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Les socialistes sont passés maîtres dans l'art d'organiser des congrès, ces grand-messes dont l'issue est très souvent jouée d'avance entre couloirs étroits et manœuvres souterraines... Avec le prétexte du congrès des 6 et 7 juin prochains, EnQuête vous replonge dans quelques-uns de ces événements, entre Senghor, Diouf et Tanor.
Le Parti socialiste (PS) a prévu de tenir son congrès les 6 et 7 juin prochains. Plusieurs fois reporté (pour des raisons internes), il sera l’occasion pour les militants de désigner leur prochain secrétaire général. Au-delà du rituel, le congrès du PS a toujours charrié des passions, au regard des enjeux politiques qui l’entourent. Si le congrès de cette année a la particularité d’opposer, pour la première fois, deux candidats, Ousmane Tanor Dieng, Sg sortant, et Aïssata Tall Sall, porte-parole du parti, les éditions précédentes se sont déroulées sans surprise en raison de l’absence de compétitions internes.
Le Bloc démocratique sénégalais (BDS), ancêtre du PS, a tenu son premier congrès ordinaire le 27 février 1957, après la sortie de Léopold Sedar Senghor de la Section française de l’internationale ouvrière (SFIO) dirigée alors par Lamine Guèye avec le président Léopold Sedar Senghor. C’est avec l’Union démocratique sénégalaise (UDS) et le Mouvement indépendantiste casamançais (MIC) que ce dernier met sur pied le BDS. Néanmoins, les deux hommes se retrouvant en 1958, le BDS et la SFIO fusionnent pour donner naissance à l’Union progressiste sénégalaise (UPS).
1960. Le Sénégal accède à l’indépendance. Surviendra le ‘’coup d’Etat’’ de Mamadou Dia en décembre 1962. Le président Senghor, en quête de légitimité populaire, convoque le second congrès de son parti en 1963. Un congrès dont l’issue est connue d’avance. Seul candidat en lice, il est plébiscité. De quoi le renforcer politiquement à la veille de l'élection présidentielle du 1er décembre qu'il remporte aisément. Quatre ans plus tard, l’UPS tient un autre congrès ordinaire. Et sans surprise, Senghor rempile. Malheureusement, son élection intervient dans un contexte social trouble.
Celui de Mai 68. Une grève générale est décrétée par les centrales syndicales en solidarité aux étudiants arrêtés par les forces de l’ordre. Des émeutes éclatent un peu partout dans le pays au point que l’Etat décrète le couvre-feu. Ces événements, reconnaît Cheikh Sèye, secrétaire permanent du Parti socialiste contacté par EnQuête, ’’ont impacté sur la marche du PS’’ même s'‘’ils n’ont pas emporté le parti’’ qui, à cette époque, ‘’était très fort et soudé’’.
Cette ‘’page sombre’’ tournée, Senghor s’engage à réformer son parti. Et l’une des réformes majeures du congrès de 1976 est la naissance du Parti socialiste. Ce congrès sert de tribune à Senghor pour lancer sa campagne pour la présidentielle de 1978. Pour atteindre sa cible, il tient un discours pour le moins atypique. ‘’Sénégalais, Sénégalaises, si vous voulez que je me réconcilie avec Sékou Touré (premier président de la Guinée), élisez-moi au premier tour’’.
Un témoin, sous le couvert de l’anonymat, décrypte le message. ’’A l’époque, les deux hommes ne s’aimaient pas. Sékou Touré passait son temps à insulter le Président Senghor à travers les ondes de la radio nationale guinéenne. Et puisque beaucoup de gens souhaitaient leur réconciliation, Senghor, en fin politique, a joué sur ça’’. Une stratégie payante puisque le candidat du Parti socialiste remporte le scrutin face à ses adversaires Abdoulaye Wade (Parti démocratique sénégalais, PDS) et Majmouth Diop (Parti africain de l'indépendance, PAI). Le score est sans appel : 82,02% pour Senghor contre 17,38% pour Wade). Comme pour respecter ses engagements, le président réélu invite son homologue guinéen à Dakar en 1979.
Toutefois, Senghor ne finit pas son mandat. Face à de graves difficultés économiques que le pays traîne depuis le choc pétrolier de 1973, conjuguées à la sécheresse dans le monde paysan, il choisit (où est contraint) de quitter le pouvoir. Nous sommes en 1980. Alors que l’on s’attend à des élections anticipées, il choisit de démissionner, au profit de son Premier ministre, Abdou Diouf, qu’une modification préalable de la constitution désigne pour lui succéder à la tête de l'Etat. Sitôt installé, Diouf semble opter pour la ‘’rupture’’ dans sa démarche.
Abdou khadre Cissokho : ‘’En 1984, il n’y a pas eu de purge contre les proches de Senghor ’’
Au congrès de 1984, le très placide président est déjà accusé d’avoir ’‘’opéré une purge’’ à l’intérieur du Parti socialiste. ‘’Sous l’influence de Jean Collin, il a éliminé tous les amis de Senghor : Alioune Badara Mbengue, Amadou Cissé Dia, Amadou Clédor Sall, etc. On lui a fait croire que tant qu’il laissera ces gens-là dans le parti, ils constituaient une menace pour lui’’, confie notre interlocuteur. ’’C'est totalement faux’’, rétorque Abdou Khadre Cissokho, ancien président de l’Assemblée nationale, joint par EnQuête. ’’Il n’y a pas eu de purge. Diouf est poli et respectueux. C’est normal qu’il y ait une révolution. Il fallait laisser la place aux jeunes’’, explique l’actuel président du Comité des sages du PS.
Quoi qu’il en soit, ce congrès de 1984 permet à Diouf d'asseoir une certaine légitimé. Mieux, il bénéficie du soutien de certains leaders de l’opposition dont Iba Der Thiam, qui crée le fameux mouvement ’’Abdoo gnou doy’’ (Abdou nous suffit). En revanche, Diouf doit surmonter les contradictions internes de son parti caractérisées par une querelle de leadership entre Moustapha Niasse et Djibo Kâ, respectivement ministre des Affaires étrangères et ministre de l’Education.
‘’En pleine réunion du Bureau politique, Kâ s’en prend à Niasse en disant qu’il se prenait pour le centre du monde. Touché à l'orgueil, Niasse lui administre un coup de poing en pleine figure’’, raconte-t-on. La sanction du PS est sans appel. Le futur fondateur de l'Alliance des forces de progrès (AFP) est expulsé du gouvernement et suspendu du parti. Un observateur de la scène politique, à travers cette sanction, retient une chose : ‘’Il y a en réalité une volonté d’étouffer les velléités de Niasse dans le parti’’, face à Diouf.
Le vide étant fait autour lui, Abdou Diouf est investi sans anicroche au congrès d’investiture de 1988 pour la présidentielle de cette année. Il est élu à la tête du pays face à son challenger historique, Me Abdoulaye Wade. Deux ans plus tard, bis repetita ! Diouf, candidat à sa propre succession, rempile à la tête du PS.
A cette occasion, il est rappelé son fameux message qui, à bien des égards, avait des intonations de la traque des biens mal acquis d'aujourd'hui. ’’Camarade, lance-t-il, je sais que vous avez gardé des milliards à l’étranger et que vous les avez acquis licitement. Mais je vous demande de les ramener’’.
Il a fallu attendre le congrès de 1996 pour que la donne change. Et le déclic vient de Djibo Kâ. En froid avec son leader, il crée avec quelques responsables socialistes, un courant du ‘’Renouveau’’. Mais face aux ambitions clairement affichées d’Ousmane Tanor Dieng, alors tout puissant ministre d’Etat chargé des services et affaires présidentiels et très proche de Diouf, Djibo Kâ ne semble pas avoir beaucoup de chance de prendre le parti. ‘’Les choses étaient déjà pliées, confie-t-on. La veille du congrès, on avait fait venir des militants de partout pour remplir la salle du congrès. Les gens ont passé la nuit là-bas pour éviter que les partisans de Djibo Kâ perturbent l’élection de Tanor’’.
Une version que réfute le président du comité des sages du PS. ‘’Ce qui s’est passé, indique M. Cissokho, c’est qu’on avait mis en place un comité scientifique qui a fait un rapport. Lequel rapport est renvoyé à la base qui le renvoie à l’union régionale. Celle-ci apporte la contradiction en plénière. S’il y a quelqu’un qui n’est pas d’accord, il le dit’’. Pour Cissokho, ‘’c’était un congrès bien organisé et non un congrès sans débat’’, comme veulent le faire croire les dissidents du PS.
D’ailleurs, l’ancien maire de Tambacounda tient à faire une précision à propos de l’animateur du courant Renouveau. ‘’Djibo Kâ avait une fonction dans le parti alors qu’il n’avait été élu ni par un comité, ni par une coordination, encore moins par une union régionale. Si on respectait les textes, il n’aurait pas eu autant de responsabilités dans le parti’’.
Ce très controversé congrès consacre finalement l’élection de Tanor Dieng comme ‘’Premier secrétaire’’ du Parti socialiste, en remplacement de Diouf qui en devient le président. En 2000, le régime socialiste est congédié du pouvoir. Le PS perd plusieurs de ses responsables qui ont transhumé vers les prairies bleues. Cette saignée contraint le parti à faire sa mue.
Contesté par une frange du parti qui réclame la tenue d’un congrès et son départ, Tanor Dieng résiste. Il faudra finalement attendre 2007, année d'élection présidentielle, pour qu’un congrès se tienne. Sans surprise, Tanor Dieng, sans adversaire, est reconduit à la tête du PS. Après une pause de 7 ans, le Parti socialiste va à nouveau faire face à son destin. Son congrès des 6 et 7 juin 2014 annonce déjà les signes d’une lourde bataille interne, avec comme enjeu, déjà, la succession future de... Ousmane Tanor Dieng...
DAOUDA GBAYA
source:http://enqueteplus.com/content/congres-du-parti-socialiste-de-1957-2014-chronique-d%E2%80%99un-rituel-controvers%C3%A9