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Mer, Déc

Pr Abdou Salam Fall sur le faible niveau des élèves au Sénégal : « Nous devons revoir nos méthodes d’enseignement du point de vue de l’approche »

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Le professeur Abdou Salam Fall, sociologue à l’Institut fondamental d’Afrique noire (Ifan), dirige le Laboratoire de recherches sur les transformations économiques et sociales (Lartes) qui a réalisé, dans le cadre du programme « Jangandoo », une étude touchant 15.000 enfants âgés entre 6 et 18 ans. Cette enquête révèle que 95 % des enfants ont échoué aux tests en français, mathématiques et culture générale. Ce fort taux d’échec n’est pas dissociable du niveau des enseignants, du modèle de transmission des connaissances ainsi que de l’environnement scolaire et socioculturel. Il préconise, dans cet entretien, une révision de nos méthodes d’enseignement.


Vous avez rendu publique une étude dans le cadre du programme « Jangandoo » (Apprenons ensemble en wolof). Pouvez-vous nous faire l’économie des résultats ? 
L’étude concerne 15.000 enfants. Ils ont été testés sur la base du modèle « Jangandoo ». Les tests concernent le  français, le calcul et la culture générale. Il apparaît que 95 % des enfants ne réussissent pas les épreuves qui leur sont proposées à l’échelle des 14 régions du Sénégal. Ces résultats sont à analyser selon les matières. Si nous considérons la culture générale, ils sont plutôt positifs, parce que 85 % des enfants réussissent à l’épreuve de culture générale. En revanche, pour le calcul comme pour la lecture, les taux d’échec sont particulièrement élevés. Cela nous ramène à ce taux global d’échec de 81 %. 
Le modèle sur lequel nous travaillons est fondé sur le niveau médium d’apprentissage, c’est-à-dire que les tests sont calibrés à partir de ce niveau. Tous les enfants que nous avons trouvés dans les ménages et âgés de 6 à 18 ans ont été interrogés indistinctement sur les mêmes épreuves. Certains peuvent penser que ce niveau médium peut favoriser les catégories les plus âgées au détriment des plus jeunes. Or, le nombre de jeunes, dans la tranche d’âge de moins de 8 ans, est largement élevé compte tenu de la pyramide des âges au Sénégal. Raison pour laquelle nous avons isolé des résultats la partie qui concerne les plus de 8 ans pour éviter ce billet d’échantillon. Mais là aussi, les résultats sont particulièrement faibles, parce que si nous considérons seulement les enfants qui ont plus de 8 ans, nous  arrivons à 71 % de taux d’échec sur l’ensemble des 14 régions du Sénégal.

Est-ce que ces résultats sont liés à la fois au système éducatif et à la formation des enseignants ?
Si nous prenons en considération le contraste qui existe entre, d’une part, les réussites en culture générale et, d’autre part, les échecs en calcul et en lecture, nous pouvons relever le fait que, finalement, les enfants ont une forte réceptivité aux connaissances. Ils ont une ouverture sur leur monde. Donc, c’est cela qui explique les résultats en culture générale. S’ils échouent en lecture et en compréhension, en lecture courante, en résolution de problème, en division, en multiplication, probablement, nous devons réviser nos méthodes d’enseignement d’un point de vue de l’approche. Il faut privilégier une approche fondée sur la pédagogie de la réussite. Aussi faut-il travailler à améliorer les contenus des formations.
En plus, l’environnement compte. Qu’il s’agisse de l’environnement pédagogique ou de celui extra-scolaire. Dans ce cadre, nous pouvons aussi considérer que la formation des enseignants est un élément important du dispositif. Nous avons connu, au cours des 15 dernières années, le recrutement des vacataires et des volontaires qui n’ont pas reçu une formation rigoureuse pour dispenser des enseignements de qualité.

Est-ce que les contreperformances en lecture ont des incidences sur l’acquisition des connaissances dans d’autres disciplines ?
Tout à fait. Les échecs en calcul pourraient s’expliquer par cela. La preuve, si un enfant ne connaît pas l’énoncé d’un problème, il est difficile qu’il mette en œuvre sa logique mathématique. Donc, l’impact de la lecture sur le reste des matières est décisif.

Vous avez recommandé l’institutionnalisation de l’évaluation externe. En quoi cette option est-elle pertinente ? 
Nous venons de réaliser une évaluation indépendante qui a mobilisé l’équipe de Lartes composée d’une dizaine de chercheurs, des collègues de l’Université Gaston Berger de Saint-Louis et de l’Université de Thiès qui collaborent  avec ce laboratoire. Nous avons aussi mobilisé des pédagogues. C’est avec cette équipe et les partenaires de terrain que l’enquête a été menée. Nous avons une association, une Ong dans chaque région. Ils mettent en œuvre le programme. Ces structures mobilisent, à leur tour, des animateurs qui font des enquêtes dans les ménages. Parmi les deux enquêteurs par ménage, il y a un arabisant et un francophone. De ce fait, ce sont plusieurs personnes qui ont réalisé cette évaluation indépendante. Celle-ci permet aux acteurs de l’éducation de disposer d’outils pour savoir où est-ce qu’on est en termes de qualité. Ces résultats sont une base fiable pour l’introduction des changements devant favoriser la culture de la qualité dans le système. Je crois qu’un tel dispositif ne peut qu’être encouragé. C’est pour cela que le professeur Abdou Salam Sall (ancien recteur de l’Ucad), qui préside les Assises de l’éducation, lors de la restitution des résultats, a proposé que l’on recommande aux prochaines assises l’institutionnalisation du programme « Jangandoo » comme baromètre indépendant d’évaluation de la qualité des enseignements et des apprentissages au niveau national.

Est-ce qu’il y a une corrélation entre le niveau des études des parents et la performance des élèves ? 
Oui ! Nous avons cette variable dans l’enquête. Les résultats varient également en fonction des régions et du milieu. De façon globale, plus l’éducation des parents est poussée plus les résultats des élèves sont meilleurs. Mais, les données varient d’une région à une autre. Toutefois, ce  qui est plus important, c’est l’espace scolaire. Celui-ci influe considérablement sur les performances. L’accès aux manuels, la perception que des personnes ont de l’éducation ont aussi des effets sur les résultats des élèves.

Quelles sont les recommandations de l’étude ?  
L’une des recommandations importantes, c’est comment faire pour améliorer les contenus des apprentissages en tenant compte de l’univers culturel de l’enfant ? A cette fin, nous allons réunir un panel d’experts parmi lesquels Arame Fall, linguiste et ancienne de l’Ifan, Cheikh Aliou Ndao, écrivain, Mame Daour Wade, spécialiste des contes, des légendes et de la tradition orale, Atoumane Fall, l’un des spécialistes de l’enseignement des mathématiques dans le secondaire... Il s’agit donc de plusieurs spécialistes qui nous ont permis de revisiter leurs propres productions ou la production en langues nationales qui est assez vaste. Nous arrivons à la conclusion que si nous voulons modifier le contenu des enseignements et l’adapter à l’univers culturel des enfants, il est important d’introduire les langues nationales. L’un ne va pas sans l’autre. Aussi, travailler à l’introduction définitive des langues nationales dans les formes d’apprentissage fait partie des directives. Il ne s’agit pas de rester au stade de l’expérimentation, mais de passer à l’échelle.

Justement, quelle est la langue nationale qu’il faudra choisir ?
Ce sont les langues nationales et non la langue nationale. L’exemple de l’Inde est plus parlant. Il y a plus de langues en Inde qu’au Sénégal. Mais le problème ne se pose pas dans ce pays. Tous les enseignements dans le primaire sont faits dans les langues indiennes. L’anglais n’est enseigné qu’à partir du  secondaire. Je ne peux pas dire que c’est un bon modèle. Néanmoins, c’est un exemple qui donne des performances. Le modèle stimule la créativité, l’expression, la logique de penser de l’élève qui trouve son confort sur les plans intellectuel et culturel. Si nous prenons en charge ceux qui réussissent, nous nous rendons compte que le contenu des enseignements est plus adapté à son environnement. Nous voyons aussi que beaucoup de pédagogues n’insistent pas sur la synthèse. Ils privilégient la mémorisation. C’est l’une des contraintes majeures.

Propos recueillis par Idrissa SANE

source: http://www.lesoleil.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=35510:pr-abdou-salam-fall-sur-le-faible-niveau-des-eleves-au-senegal-l-nous-devons-revoir-nos-methodes-denseignement-du-point-de-vue-de-lapproche-r&catid=140:actualites