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La question du mandat présidentiel agitée depuis quelques temps par certains affidés du Président de la République qui prônent le revirement de son engagement à le limiter à 5 ans, suscite des appréhensions légitimes. Depuis l’affirmation de cet engagement, plusieurs réformes sont passées comme lettre à la poste, mais point de limitation à 5 ans du mandat actuel.
Certains doutent et attendent encore. D’autres attendent de voir pour croire à cet engagement. Ni affidé du Président, ni opposant déclaré à son régime, libre et indépendant, mon opinion transcende les considérations partisanes. Du reste, cette question ne doit pas être limitée à un ping-pong entre pouvoir et opposition. Elle appelle des positions de compromis sur la base de l’intérêt général. La mienne se résume à proposer de limiter le mandat du Président Macky Sall à un mandat unique de 7 ans, mandat au bout duquel il ne se représentera pas.
Il y a de cela quelques mois, le doyen Ibrahima Sow, Chercheur à l’IFAN, exposait publiquement l’idée d’un mandat unique de 6 ans pour tout président élu afin de le débarrasser de toutes les manœuvres politiciennes qu’exigent un second mandat. En 2007, à travers un essai sur les réformes vers une Nouvelle République, j’y proposais un mandat unique de 10 ans. Cette proposition, que je savais décalée de la ligne de pensée générale en la matière, s’inscrivait dans une philosophie institutionnelle qui faisait du président de la République le timonier d’une vision nationale dont son mandat n’était qu’une tranche d’exécution de cette vision qui le dépasse en projetant ensemble toutes nos ambitions et énergies vives vers sa réalisation avec des objectifs déterminés sur 15, 20 ou 30 ans.
Je continue de croire que cette vision nationale, et non la vision du président de la République, reste le chainon manquant dans notre trajectoire de développement depuis 50 ans. Chaque président qui vient déroule sa vision et oriente notre pays dans des choix qui nous donnent l’impression d’un eternel recommencement. Le PSE essaie de se détacher de cette approche, mais n’en échappe pas vraiment. Les récentes observations de Chérif Salif Sy donnent du grain à moudre à ses concepteurs. C’est un plan qui peut et doit être beaucoup amélioré. De ce point de vue, le ministre Mohamadou Maktar Cissé a certainement eu le propos juste en disant qu’il est un plan dynamique pouvant être réorienté. Il faut l’espérer.
En attendant, le réalisme nous commande d’encadrer l’exécution du PSE dans un horizon réaliste. Entre la conception finale des programmes et projets du PSE, sa réalisation technique et les résultats, il y a lieu de faire preuve de patience. Il n’est pas réaliste de s’attendre à une amélioration des conditions de vie des sénégalais du fait de ces réalisations dans les 3 prochaines années. On peut donc s’attendre à une sanction du régime, parce que les résultats ne seront pas au rendez vous. Un prochain président de la République ne fera pas autre chose que d’articuler un nouveau plan d’urgence, de croissance ou d’émergence en prenant appui sur le PSE. Notons que c’est exactement ce que l’actuel Président a fait avant de se débarrasser des plans précédents pour nous proposer un autre. Sommes-nous condamnés à faire la même chose encore et encore ? Certainement non. La rupture, c’est aussi de saisir les opportunités du moment avec des choix singuliers exceptionnels mais qui ont le mérite de répondre aux impératifs de changement attendus.
Les situations politiques qui se succèdent depuis quelques mois viennent chaque fois rappeler le blocage de ces impératifs de changement par des reflexes de conservation de pouvoir qui sonnent comme un obstacle à la volonté déclarée de rupture. Le blocage des réformes attendues pour des considérations partisanes, l’abandon du patriotisme économique face au pouvoir des groupes d’affaires étrangers, l’affaiblissement de la République face aux cercles d’influence confrérique pour conserver leur faveur politique, le poids des deals entre leaders et partis politiques pour maintenir les coalitions de façade, les intrigues et règlements de compte contre d’éventuels successeurs pressentis sont autant de facteurs constitutifs d’un jeu dont les considérations dominent les choix présidentiels et l’empêchent de mener les choix hardis attendus de son magistère. De ce point de vue, débarrasser le Président de la République du poids de ce second mandat peut être un compromis justifié par la nécessité de l’orienter exclusivement vers la réalisation des changements attendus par les populations. Ce n’est pas lui faire un cadeau que de le délier de son engagement à limiter son mandat sur 5 ans. C’est au contraire l’astreindre à faire tout ce qu’il peut faire une bonne fois pour toutes, dans les 5 prochaines années. En 5 ans, il aura ainsi le temps suffisant pour mettre en œuvre tous les changements qu’il est capable de réaliser, avec la conscience claire que ce nouveau bail est un ordre de travail sans contrainte ni pression venant de quelque lobby social ou politique.
Si on veut changer le Sénégal, il faut d’abord que le mandataire du peuple soit un homme libre et indépendant. Si ce n’est Macky aujourd’hui, il faudra que demain ce soit un homme de la société civile. La question de la liberté et de l’indépendance du Président de la République n’a pas souvent été considérée dans sa pleine mesure. Nul ne peut nier que nous sommes dans une société de forte influence de tous ordres. Pour autant que nous soyons prompts à la critique contre les choix de politique politicienne au sommet de l’Etat, nous devons aussi collectivement admettre que notre société porte en son sein des contradictions qui demandent à être résolues de manière durable et définitive. En attendant, il nous faut des compromis. Libérer le Président de la limitation de son mandat à 5 ans et le limiter à un seul mandat avec une échéance à 2019 participe de ce compromis.
Amadou Gueye, Nouvelle République
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