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L’opposition sénégalaise travaille à mettre en œuvre une pluralité de candidats, lors de la présidentielle de 2019, pour bouter hors du pouvoir le régime du président Macky Sall. C’est le moins que l’on puisse dire, au vu des positions toutes tranchées des uns et des autres sur la question de la candidature plurielle de l’opposition. Que ce soit le président du parti Patriotes du Sénégal pour le travail, l’éthique et la fraternité (Pastef/Les Patriotes), Ousmane Sonko, le chargé des élections du parti les Libéraux démocrates réformateurs (Lrd/Yessal), Mouhamadou Faye, le député du Parti pour l’unité et le rassemblement (Pur), El Hadj Issa Sall, le porte-parole du Front pour le socialisme et la démocratie/Benno Jubël (Fsd/B), Ndongo Diaw, ou encore Mamadou Diop Decroix, le patron d’And-Jef/Pads, tous s’accordent sur la nécessité pour l’opposition de présenter des candidatures plurielles.
Pour ce faire, les manœuvres et autres jeux d’alliances se forment pour ne pas trop éparpiller les voix avec des candidatures «farfelues». OUSMANE SONKO, DEPUTE ET PRESIDENT DE PASTEF : «Si l’opposition se retrouve avec un seul candidat, Macky Sall va passer au premier tour»
«Vous savez très bien que ça tombe dans le bon sens et qu’il ne peut pas y avoir une seule candidature. Ça ne s’est jamais passé d’ailleurs au Sénégal. Je ne sais pas pourquoi maintenant on l’agite, on a une longue tradition électorale au Sénégal. Depuis qu’il y a eu l’ouverture, dans les années 1970 jusque-là, on n’a jamais eu de candidature unique de l’opposition. C’est toujours allé en crescendo. C’est-à-dire, d’une élection à une autre, l’opposition pouvait passer de 2 à 5 candidats et je pense que, lors de la dernière élection, il y avait 12 candidats. Donc, historiquement d’abord, c’est la candidature plurielle, mais aussi pour deux autres raisons. La première, c’est qu’on ne peut pas admettre, avec tous les profils qu’il y a actuellement dans l’opposition, chacun ayant travaillé à présenter une vision aux Sénégalais pendant tout ce temps, peut-être même ayant un programme à soumettre aux Sénégalais, qu’on puisse se retrouver autour d’une candidature. Ce qui serait dommage, c’est d’avoir une foultitude de candidatures farfelues, pas crédibles. Je crois que 3 à 5 candidatures de l’opposition, c’est inéluctable. La deuxième chose, c’est qu’il faut analyser politiquement le mode de scrutin. Parce que autant c’était pertinent pour les élections législatives d’avoir une liste unique de l’opposition, autant ça ne l’est pas pour l’élection présidentielle. Parce que le mode de scrutin au niveau des législatives est la majoritaire. C’est-à-dire que celui qui arrive en tête, même s’il n’a que 30% du score et que toute l’opposition réunie se retrouve à 70%, il prend les sièges de député du département. Donc, là c’est pertinent, pour éviter qu’avec des majorités minoritaires, le pouvoir ne prenne le département. Donc, c’était logique que l’opposition travaille pour une candidature unique. Mais, pour la présidentielle qui est proportionnelle à deux tours, dans tous les cas, le président qui sera élu doit avoir 50% et plus pour pouvoir passer. En ce moment, puisque l’électorat est éclaté, il y a des gens qui voudraient aujourd’hui voter pour Idrissa Seck. Mais, si Idrissa Seck dit «je m’allie derrière Abdoul Mbaye, ou derrière Ousmane Sonko», ils peuvent dire «non, Sonko ne me plait pas. Donc, je ne voterais plus pour lui». Pour pouvoir faire le maximum de voix, les profils qui peuvent être plus ou moins sérieux, crédibles, doivent quand même s’organiser pour se présenter et chacun fera le plein de voix par rapport à son électorat. Maintenant, si l’ensemble de ces voix grignotées par chacun de ces gens-là permet d’amener le président sortant au deuxième tour, à partir de ce moment, les gens peuvent faire le report. Donc, stratégiquement, la candidature unique serait une catastrophe. Si l’opposition se retrouve avec un seul candidat, Macky Sall va passer au premier tour, il va nous déclarer un score de 62% et sortir l’armée et la gendarmerie. Maintenant, cela n’est pas contradictoire avec la collaboration qu’il faut au sein de l’opposition. Je le dis, on se voit tout le temps, on discute. On a des cadres où on se retrouve tout le temps avec les Abdoul Mbaye, Idrissa Seck, Thierno Alassane Sall, Malick Gakou, le Pds. Nous nous voyons tout le temps. Ce n’est pas exclusif d’une collaboration pour pouvoir travailler ensemble à surveiller et à contrôler le processus électoral. Nous avons un adversaire commun. Je ne vois pas l’intérêt que j’ai d’aller attaquer quelqu’un comme Idrissa Seck ou autre. C’est-à-dire que quand vous allez à un combat, il faut savoir sérier les priorités(…) Mais, il faut arrêter ces histoires de «il faut gagner ensemble et gouverner ensemble». Ce sont des préoccupations de partage du gâteau, mais ça n’a rien à voir avec le Sénégal».
PR EL HADJ ISSA SALL DU PARTI DE L’UNITÉ ET DU RASSEMBLEMENT (PUR) : «Avec des candidatures séparées au premier tour, chaque parti de l’opposition pourra faire le plein de voix de ses militants»
«Je pense que la candidature plurielle est la seule solution pour l’opposition parce qu’avec les candidatures qui sont déjà déclarés, il sera très difficile de penser à une candidature unique de l’opposition. A l’heure où je vous parle, il y a au moins cinq candidatures issues de l’opposition qui se sont déjà déclarées et on ne pourra pas leur demander de renoncer pour une coalition, cela n’est pas possible. Au niveau de Rewmi, ils ont déjà leur candidat et ce dernier s’est déclaré pour une candidature plurielle de l’opposition et je pense que Malick Gakou avait fait la même déclaration ainsi que d’autres leaders de l’opposition. On va se retrouver certainement au niveau de l’opposition avec cinq ou six candidats, en plus des candidats indépendants peut-être et le candidat de la majorité.Je pense qu’avec des candidatures séparées au premier tour, chaque parti de l’opposition pourra faire le plein de voix de ses militants. Et qu’au second tour, tout candidat de l’opposition qui y arrivera sera supporté par les autres. Cela doit être un pacte signé et au besoin notarié par les candidats de l’opposition qui en feront même l’un de leurs thèmes de campagne. En tout cas, si le Pur devrait partir aux élections, son candidat devrait signer ce pacte. Cette signature devra d’ailleurs se faire de façon solennelle devant le peuple avec une très large diffusion par la presse.Maintenant, il ne faudrait pas que ce soutien soit fait sur la base de calculs mais de façon désintéressée. Car, nous pensons que l’opposition doit rester à sa position d’opposition, faire tout pour conquérir le pouvoir et si elle n’y parvient pas lors de la prochaine élection, continuer à s’opposer jusqu’au jour où le pouvoir lui revient. Car la stratégie de monnayage du pouvoir ne prospère pas et on l’a vu. Puisque, lors de la présidentielle passée, tous ceux qui étaient de l’opposition et qui avaient supporté l’actuel président sont presque tous partis, à commencer par le Rewmi en passant par Amsatou Sow Sidibé qui sont devenus aujourd’hui les plus virulents opposants du régime en place. Nous estimons que quand il faut supporter, il faut le faire de façon désintéressée. Le Pur est donc pour l’engagement de toutes les forces de l’opposition à soutenir tout candidat issu de ses rangs qui sera au second tour. Il faut aussi que nous, de l’opposition qu’on se prépare à faire face à toutes les éventualités puisqu’il se pourrait qu’on se retrouve au soir de cette présidentielle avec deux candidats de l’opposition au second tour. Mais bon, en ce moment, les gens pourront voter pour qui ils veulent.
MAMADOU DIOP DECROIX, LEADER D’AND-JEF/PADS : «Nous, à And-Jëf/Pads, avons toujours été opposés à l’idée d’une candidature unique»
Nous, à And-Jëf/Pads, avons toujours été opposés à l’idée d’une candidature unique de l’opposition pour deux raisons. La première est d’ordre pragmatique. Il n’y a aucun intérêt pratique à s’engager dans une entreprise impossible. L’expérience de Bennoo Siggil Senegaal en 2011-2012 est largement édifiante à cet égard. Niasse et Tanor ont perdu beaucoup de temps pour finir par un désaccord. En 2019, les mêmes causes produiront les mêmes effets. Il y a des personnalités politiques dans l’opposition qui, pour tout l’or du monde, ne voudront rater le rendez-vous présidentiel de 2019. Et ils en ont le droit car, in fine, c’est le peuple qui choisit. La deuxième raison d’ordre stratégique est qu’il faut favoriser une formule qui permet à des pôles de s’exprimer au plan programmatique et de faire, chacun de son côté, le plein de voix et, par conséquent, de rendre un 2ème tour incontournable. L’histoire des deux alternances survenues dans le pays en 2000 et en 2012 prouve amplement la pertinence de cette approche. En 2000, Wade avait 30% et Niasse 17%. Leur alliance au deuxième tour a fait la différence. En 2012, quatre grandes coalitions (Macky 2012, Bennoo Siggil Senegaal avec Niasse, Bennoo ak Tanor et la coalition autour d’Idrissa Seck) ont emmené le Président Wade au 2ème tour. Pourquoi donc vouloir poser un débat qui n’a pas de pertinence ? Ceux qui le posent, qu’ils en soient conscients ou pas, versent de l’eau dans le moulin de Macky. Se sont-ils posé la question des listes sponsorisées par le pouvoir aux législatives alors que, pour la présidentielle, ils veulent imposer le parrainage obligeant chaque candidat à obtenir entre 60000 et 70000 signatures de citoyens inscrits sur les listes électorales pour pouvoir se présenter ? La réponse à cette question est fort simple : aux législatives, c’est le raw gàddu. Autrement dit, celui qui arrive en tête dans une circonscription prend tous les députés. Le pouvoir a donc payé, à des gens qui ne peuvent même pas honorer leur loyer, la caution de 15 millions de F Cfa pour éclater au maximum l’électorat et pouvoir s’en tirer. Ainsi, ils ont obtenu 75% des députés avec seulement 49% des suffrages. Mais pour la présidentielle, c’est deux tours et non le raw gàddu. Donc, ils cherchent à resserrer les possibilités pour l’opposition qui a largement raison de diversifier son offre. Je termine avec une précision de taille. Le programme de l’opposition au 2ème tour en 2012, c’était Wade dégage ! Wade est parti mais les difficultés du pays se sont multipliées et beaucoup se sont sentis roulés dans la farine par leur candidat du 2ème tour. Par conséquent, Macky dégage peut être un bon slogan mais les candidats seront aussi attendus sur leur programme de changement.
NDONGO DIAW, PORTE-PAROLE DU FRONT POUR LE SOCIALISME ET LA DÉMOCRATIE/BENNO JUBEL (FSD/BJ)
«La candidature unique n’est pas pertinente dans le contexte politique actuel du Sénégal»
La pertinence d’une pluralité des candidats ou d’une candidature unique de l’opposition dépend du mode de scrutin. Dans un scrutin présidentiel à un seul tour, la candidature unique est pertinente mais dans un mode de scrutin majoritaire à deux tours (cas actuel du Sénégal), c’est la candidature plurielle qui est pertinente. L’objectif sera d’amener le président Macky Sall au second tour et de le battre. Parler de candidature unique dans un scrutin majoritaire à deux tours serait vraiment impertinent. Donc, la candidature unique n’est pas pertinente dans le contexte politique actuel du Sénégal. Cependant, il ne serait pas mal de mettre des garde-fous, d’encadrer un peu la pluralité des candidats pour arriver à un pool de trois à quatre candidats sérieux de l’opposition. Pluralité des candidats mais aussi encadrement de ces candidats. Il faut donc qu’on reste sur ces deux fronts en procédant à la mise en place peut-être d’un pacte, un gentleman agreement. Ce, même si, personnellement, je ne pense pas qu’un candidat de l’opposition s’alliera avec le président Macky Sall dans une situation de second tour. En plus, il y a ce qu’on appelle la prime au sortant. Au premier tour, le président Macky Sall aurait capitalisé tout son potentiel électoral. Donc, en cas de second tour, s’il n’y a pas une alliance entre lui et un leader de l’opposition, il serait battu.
MOUHAMADOU FAYE, CHARGE DES ELECTIONS AU LDR/YESSAL : «Nous sommes pour une candidature plurielle»
Nous, à Ldr/Yessal, nous sommes pour une candidature plurielle. Parce que, s’il y a une seule candidature de l’opposition, on ne va pas s’acheminer vers le second tour. Il faut une candidature plurielle de l’opposition pour pouvoir fragiliser le président sortant. S’il s’avérait que le candidat du pouvoir arrivait au second tour, il faut que tous les autres candidats soutiennent le candidat arrivé en deuxième position.
Le candidat arrivé deuxième aura le soutien des autres candidats. Mais, sur la base d’un programme commun et aussi sur la base de la prise en charge des programmes des autres candidats. Qui plus est, il y aura des garde-fous. Il y aura également des engagements certainement que les gens prendront. Mais, nous n’en sommes pas là parce que nous pensons peut être que nous serons à la première place. Actuellement, Yessal est en train de travailler à mettre sur pied une coalition. Pour le moment, il y a quelques partis, notamment l’Ucs de Baldé, Osez l’avenir d’Aïssata Tall Sall, le parti de Guirassy ainsi que d’autres partis. L’objectif est qu’on ait un candidat au sein de cette coalition.
source:http://www.sudonline.sn/l-opposition-vote-oui_a_38347.html