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Dr Safiatou Thiam sur la lutte contre le Sida : «Il faut changer notre façon de faire»

SANTÉ & ENVIRONNEMENT
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La nouvelle secrétaire exécutive du Conseil national de lutte contre le Sida (Cnls) veut impulser une nouvelle dynamique dans la réponse au Vih / Sida au Sénégal, tout en assurant néanmoins la continuité. Dr Safiatou Thiam, médecin de santé publique et expert/Sida, qui s’est confiée au journal Le Quotidien, dans le cadre du partenariat qui lie le Cnls au Groupe avenir communication (Gac), éditeur dudit journal, a estimé devoir changer certaines approches dans le déroulement des activités, pour arriver à de meilleurs résultats. Ancien ministre de la Santé et active dans le programme Sida depuis 1995, elle liste ici les axes sur lesquels elle compte s’appuyer pour mener à bien sa mission.

Vous êtes à la tête du Cnls depuis quelques semaines maintenant. Quels sont les défis les plus urgents qui s’offrent à vous ?
C’est vrai que je suis venue en plein processus de révision de la Stratégie nationale et de mobilisation de fonds, notamment dans le cadre du nouveau modèle de financement du Fonds mondial, le New funding model. Avant de venir ici, je travaillais déjà dans le cadre du New funding model, en appuyant le Ccm du Sénégal, qui est l’instance de coordination des projets du Fonds mondial, pour les appuyer à mener le dialogue pays. Vous savez, le Fonds mondial a recommandé aux pays, aujourd’hui, en plus d’avoir une Stratégie de base et de demande de financements dans une Stratégie nationale, d’organiser un dialogue avec tous les partenaires du pays, pour définir les priorités qui doivent être financées par le Fonds mondial. Et donc, moi j’appuyais déjà le Ccm du Sénégal dans ce cadre-là pour faire le dialogue pays avec l’appui du cabinet Oasis, qui est un cabinet privé et financé par l’initiative de la Gtz (Coopération allemande). 
Aujourd’hui, je me retrouve dans la position de coordonnateur dans la lutte contre le Sida et je suis obligée de continuer le processus. Donc, j’ai trouvé qu’il y avait une feuille de route qui avait déjà été faite, notamment pour la révision de la Stratégie nationale. J’ai accepté de respecter les délais, parce que l’Administration est une continuité, malgré les délais très serrés que rien ne justifiait. On avait largement le temps de travailler au moins jusqu’en septembre – avec un deadline au 15 juin - pour la soumission d’une note conceptuelle pour mobiliser les ressources du Fonds mondial. Je vais respecter cette feuille de route. On a regroupé tous les acteurs dans un atelier national le 14 mars dernier, pour qu’on ait un consensus sur la suite du processus. 
Donc, nous avons effectivement décrit ce qui a été réalisé et planifié pour le reste du processus, en respectant le deadline du 15 juin. Donc, nous nous sommes entendus sur le processus, sur le délai et sur les activités majeures à réaliser. Parce que j’ai tantôt parlé du dialogue pays, qui n’était pas dans le processus avant, mais que j’ai inclus dedans. C’est une étape faite par l’initiative du Ccm et nous allons conduire la coordination technique de ces étapes. 
C’est la consultation des acteurs-clés, il faut organiser des consultations et concertations avec la société civile, y compris les populations-clés, avec les personnes vivant avec le Vih, les personnes vivant avec la maladie de manière générale et nous allons conduire ce processus-là pour qu’il y ait une bonne appropriation de la Stratégie nationale, pour qu’elle soit alignée à la Stratégie du développement socio-sanitaire du pays. 
Là, vous nous dites exactement ce que vous êtes en train de faire ou de reprendre depuis votre nomination…
Oui, c’est vrai, mais c’est très important. J’ai mis en place un comité de pilotage pour l’élaboration du plan stratégie et j’ai formalisé la mise en place des groupes de travail. La semaine dernière (l’entretien a été réalisé lundi dernier), tous les groupes de travail ont travaillé. Certains à la Division Sida, d’autre à l’Ancs et d’autres ici, chez nous. Vendredi, nous avons passé toute la journée – le matin et l’après-midi – à partager les résultats des travaux de groupe. Aujourd’hui (lundi), nous avons partagé la première étape du plan avec le comité de pilotage et nous sommes en train de finaliser notre plan stratégique, qu’on va encore partager avec les partenaires pour le valider. 
Nous avons aussi mobilisé l’assistance technique des partenaires, avec l’aide d’un consultant, pour appuyer le dialogue pays. Il y a des études qu’il faut faire pour compléter notre plan stratégique, notamment la revue des dépenses pour le Sida, parce que, si on demande de l’argent, il faut qu’on explique comment l’argent a été utilisé. J’étais tout à l’heure en réunion avec un représentant de l’Onusida, qui va nous appuyer pour faire la revue des dépenses. Nous allons faire aussi d’autres études : la revue du système de suivi-évaluation, c’est l’auto-évaluation du système de suivi-évaluation. C’est une méthodologie qui existe et qui a déjà été utilisée dans beaucoup de pays, qui a peut-être même été utilisée ici. Pour voir ce qu’il faut appuyer pour renforcer notre système de suivi-évaluation. Donc, vous verrez que nous sommes en même temps dans beaucoup d’activités, mais à terme c’est pour avoir un plan stratégique de qualité. Et je suis confiante, on aura ce plan stratégique de qualité et une note conceptuelle à donner au Fonds mondial. Je peux dire que, pour le moment, c’est ça les urgences, mais c’est vraiment très serré avec un calendrier très chargé et il faut travailler tous les jours.
Vous avez parlé de la nécessité de revoir les dépenses. Est-ce une forme d’audit de tout ce qui a été fait antérieurement ?
L’audit fait naturellement partie de nos activités. Donc chaque année, nous faisons un audit du programme. En ce moment, nous sommes en train – ça fait aussi partie des chantiers – de mener le processus de recrutement d’un cabinet pour faire l’audit financier du programme, qui est un impératif comme tout autre programme. 
Mais à la lecture de ce que vous venez de dire, c’est comme si vous êtes en train de remettre en cause ce qui a été déjà fait… 
Je ne peux pas remettre en cause ce qui a été fait, car ce n’est pas respecter les acteurs. Parce que, tout ce qui a été fait jusque-là, l’a été avec tous les acteurs et donc moi, naturellement. Mon action va s’inscrire dans la continuité. Maintenant, je vais impulser le programme. C’est en fonction de moi, de ma façon de faire, ma vision et ma façon de travailler, mais je ne peux pas remettre en cause quoi que ce soit, parce que je pouvais par exemple dire que le processus est serré. Si j’avais demandé un autre délai, on me l’aurait accordé parce que naturellement je viens d’arriver. Mais j’ai tenu à respecter les délais qui ont été fixés. Cela signifie, pour moi, de travailler plus et de façon plus intensive, solliciter les gens tous les deux jours pour des réunions, mais je compte respecter les délais et la continuité du service.
Vous venez au moment où les financements se font de plus en plus rares. La société civile ne cesse d’exprimer ses inquiétudes. Etes-vous optimiste par rapport au financement de ce plan stratégique ?
Je suis optimiste, sinon je n’aurai pas accepté de travailler ici. Mais je suis consciente que l’avenir de la lutte est dans les stratégies de pérennisation qu’on va trouver. On ne peut pas dépendre à 80% de bailleurs de fonds. D’un fonds qui, lui-même, dépend de donateurs. Si les donateurs arrêtent, le Fonds mondial va arrêter et est-ce que les programmes vont s’arrêter ? Je ne crois pas. Donc, nous devons maintenant réfléchir à des stratégies pour pérenniser la lutte contre le Sida. La première stratégie, c’est faire le plaidoyer pour que l’Etat augmente sa participation. L’Etat fait déjà beaucoup, parce qu’il finance l’achat d’Arv à hauteur de 1,3 milliard. Egalement, l’Etat prend en charge le fonctionnement du Cnls à hauteur de 850 millions. Mais malheureusement, plus de la moitié du personnel, plus de 80% du personnel ici, est payé par un projet du Fonds mondial. Et donc, si ce bailleur se retire, toutes ces personnes vont se retrouver au chômage et il faudrait que le service continue. Donc, dans notre stratégie, c’est faire le plaidoyer pour qu’il y ait plus de financements de l’Etat, à travers les autres ministères. Aujourd’hui, le Fonds mondial nous appuie pour des financements qui ne sont pas très élevés. Les montants sont en dessous de 50 millions ; donc, à la portée de notre Etat. 
Il faut également qu’on réfléchisse à des financements novateurs. D’autres pays l’ont essayé par exemple avec des taxes sur les billets d’avion. C’est un petit montant qui permet de financer au moins des traitements. Il y a sûrement d’autres stratégies, comme la mobilisation du secteur privé. Dans d’autres pays, le secteur privé participe. Nous pensons qu’il y a des financements que nous donnons au secteur privé, mais ça ce n’est pas vraiment la vocation d’un secteur privé. Un secteur privé doit même mobiliser des fonds sociaux, appuyer des plans d’action de son secteur privé, mais aussi appuyer la lutte contre le Sida. Maintenant, il faut continuer à réfléchir à des stratégies nouvelles pour financer la réponse.
Mais il y a la taxe Sida, proposée par l’Ancs. Il suffit juste de mûrir l’idée et la concrétiser… 
Je pense que c’est difficile de – je ne dis pas que c’est impossible – faire accepter facilement aux gens des taxes pour la lutte contre le Sida. Si on demandait aux personnes de cotiser pour des médicaments, ce serait plus facile à faire accepter. Mais payer pour des stratégies, je ne sais pas ce qu’il y a derrière cette taxe-là, mais j’attends d’avoir plus d’informations sur elle. Mais moi, je suis pour le principe de la mutualisation. C’est-à-dire, voir dans quelle mesure on s’intègre dans la Cmu. Mais pas en termes de gratuité. Il faut qu’on revoie notre façon de faire et changer un tout petit peu de paradigme. C’est-à-dire, voir dans quelle mesure on peut demander aux gens de cotiser pour prendre en charge le risque de tomber malade. Je pense que c’est ça, le principe de la Couverture maladie universelle (Cmu) et faire gérer les cotisations par une institution. 
Je pense que ce sont ces stratégies qu’il faut mettre en place. Et si on les met en place, on va voir que la courbe va changer d’allure et à un moment, on va croître la courbe de financement des bailleurs, qui est en train de descendre.
L’un des objectifs majeurs de ce plan stratégique, c’est de maintenir le taux de prévalence à moins 1%. Pensez-vous que ce chiffre est toujours rationnel ?
Oui, le plan stratégique que nous sommes en train de faire, nous le voulons très ambitieux. Ce n’est même pas maintenir, on veut vraiment faire changer la tendance et c’est possible. C’est fait dans d’autres pays. Jusque-là, le Sénégal a un peu stagné. Nous sommes autour de 0,7% depuis des années. Mais il faut bien qu’on descende et il y a beaucoup d’éléments qui militent en faveur de ça. D’abord, les jeunes sont moins infectés. Donc, si on essaie de faire une stratégie pour avoir une génération sans Sida, en travaillant sur l’élimination de la transmission mère-enfant du Vih, en travaillant sur la réduction du risque considérable du Vih chez les enfants, en traitant toutes les personnes-clés dépistées, en faisant des stratégies qui ciblent essentiellement les personnes chez qui la transmission du Vih se fait le plus … je pense que, si on fait tout ça, on peut aboutir à des résultats. Donc, c’est ce que nous sommes en train de faire : de voir dans quelle mesure vraiment bien cibler dans nos interventions et peut-être diminuer les interventions de grande envergure qui n’étaient peut-être pas efficaces. Par exemple, quand on appelait les gens, quand on tapait le tam-tam, etc. sans pouvoir mesurer ce que ça fait en termes d’impact dans la lutte contre le Sida. Donc, on voudrait aujourd’hui voir l’impact de toutes les interventions qu’on met en œuvre.
Donc, vous voulez dire que certaines stratégies menées par le passé n’ont eu aucun impact sur les résultats actuels…
Vous savez, le Sénégal a signé des engagements pour traiter des personnes d’ici 2015. Nous allons juste mettre ces engagements-là dans le plan stratégique et essayer de les respecter. C’est vrai que pour cela, il faut un «reciblage» et c’est logique. C’est-à-dire que si tu demandes à quelqu’un d’aller plus loin, mais avec le même temps, il faut qu’il aille plus vite, qu’il prenne une voiture s’il était sur un vélo. Je veux dire, c’est juste ça. On va changer nos stratégies pour atteindre la cible. Donc, on va avoir des cellules beaucoup plus ambitieuses et peut-être beaucoup plus focus. Maintenant, si on veut des cellules beaucoup plus ambitieuses et beaucoup plus focus, il faut qu’on change notre façon de faire. Si on procède toujours de la même manière, on ne va pas atteindre ces cibles. Donc, ce n’est pas vraiment remettre les choses en question, mais c’est comme si maintenant, tu quittes un point A pour aller à un point B. 
Vous remplacez Dr Ibra Ndoye, connu comme étant un des pionniers de la réponse au Sénégal. Pensez-vous pouvoir faire mieux que lui ?
Pourquoi faire mieux que lui ? Je vais faire différemment. Déjà, je suis une femme, donc je vais apporter ma touche personnelle, mais il n’y aura pas une grande différence. Parce que je suis issue de la même école que Dr Ndoye, j’ai été formée à ses côtés et nous n’avons pas une vision très différente de ce que nous devons faire dans la lutte contre le Sida. Et je suis aussi militante que Dr Ndoye dans la cause du Sida. Je suis dans le Sida depuis 1995, donc je ne suis pas si jeune que ça, alors il n’y a pas de problème. Je m’inscris dans la continuité de la consolidation des acquis qu’on a eus sous le leadership de Dr Ndoye. Je reconnais franchement ses valeurs, c’est un très grand travailleur et je sais bien ce que je dis, pour avoir travaillé directement avec lui pendant 12 ans. Dr Ndoye n’avait pas de vie en dehors du Sida. Mais moi j’ai une famille, je suis une femme, j’ai mon mari et mes enfants … J’essaierai d’équilibrer ma vie entre mon travail et ma famille, d’aspirer à une vie de qualité, mais j’essaierai de prendre les résultats là où Dr Ndoye les a laissés pour les amener plus loin. Mais ça je le ferai avec ma stratégie, ma façon de travailler, mais je ne vais pas copier exactement Dr Ndoye. Parce que je ne peux pas, Dr Ndoye n’avait pas de famille.

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SOURCE: http://www.lequotidien.sn/index.php/la-une2/6692-dr-safiatou-thiam-sur-la-lutte-contre-le-sida--il-faut-changer-notre-facon-de-faire