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Le retentissement médiatique charrié par le ralliement de Me Aïssata Tall Sall à Macky Sall a eu le don de noyer l’enjeu autour du retour, apparemment avorté s’en que cela ne génère grand bruit, de Karim Wade. On peut même dire que des « recalés » ont exploité ce vacarme comme une bouée de sauvetage pour discrètement opérer un reniement : qui en rejoignant, toute honte bue, le camp du président de la République sortant, qui d’autres en intégrant un cadre, dans les coalitions de l’opposition, où ils n’étaient pas attendus.
C’est dire que le problème dépasse les contingences morales où le simplisme de la première vue cherche à le confiner. Il est beaucoup plus structurel que conjoncturel et est fondu dans le mouvement de l’histoire politique du Sénégal.
A la fin des années 50, après avoir subi deux échecs cuisants en 1951 et en 1956 face au binôme Senghor-Dia, Me Lamine Gueye rejoignit ses ex-poulains de la Sfio. On assista alors à la naissance de l’Union progressiste sénégalaise (Ups) par une fusion-absorption qui va conduire le Sénégal aux Indépendances. Dans ses mémoires, l’ancien ministre d’Etat feu le Pr. Assane Seck revient sur cette séquence de l’histoire des regroupements politiques et semble attribuer la paternité de l’Ups à Me Lamine Gueye qui aurait donné le nom du bébé. Alors que l’heure était à la formation de partis supranationaux comme le Rda de Félix-Houphouët Boigny et de Sékou Touré, toute tentative de relier le rapprochement à une « transhumance » paraitrait incongrue. D’ailleurs, c’est fort de cette légitimité grandissante que le triumvirat à la tête de l’Ups Senghor-Dia-Gueye convaincra Modibo Keïta de la nécessité de créer la Fédération du Mali, qui fera long feu pour des raisons connues.
Dans les années 60, mêmes les radicaux du Pra-Sénégal (Assane Seck, Abdoulaye Ly, Amadou Makhtar Mbow » (qui avaient appelé à voter Non au référendum de 1958), accepteront d’intégrer le gouvernement de l’Ups. Dans la foulée, le marabout Cheikh Tidiane Sy signera la paix des braves avec Senghor. Seul Cheikh Anta Diop est resté dans l’opposition, de cette période à l'ouverture démocratique du mitan des années 70.
Entre 1978 et 1983, le Parti démocratique sénégalais avait perdu la moitié de ses 18 députés, suite à « l’opération de démantèlement » théorisé par Jean Collin.
Qui ne se souvient des multiples allers-retours de l’opposant Abdoulaye Wade entre la « République » et la « rue publique » dans le cadre de ce qui était appelé Gouvernement de majorité présidentielle élargie (entre 1991 et 1998) ?
En 1993, Amath Dansokho avait soutenu le candidat Abdou Diouf, après avoir dénoncé le style « va-t-en-guerre » du pape du Sopi qui avait une ligne dure sur la crise sénégalo-mauritanienne de 1989. Même Majmouth Diop, le père-fondateur du Pai, avait rejoint Diouf.
La transhumance la plus spectaculaire est celle de Djibo Ka, qui avait rejoint le pouvoir, contre toute attente, entre les deux tours de la présidentielle de 2000. Quelques mois plus tôt, les transfuges du Pds Me Ousmane Ngom, Jean Paul Dias et Serigne Diop (qui avaient quitté Wade depuis 1985) avaient formé une coalition militant pour la réélection du candidat socialiste.
Au lendemain de l’alternance de 2000, la plupart des dignitaires du régime socialiste vont « transhumer » par vagues successives.
A la veille de la présidentielle de 2007, débutèrent les fameuses « audiences du midi », dont le principal personnage était Idrissa Seck. Ce dernier finit par réintégrer le Pds en janvier 2009, avant d'être définitivement exclu de ce parti pour s'être rebellé contre Wade affectant de briguer un 3e mandat.
En définitive, la transhumance politique est un phénomène qui date de longtemps. Sous Macky Sall il est dénoncé, à juste raison, une instrumentalisation de la justice pour accélérer la cadence d’un fait rebaptisé pudiquement « mobilité politique ».