir dans le blanc de ses yeux, la sentir à travers son débit au ralenti, le toucher avec ses paroles enchantées, l’entendre au son de sa voix de velours. Et pour y goûter, il faudra être au Grand Théâtre, le 30 août prochain, où il fêtera son grand retour sur scène, après un an d’absence. Ce sera donc le retour d’une grande légende de la musique sénégalaise, Omar Pène, le père de toute une génération de mélomanes. Rongé par un diabète sournois, il avait élu domicile en France pour des soins médicaux. Abattu par des rumeurs perfides qui lui ont amputé une jambe et l’ont même voulu mort, le leader du Super Diamono a triomphé de la mort, avec ses deux pieds. C’est ainsi qu’il signe son come-back au Sénégal, plus que jamais fringant. En avant-goût, il fait face à L’Obs…
Depuis votre retour au Sénégal après un an d’absence, comment se sent Omar Pène ?
Tout va très bien. Je me sens très bien, grâce à Dieu. Je suis de retour au Sénégal après un an d’absence et c’est un réel plaisir pour moi de retrouver mes proches, mes amis et surtout mes fans qui m’ont attendu. Aujourd’hui, je suis fier de les retrouver ainsi que mon pays qui représente tout pour moi.
Votre absence a suscité beaucoup de commentaires. D’aucuns disaient que vous étiez en France pour vous soigner, tandis que votre entourage parlait d’un album en gestation. Qu’en est-il réellement ?
En vérité, je me soignais. C’est, en tout cas, ce qui m’a le plus retenu en France. Maintenant, lorsque j’avais un peu de temps libre, je travaillais sur mon prochain album acoustique avec Hervé Samb. Je ne voulais pas trop me couper de la musique. Car, rester un an sans chanter, cela me pesait énormément. C’est pourquoi Hervé venait là où je séjournais, avec sa guitare et nous avions quelques séances de travail. Voilà pourquoi, dans mon entourage, on disait que je travaille sur mon prochain opus. Mais le plus important pour moi, c’était ces soins que j’étais allé chercher en Europe. Par la grâce de Dieu, j’ai une meilleure santé.
Aujourd’hui, vos ennuis de santé sont-ils derrière vous ? Pouvez-vous véritablement rassurer les Sénégalais et vos fans en particulier ?
Je me porte très bien. Sinon, je ne serais pas revenu. Mais, vous savez, dans certains cas, il faut toujours continuer à se soigner, faire très attention et suivre les conseils du médecin. D’autant plus que c’était quand même assez sérieux.
Peut-on savoir de quoi vous souffrez ?
Je suis diabétique et, à un moment donné, j’ai commencé à perdre du poids et j’étais dans un état de fatigue. Je ne me suis pas reposé pendant un certain nombre d’années. Tout cela accumulé m’a affaibli et il fallait régénérer le corps, faire des analyses et me remettre sur pied.
«Le soutien de mes collègues, de mon épouse a été une thérapie»
Des rumeurs persistantes disent que vous avez été amputé d’un pied lors de votre séjour en France ?
J’en ai entendu parler. Sincèrement, c’est du n’importe quoi. J’ose croire que, le 30 août 2014, les gens en auront le cœur net. Ceux qui viendront à la soirée se rendront compte d’eux-mêmes si je suis amputé d’un pied ou non. Je crois que les journalistes qui seront-là, s’ils font bien leur travail, vont relater autre chose.
Votre mort avait même été annoncée. Qu’est-ce que cela vous a fait d’entendre votre propre «avis de décès» dans la presse ?
Au début, cela m’a vraiment fait rigoler. Je me suis demandé : où est-ce qu’ils sont allés chercher tout cela ? Je me suis aussi posé la question : A quelles fins ? Omar Pène a son entourage et je pense que si cette information était confirmée, il serait le premier à être au courant et non la presse. Je ne connais pas la motivation de ceux qui ont annoncé cette fausse nouvelle, mais je mets cela sous le compte de l’inexpérience. Peut-être aussi que c’est l’œuvre de personnes machiavéliques. En tout état de cause, cela fait réfléchir et je me dis que nous vivons dans une période où les gens sont prêts à tuer des gens, rien que pour se faire de la publicité. Je crois qu’il y a une certaine déontologie à respecter dans le journalisme, de telle sorte qu’on ne puisse pas franchir certaines limites.
Avez-vous reçu le soutien de vos pairs artistes durant votre maladie ?
Ah oui ! Ils ont tous pris de mes nouvelles. Certains, comme Fata, se sont même déplacés jusqu’à Paris pour venir me voir. Thione Seck, Ismaëla Lô, Youssou Ndour et Didier Awadi m’appelaient souvent. Le Président Sall m’a envoyé son attaché culturel et m’a appelé personnellement. Mes amis, ma famille, tout le monde était derrière moi. J’ai eu beaucoup de soutien et cela a fait partie de ma thérapie.Je profite de l’occasion pour les remercier tous autant qu’ils sont.
Comment votre épouse, Banna, a vécu ces douloureux moments ?
Elle était avec moi, à mes côtés, à mon chevet. Elle n’a pas bougé d’un iota. C’est elle qui gérait mes déplacements, ce dont j’avais besoin. Grâce à elle, je ne manquais de rien. Elle a été forte et digne dans l’épreuve et m’a permis de me relever. Cela a été dur, mais elle a tout enduré. C’est encore une preuve extraordinaire d’amour. Beaucoup de mes proches l’ont appelée pour la féliciter pour son courage et son abnégation. Ce n’était pas trop évident, mais on s’en est sorti, Dieu merci.
Votre retour coïncide aussi avec vos premières retrouvailles avec le public sénégalais. A cet effet, vous préparez un grand concert au Grand Théâtre, le 30 août 2014. Pourquoi avez-vous choisi de marquer votre retour de la sorte ?
Je crois que c’est plutôt les fans qui étaient soucieux de fêter mon retour en grande pompe, qui ont l’idée d’organiser ce grand concert au Grand Théâtre. Ce n’est d’ailleurs ni le Super Diamono, ni Omar Pène ou son entourage, qui organise ce concert, mais une dame répondant au nom d’Aïda Thiam qui travaille dans l’événementiel. C’est quelque part aussi un moyen de mettre un frein à toutes les rumeurs, les palabres qui ont pu être véhiculées sur ma personne. On a tout dit sur Omar Pène et c’est une manière de montrer aux Sénégalais qu’Omar Pène est revenu sain et sauf, Dieu nous l’a ramené en chair et en os. La meilleure manière de le prouver, c’est de faire le travail, de jouer et de chanter.
Côté spectacle, à quoi peut-on s’attendre ?
Je vais déjà inviter tous mes collègues avec qui, j’ai partagé la scène musicale. Ce n’est donc pas qu’Omar Pène et le Super Diamono qui vont se produire le jour J. D’autres artistes seront de la partie, des plus jeunes aux plus anciens. Ce sera comme la fête de la musique, je pense qu’il n’y a pas de meilleur moyen de fêter mon retour que de réunir mes pairs. Ça va également être une occasion de communier avec le public.
«Youssour Ndour et moi avons toujours su prendre de la hauteur, malgré la concurrence»
Le leader du Super Etoile, Youssou Ndour, est votre invité d’honneur. Il est même prévu que vous repreniez votre mythique duo «Euleuk Sibir». Pourquoi le choix de sa personne, alors que vos rapports ont toujours été dits heurtés ?
Lorsque j’ai connu You, c’était en 1973, il avait 13 ans. Nous avons toujours eu de bonnes relatons, même si, quelque part, les gens n’y croyaient pas. On nous peignait comme de véritables ennemis. C’est vrai qu’il y avait de la concurrence entre nous, mais nous avons toujours su prendre de la hauteur par rapport à cela. C’était plutôt nos fans du Super Etoile et du Super Diamono qui se faisaient la guerre. Youssou Ndour et moi, à chaque fois que nous avions besoin de parler ou de faire quelque chose ensemble, nous le faisions sans contraintes. Nous avons toujours eu de bons rapports et nous nous respectons mutuellement. D’ailleurs, le jour de mon arrivée à Dakar, je l’ai appelé et il m’a réitéré son soutien. Il m’a dit qu’il était derrière moi et était disponible pour moi. Nous avons partagé «Euleuk Sibir» dans le passé, alors pourquoi pas le refaire pour faire plaisir au public.
Certains rappeurs se sont mobilisés à travers une vidéo pour réclamer votre retour. Comment avez-vous accueilli cette marque d’estime ?
Cela m’a énormément touché. Certains m’ont même appelé au téléphone pour s’enquérir de ma santé. Tout cela me conforte dans l’idée que nous sommes une famille, même s’il y a une certaine concurrence. Nous partageons le même idéal et c’est extrêmement important. La mobilisation des rappeurs me va droit au cœur et je crois que ce 30 août, ils feront partie de la fête, Inchallah (s’il plait à Dieu).
Votre groupe, le Super Diamono, a enregistré beaucoup de départs, ces derniers temps. Mais celui de Dembel Diop, le chef d’orchestre, même s’il est revenu entre-temps, a beaucoup fait parler. Qu’est-ce qui ne va pas au sein de votre formation musicale ?
Dembel, en tout cas, était avec moi, le 3 août dernier à Paris, lors d’une prestation. Toujours est-il que dans des groupes mythiques, comme le Super Diamono qui a presque 40 ans d’existence, il peut s’y passer des choses. N’empêche, Dembel et moi, nous nous connaissons très bien, c’est mon jeune frère. Le Super Diamono, c’est son groupe et il y joue un rôle très important. Il a fait 20 ans avec moi, ce n’est pas 20 jours, ni 20 mois. Maintenant, tout est rentré dans l’ordre. Nous nous sommes retrouvés et c’est l’essentiel. Pour le reste, je ne suis pas inquiet.
«L’arrestation de Lappa m’a beaucoup peiné»
Un ancien membre de votre groupe, en l’occurrence Lappa Diagne, a été arrêté pour détention de drogue. Qu’est-ce que cela vous a fait d’entendre cette nouvelle ?
Cela m’a vraiment peiné de le lire à travers la presse, d’autant plus que c’est ma photo qui a été mise à côté de son nom. Mais c’est la vie et ce sont des choses qui arrivent. Cela n’enlève en rien que Lappa est quelqu’un de bien, c’est mon ami de longue date. Nous avons partagé beaucoup de choses au sein du Super Diamono. J’espère que son incarcération lui permettra de prendre le bon chemin. A toute chose, malheur est bon.
Aviez-vous connaissance de son penchant pour la drogue ?
Non, pour la bonne et simple raison que, je ne m’occupe pas des affaires des autres. Ce n’est pas dans ma nature. Chacun est responsable de sa vie, c’est un adulte et il est conscient de ce qu’il fait. En revanche, ce dont j’ai connaissance, c’est que, cela a été difficile autant pour les fans du Super Diamono que, pour moi qui étais très malade.
Omar Pène est aussi connu pour être un grand défenseur de la cause estudiantine. Comment avez-vous vécu les récents drames, dont la mort de l’étudiant Bassirou Faye, qui ont émaillé l’Université Cheikh Anta Diop ?
Cela m’a vraiment attristé. Depuis un certain nombre d’années, l’université traverse des moments difficiles. Je pense que tous ceux qui sont là-bas y sont pour un but bien précis : étudier et non pour se faire matraquer, encore moins pour se faire tuer. Nous avons besoin de ces étudiants, car, demain, ils seront appelés à gérer les affaires de la cité. S’ils sont mis dans de bonnes conditions qui leur permettent d’étudier dans de bonnes conditions, je ne pense pas qu’il puisse y avoir des problèmes. Ils n’ont fait que réclamer leurs bourses qui tardent à arriver et cela, à juste raison. Ce sont des jeunes qui, pour la plupart, viennent de très loin et n’ont pas d’autres ressources que ces bourses-là. Cette situation a fait qu’aujourd’hui, beaucoup ne font plus confiance à l’université. Ceux qui ont les moyens envoient leur progéniture étudier à l’étranger. Alors que cette université qui porte le nom d’un grand homme ne mérite pas ça. Il va falloir trouver très rapidement une solution pour y remédier et permettre aux étudiants d’étudier le plus normalement du monde. C’est dramatique et c’est pénible, lorsqu’on en arrive à perdre sa vie. La mort de l’étudiant Bassirou Faye doit heurter la conscience de tout Sénégalais.
«C’est dramatique, lorsqu’on en arrive à perdre sa vie à l’université. A ce rythme, au lieu de cadres, ce sont des cancres qu’on va former»
Seriez-vous prêt à aider l’Etat à trouver des solutions à la crise universitaire, s’il faisait appel à vous ?
Bien entendu, en tant qu’ambassadeur de bonne volonté, je suis prêt à servir la cause des étudiants. J’ai créé la chanson «Etudiant» pour les encourager et les aider à persévérer. Je ne dis pas qu’ils ont raison à tous les niveaux, mais quand il s’agit de leurs conditions de travail, mon soutien envers eux est sans faille. Ils étudient dans des conditions extrêmement difficiles. C’est connu de tous, le nombre d’étudiants dépasse, de loin, la capacité des amphithéâtres. J’ai vu dans un reportage qu’ils mettaient des briques pour pouvoir s’asseoir et la sonorisation laisse à désirer. C’est vraiment difficile et l’Etat doit mettre fin à leur calvaire pour leur permettre d’étudier convenablement. A ce rythme, au lieu de former des cadres, on va former des cancres. L’Etat n’a pas besoin de cela. Ceux qui gèrent le pays aujourd’hui sont sortis de cette université. Ils doivent tout faire pour apaiser cette crise.
Pour la soirée du 30 courant, que leur réservez-vous ?
Je les invite à venir en masse afin qu’ils se changent un peu les idées avec ce qu’ils viennent de vivre. D’ailleurs, je suis en train de voir avec l’organisatrice pour que le prix de leurs tickets d’entrée soit réduit de moitié, 5 000 au lieu de 10 000 FCfa qui n’est pas à leur portée et de certains fans du Super Diamono tout court. Je profite de l’occasion pour lancer un appel à tous les mélomanes de la musique sénégalaise. Je leur demande de venir communier avec moi et tous mes autres collègues. Si le Grand Théâtre pouvait refuser du monde, ce serait bien.
Justement, que représente le Grand Théâtre pour vous, si l’on sait que, pour nombres de chanteurs, c’est devenu un challenge. Tout le monde veut aller à l’assaut de ce temple de la culture ?
Le Grand Théâtre n’est pas un challenge, c’est tout juste un lieu comme un autre où je vais me produire. Je suis certes content de jouer dans ce beau cadre, mais j’ai l’habitude de voir même plus grand et impressionnant que ça. Encore plus important, je ne m’y produis pas pour brasser de l’argent, inviter des gens à qui je vais chanter les louanges. Ce qui m’intéresse, c’est fêter mon retour avec mes amis.
Maintenant que vous avez signé votre retour au Sénégal, quels sont vos projets ?
Je pense que je vais reprendre mes soirées comme avant, si je suis sollicité. Je vais aussi poursuivre la réalisation de mon album qui doit sortir à l’international.
Peut-être un concert à l’Ucad ?
Ce sera pour bientôt, Inchallah. Je leur prépare quelque chose quand même.
Est-ce que cela suppose que vous serez plus présent au Sénégal, contrairement à ces dernières années où vous avez privilégié la scène européenne ?
C’était dans le but précis de faire la promotion des albums que j’avais sortis à l’international. Lorsqu’on comptabilise 40 ans de musique, on a besoin de découvrir d’autres horizons, de rencontrer d’autres personnes. J’ai eu l’occasion de le faire à travers les albums que j’ai sortis et j’ai pu jouer avec d’autres musiciens qui ne sont pas Sénégalais. Comme on dit, la musique, c’est donner et recevoir et faire des échanges. En tant qu’artiste, je n’aime pas rester figé sur place. Cela n’enlève en rien au fait que je tiens à mon pays.
Après l’épreuve de votre maladie, est-ce qu’il vous est arrivé de penser à mettre un terme à votre carrière ?
Tant que ma santé me le permet, je vais continuer à chanter. La retraite n’existe pas chez les chanteurs, c’est ça la beauté dans ce que nous faisons. Très sincèrement, je n’ai pas pensé à mettre un terme à ma carrière. En regardant Charles Aznavour qui a 90 ans et qui continue ses tournées, je me dis qu’il me reste encore du chemin à faire…
PAR MARIA DOMINICA T. DIEDHIOU