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AFFAIRE TAUBIRA France, la République abimée* ?
« Maligne comme un singe, Taubira retrouve la banane », c’est le titre qui barre la Une du magazine d’extrême droite Minute, avec une photo de la Garde des Sceaux, ministre de la Justice de la patrie de Marianne. D’origine guyanaise, Mme Christiane Taubira n’en est pas à sa première ignoble attaque raciste depuis qu’elle est devenue membre du gouvernement français.
L’ex-candidate à l’élection présidentielle française de 2002, s’était déjà vue traiter de guenon par une candidate du parti d’extrême droite, le Front national (FN), de Jean-Marie, passé ensuite entre les mains de sa fille, Marine Le Pen. On se croirait au 19ème siècle, au temps de la théorie sur l’inégalité des races de Gobineau. En s’attaquant à l’actuel Garde des Sceaux, ces obscurantistes écervelés ont bien choisi leur cible.
La députée Christiane Taubira, descendante d’esclave, a été l’artisan d’une loi éponyme, adoptée par l’Assemblée nationale française en 2001, et consacrant les traites et l’esclavage comme un crime contre l’humanité, dans une France ancienne puissance esclavagiste. Son nom s’arrime aussi avec la très controversée loi légalisant le mariage homosexuel dans l’Hexagone ,« Le mariage pour tous », votée en mai 2013. S’y ajoute que Mme Taubira n’est pas aussi n’importe qui pour avoir été candidate à l’élection présidentielle française de 2002.
C’est à cette figure emblématique que les forces obscurantistes s’en prennent jusqu’à « lui nier sa qualité d’humain », selon ses propres mots. Le choc est violent. L’attaque dépasse de loin sa personne et sape les valeurs qui ont fondé la République française. Mais, cette dame a su rester digne, en s’abstenant même d’intenter une quelconque action en justice contre ses bourreaux. C’est le chef du gouvernement qui s’en charge.
Elle avait cependant été suffisamment lucide pour observer dans une interview à Libération, que « les réactions n'ont pas été à la mesure. Ce qui m'étonne le plus, c'est qu'il n'y a pas eu de belle et haute voix qui se soit levée pour alerter sur la dérive de la société française.»
C’est à ce moment seulement que l’affaire semble scandaliser la France, la patrie des droits de l’Homme. Et c’est le Premier ministre Jean-Marc Ayrault qui monte d’abord au créneau, dans l’Hémicycle, pour dénoncer « Une ‘’une’’ lamentable, une parution comme celle-là, ce n'est pas de l'information, c'est une infraction qui appelle une sanction. » S’en suit un florilège de condamnations unanimes de la classe politique de tout bord, y compris celle hypocrite pour ne pas dire déplacée de Marine Le Pen. Toutefois, une certaine race d’intellectuels, si prompts à occuper l’espace médiatique français en de pareilles circonstances sont restés curieusement aphones.
La France semble découvrir les démons du racisme. Pourtant, rien de nouveau sous les cieux. La dérive raciste matérialisée par la montée en flèche dans les sondages du FN et les attaques d’un autre âge ne sont que l’aboutissement d’un processus sournoisement établi.
En premier lieu, il est utile de rappeler que la France possède, depuis une trentaine d’années, l’extrême droite la plus forte d’Europe du point de vue de son poids électoral. Le séisme du 21 avril 2002 qui a vu Jean-Marie Le Pen accéder au second tour de l’élection présidentielle au détriment de Lionel Jospin, le candidat du PS, n’en était finalement pas un. C’est le lieu de noter que l’héritage est bien entretenu, puisque les sondages d’opinion prédisent un avenir politique radieux à Marine Le Pen.
Par contre, l’apparition sous les projecteurs d’un racisme anti-noir a été plus abrupte. Toutefois, les milieux ‘’black’’ avaient, dès 2005, senti la nécessité de « bousculer les habitudes et les routines, en posant à la France des questions nouvelles concernant les Noirs de France, les statistiques ethniques, le vote obligatoire, les réparations liées à l'esclavage, les actions de groupe contre les discriminations. » Une préoccupation qui a conduit à la naissance du Conseil représentatif des associations noires de France (CRAN). Il faut ajouter à cela que Nicolas Sarkozy avait déjà donné l’alerte dans son très controversé discours de Dakar en 2007 : « l’homme noir n’est pas assez entrée dans l’histoire. »
Les haines sont cristallisées par une « multinationale » de la haine qui agglomère du Front national, à la droite décomplexée, voire radicale, incarnée depuis plus d’une dizaine d’années par Nicolas Sarkozy (ministre de l’Intérieur avant d’accéder à l’Elysée), en passant par quelques trublions sortis des flancs de la gauche ou de l’espace médiatique. Ainsi, des saillies médiatiques qu’on a qualifiées de dérapages, sont devenues par effet d’accumulation, la règle. « Y a bon Banania, y a pas bon Taubira », ont scandé des ennemis de Mme Taubira, suite à l’adoption de la loi du mariage pour tous. Au-delà d’une opposition de principe à une loi, évoquer le « Y a bon banania » est une insulte de plus aux Tirailleurs sénégalais, au moment où la France entame les célébrations du centenaire de la 1ère guerre mondiale à laquelle des milliers d'entre eux ont participé, au prix d’un énorme sacrifice sanguin, pour défaire le peuple de France des griffes des nations ploutocratiques.
Les dérapages verbaux répétés et assumés à l'égard des étrangers et des Français d’origine étrangère, se sont multipliés : « il y a trop de musulmans en France », Claude Guéant, ministre de l’Intérieur, sous l’œil bienveillant du président Sarkozy. « Il y a trop de Noirs dans l’équipe de France de football, neuf Blacks sur onze. La normalité serait qu'il y en ait trois ou quatre», feu Georges Frêche, député socialiste. « La plupart des trafiquants sont noirs et arabes », Eric Zemmour, journaliste chroniqueur. « Les casseurs sont sûrement des descendants d'esclaves, ils ont des excuses. Taubira va leur donner une compensation», avait twitté le député UMP Jean-Sébastien Vialatte après les casses célébrant un titre de l’équipe de football du PSG.
De telles inepties, cumulées à des actes législatifs ont fait réagir d’illustres Français d’origine africaine. C’est dans ce sens qu’en décembre 2005, afin de marquer son indignation suite au vote d'une loi reconnaissant « le rôle positif de la colonisation française Outre-mer», Aimé Césaire avait refusé de rencontrer Nicolas Sarkozy, le ministre de l'intérieur de l'époque.
Aujourd'hui, les Français se sentent libres, libérés, de pouvoir dire derrière leur président : Les Noirs sont des singes, Christiane Taubira est une guenon.» A ce rythme, c’est la république française qu’on va abimer, comme le redoute Jean-Marc Ayrault.
Le risque est d’autant plus menaçant que « 67% des Français estiment que les immigrés sont mieux traités qu'eux, contre 40 % en 2006, selon un sondage Ifop pour le magazine "Valeurs actuelles", paru hier, 14 novembre 2013.
Preuve que le cas Taubira n’est pas isolé. A l’échelle européenne, sa « jumelle » italienne, d’origine congolaise, Cécile Kyenge, ministre de l’Intégration de la Péninsule, a tout vu et tout entendu en termes de cris de singe, depuis sa nomination.
De la matière pour les associations de défense des droits de l’homme d’Afrique et de la diaspora.
*C’est la république qu’on abime » propos du PM Jean-Marc Ayrault
source: http://www.sudonline.sn/france-la-republique-abimee-_a_16267.html