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Mme Aminata Touré balance-t-elle entre le Capitole et la Roche Tarpéienne ? Réponse hésitante voire dubitative pour les observateurs. Du coup, c’est avec de frêles pincettes et une grande réserve qu’il faut prendre puis aborder cette actualité hérissée d’interrogations. Chaque question étant grosse d’une autre. Exemple : s’agit-il d’une tempête (médiatique) dans un verre d’eau ou d’un ouragan imminent sur le point de balayer la passerelle de confiance entre le Président de la république et son Premier ministre ?
La vérité politique – comme d’habitude – se situe dans un juste milieu, lui-même, difficile à situer. Car, en effet, on conçoit mal que la presse (toutes lignes éditoriales confondues) jongle, une semaine durant, avec l’artifice et la fiction. L‘exagération et l’excès ayant forcément des points de départ, on est tenté de traquer (le mot est infernalement à la mode) des bribes de réalité dans ce feuilleton dont l’épilogue immédiat ou lointain renseigne, d’ores et déjà, sur le degré de pollution de la vie gouvernementale. Et de son corollaire : la tension subitement infligée aux institutions.
De prime abord, la perspective d’un limogeage d’Aminata Touré, moins d’un semestre après l’éviction de son prédécesseur Abdou Mbaye, est le parfait indice d’une gouvernance ubuesque. Déjà, le fait de remplacer un pur produit de HEC (politiquement inoffensif) par une louve aux dents longues, a été un impair que les potentielles ondes de choc du dossier Hissène Habré, ne justifient pas valablement. User encore et encore des prérogatives constitutionnelles pour révoquer et encore révoquer, serait une illustration de l’incompétence présidentielle à choisir et à responsabiliser les uns et les autres. S’agissant de la chute éventuelle de l’actuel chef du gouvernement, ce serait très ironiquement l’aboutissement de l’accélération de la cadence vers la discorde au sommet de l’Etat.
A quelque chose, bruit est bon. Artificielle ou pas, cette crise permet aux analystes, de promener un faisceau de lumière sur les relations de subordination et de travail – constitutionnellement encadrées – entre le chef de l’Etat et le chef du gouvernement. A cet égard, des explications truffées d’évidences ont été fournies par des proches de Macky Sall. Abou Abel Thiam et Youssou Touré ont dit et répété que le Président nomme le Premier ministre et peut mettre fin à ses fonctions, à tout moment. C’est là une évidence du genre : « L’Angleterre est une ile ». L’autre réalité – moins évidente mais perceptible – est le hic entre la clarté de la Constitution et la pénombre du vécu, au quotidien, dans l’appareil et l’espace gouvernementaux.
En effet, des griefs sont alignés en vrac et en grand nombre contre Mme Aminata Touré. Quelles sont distinctement la part d’adversité politique et la portion d’appréciation rigoureuse dans ce flot de reproches ? Ont-ils (ces griefs) engendré des agacements réciproques ou installé des divergences profondes entre les têtes de l’Exécutif ? « Laissons l’avenir venir » chantait Tino Rossi. En attendant, on peut alimenter sainement le débat, en dressant une courte liste de remarques dont la prise en compte aura la vertu de prévenir ou de stopper la détérioration des relations entre celui qui définit la politique et celle qui la met actuellement en œuvre.
Dans un régime présidentiel sinon présidentialiste (cas du Sénégal) le Premier ministre est strictement le premier d’entre les ministres. Ce qui induit une somme de servitudes, en l’occurrence des corvées et des sacrifices, que le chef du gouvernement assume stoïquement dans le domaine politique. Et également dans une posture protocolaire. Fusible et paratonnerre de Macky Sall, Aminata Touré doit en permanence ferrailler sur le front social et – à l’occasion – batailler dans le champ politique. Or, force est de constater que Mme Touré papillonne beaucoup autour du Président, au point de rendre aléatoires l’efficacité et la productivité de l’appareil d’Etat. Sans parler de l’altération des règles protocolaires qui ont un soubassement politique.
Revenir en hélicoptère avec le Président sur le site de Keur Momar Sarr (pourtant visité la veille), assister aux audiences présidentielles avec le CNRA et avec la Commission Nationale sur les Loyers, coller au chef de l’Etat lors du voyage pré-Magal de Touba et s’afficher avec Macky Sall au seuil du Gamou – nonobstant la visite programmée du ministre de l’Intérieur à Tivaouane – sont des faits et gestes qui suggèrent que la division du travail entre la Présidence et la Primature pèche par un déficit criard de méthode et d’organisation. En outre, ils laissent croire que le Premier ministre n’a pas une pile de dossiers urgents et brûlants sur sa table. Enfin, ces comportements prouvent que le besoin de visibilité est irrésistible chez Aminata Touré.
Bref, c’est protocolairement inhabituel et politiquement troublant. Voire louche. Dans les pays autrement mieux organisés sur ce plan (France, Cameroun, Burkina, Sénégal d’avant l’ère Wade etc.) la présence du Premier ministre à la Présidence – en dehors des Conseils des ministres – est motivé par un évènement relayé par la presse. Tellement le Palais présidentiel et la Primature travaillent étroitement mais séparément. Curieusement, dans le Sénégal de Macky Sall et d’Aminata Touré, le chef du gouvernement accompagne des visiteurs chez le Président qui dispose pourtant d’une armada de conseillers pour l’assister au cours des audiences.
Dans le même ordre d’idées, figurer – ou s’arranger pour figurer – parmi les 100 personnalités les plus influentes de la planète n’est la meilleure façon de rassurer un Président auquel on doit la notoriété ainsi distinguée. Une gaffe fatale. On ne porte pas impunément ombrage à un chef d’Etat. Si le Premier ministre était féru (e) d’Histoire, le syndrome Hassan II – Général Oufkir serait remonté à la surface de sa mémoire.
Puissant ministre de l’Intérieur du Maroc et artisan du rapt tragique de l’opposant Mehdi Ben Barka, le Général Mohamed Oufkir faisait régulièrement la « Une » de Paris-Match, avec sa photo ainsi légendée : « Voici l’homme fort du Maroc ». Furieux et jaloux, Hassan II organisa alors une partie de chasse surmédiatisée à Ifrane. A l’heure de la pause-déjeuner, devant une cinquantaine de journalistes, le Roi ordonna à haute voix : « Général Oufkir, l’homme fort du Maroc, venez m’enlever les lacets de mes bottes !». Le pauvre Général s’agenouilla et tira les lacets du Souverain, par ailleurs, chef suprême des Forces armées royales (FAR).
Macky Sall n’est évidemment pas un Roi. La gouvernance démocratique étant aux antipodes du despotisme tyrannique jadis en vigueur sur les bords de l’Atlas, les mœurs et les modalités habillent autrement les décisions et les pratiques, au Sénégal. On se rappelle qu’en 2004, la disgrâce et le limogeage du Premier ministre Idrissa Seck furent laborieux et tumultueux. Et, surtout, ponctués par la diffusion d’une cassette…de feu. L’expérience étant le nom par lequel on baptise les erreurs antérieures, le départ envisagé ou non de l’actuel Premier ministre met en relief la nécessité d’une grande vigilance. Les inconditionnels du chef de l’Etat lisent la Constitution à haute voix et concluent péremptoirement : « Il suffit d’une pichenette pour écarter le Premier ministre ». Oui mais…
Les militaires nous enseignent aussi qu’il suffit d’une seconde pour appuyer sur le bouton qui allume le feu nucléaire. Attention aux bombes à retardement ou à neutrons qui explosent soudainement et consécutivement à la séparation ! Pour rappel, c’est Mme Touré qui a fait la déclaration de patrimoine du Président de la république, en 2012; et par conséquent, sait mieux que Sidy Lamine Niasse, ce qu’il y a réellement dedans. Est-ce pour conjurer de tels dégâts collatéraux que certains faucons excités préconisent la suppression de la Primature ? Idée indigente. Autant soigner des migraines à l’aide d’une machette, en séparant la tête du malade de son cou. En d’autres termes, on ne tue pas une mouche avec un marteau-pilon. Un décret présidentiel peut changer le ou la titulaire, sans brûler la fonction ni enterrer la mission.
Il est courant de changer un Premier ministre qui montre des signes d’épuisement. Il sera inédit de remplacer un chef du gouvernement qui – au contraire – étale des signes de frénésie. Sauf si sa loyauté n’est pas au-dessus de tout soupçon. La Constitution est claire, mais la politique est clair-obscur. Le temps et le Président nous édifieront incessamment .