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Le Sénégal est vraiment le royaume de l’insolite et de l’inénarrable. Il est le seul Etat qui accepte sur son territoire, une chancellerie où officient deux ambassadeurs, en l’occurrence l’Américain Lewis Luckens, diplomate nanti de ses lettres de créance ; et son compatriote Mark Bouleware, plénipotentiaire – officiellement Monsieur Casamance des USA – accrédité auprès du gouvernement sénégalais et auprès du …Mfdc. De façon plus précise et au regard du morcellement du maquis, son Excellence Mark Bouleware est nommé cumulativement à Dakar et à Diakaye, une des bases de César Atoute Badiatte, commandée par Paul Aloukassi et le fameux Bidjète.
Si l’on n’était pas entrain de creuser la tombe de l’intégrité territoriale et de tisser le linceul de la souveraineté nationale, on convoquerait, pour résumer le sentiment immédiat, le titre du roman d’Henri Lopès : « Le pleurer-rire ». Trêve d’humour ! C’est plutôt un mélange d’effarement et d’indignation ; de stupeur et de colère qui envahit puis secoue le patriote. Impossible alors de refouler la question que voici : comment un gouvernement peut-il commettre un impair aussi blessant pour la nation que la sous-traitance (extérieure) de la paix dans une région du pays ? Là où l’armée nationale peut se battre pendant trente ans, rien n’empêche l’Exécutif national (donc le politique) de négocier avec une patience digne de Pénélope. Car le temps illimité de la souveraineté n’est pas à rapprocher de la durée limitée d’un mandat présidentiel. En un mot, rien ne justifie la sous-traitance étrangère de la paix en Casamance.
Il ne s’agit point d’un procès hâtif. C’est l’ambassade américaine qui, par le truchement d’un communiqué rendu public, a dévoilé sans ambages la mission de Mark Bouleware : «…se focaliser sur les voies et moyens pour trouver une solution définitive au conflit casamançais… ». Limpide comme l’eau de roche. Cependant, les Américains qui n’ont cure des fanfreluches et des fioritures, ont tenu à apporter un supplément de clarté via le même communiqué : « Le Président Macky Sall a exprimé le besoin de construire un partenariat entre les Etats-Unis et le Sénégal sur la question de la Casamance ». Sans commentaires. Sauf pour constater qu’on est en face d’un Etat qui se décharge volontairement d’un attribut et d’un impératif immémoriaux de souveraineté : faire la guerre ou la paix en dehors de toute procuration. Et pour constater encore que les députés sont étonnamment amorphes face à cette anomalie diplomatique.
Du reste, la tendance se précise. Et prospère. Parallèlement à la pax americana en gestation, se dessine la paix du Vatican en Casamance, nonobstant l’effacement de Sant’Egidio qui a migré vers la Centrafrique. En effet, le Nonce Apostolique, son Excellence Mgr Luis Mariano de Montemayor (l’ambassadeur du Souverain Pontife à Dakar) multiplie les visites dans le maquis et les comptes rendus dans le bureau de Macky Sall. Comme en font foi les audiences télévisées et les déclarations du patron de la Nonciature, c’est-à-dire le Représentant du Pape au Sénégal. Non seulement ce carrousel souterrain des médiateurs étrangers – par opposition au ballet visible des émissaires sénégalais que sont Robert Sagna et l’Amiral Farba Sarr – est surréaliste ; mais il est également lourd de dangers. Que disent-ils réellement à Salif Sadio, en tête-à-tête ? Dans le même ordre d’idées, les comptes rendus faits au chef de l’Etat par des diplomates étrangers n’ayant aucune obligation de loyauté nationale, sont-ils entiers ou tronqués ? Enfin, ces diplomates spéciaux sont-ils plus habilités à informer le Président de la république que les différents chefs des divers services de sécurité dont la formation et le patriotisme sont au-dessus de tout soupçon ?
S’agissant de l’ambassadeur du Vatican, les observateurs ont vite détecté une maladresse gênante à deux niveaux. Premièrement, Mgr Luis Mariano de Montemayor côtoie dans la médiation, son Eminence le Cardinal Théodore Adrien Sarr, plus gradé que lui dans l’organigramme de la Curie romaine. En tant que Cardinal, son Eminence Sarr est (symboliquement) évêque de Rome et membre du collège des cardinaux qui élisent le Pape. Secondement, c’est là une énième preuve que la préférence et la fierté nationales sont allègrement piétinées. Tout comme l’expertise nationale de qualité est négligée au profit d’une expertise étrangère au rabais. Exemple illustré par le séjour d’un petit expert venu d’un pays foutu comme les Comores, pour fabriquer la paix en Casamance, c’est-à-dire dans la patrie de Moustapha Niasse, l’artisan, de l’Accord de Sun City (en 2002), le réel vecteur de la stabilité institutionnelle en République Démocratique du Congo. Des experts et des médiateurs qui ne supportent pas la comparaison avec le Professeur Ibrahima Fall et le Général Babacar Gaye, deux gros calibres de l’ONU. A la limite, le gouvernement du Sénégal pourrait faire appel à l’Algérien Lakhdar Brahimi ou au Mauritanien Ahmédou Ould Abdallah. Si tant est qu’un savoir-faire étranger s’impose.
L’alliance stratégique et l’amitié (très relative) entre les Etats ne sauraient être des substituts à la souveraineté. Entre 1995 et 2000, la conjoncture en Casamance – marquée par la disparition des couples français Cave et Gagnaire et l’opération Gabou – avait refroidi les relations entre les socialistes François Mitterrand et Abdou Diouf. D’autant plus sérieusement que le Président Diouf et son gouvernement étaient agacés par les agissements peu orthodoxes de l’ambassadeur d’alors, André Lewin, de son Premier conseiller, Mme Louise Avon (future ambassadeur en Lituanie), de la journaliste de Rfi, Diane Galliot et du responsable de Caritas-Ziguinchor, Philippe Bonneval. En véritables orfèvres de l’Etat, les socialistes surent donner discrètement mais efficacement un coup d’arrêt à une passion suspecte pour la Casamance.
Aujourd’hui, l’opinion a du mal à comprendre que le Ps – un grand repaire d’hommes d’Etat et un des poids lourds de la coalition Benno Bokk Yakaar – garde le silence, donc avalise des ingérences aussi graves que ruineuses pour la souveraineté du pays et menaçantes pour l’intégrité du territoire. Pourtant ce qui se passe est aux antipodes de son credo. A ce propos, trois gestions sont répertoriées (Léopold Sédar Senghor ayant quitté le pouvoir deux avant l’ouverture des hostilités en décembre 1982) durant les trois décennies de conflit.
En résumé, Abdou Diouf a assuré le triomphe du statu quo, avec une vigilance sans failles autour de la souverainté et de l’intégrité qu’il a davantage cuirassées. Avec lui, l’Etat n’a jamais négocié en dehors de l’Afrique, encore moins baissé pavillon devant le Mfdc, par des deals générateurs d’accalmie. Malgré les chevauchées meurtrières de la rébellion à Babonda et dans le triangle des Médinas (Médina Mancagne, Médina Thierno et Médina Chérif) le successeur de Senghor est resté inflexible. Quant à la gestion de Wade, elle a été une vraie et catastrophique bouillabaisse : argent à gogo, assassinats à répétition, médiateurs en surnombre etc. Toutefois, le fondateur du Pds a été aussi intransigeant que le Président Diouf, vis-à-vis des médiations étrangères.
D’un point de vue géopolitique, la Casamance est un chancre mou à surveiller comme du lait sur le feu. En acceptant la désignation d’un Monsieur Casamance des USA, Macky Sall a favorisé l’ouverture d’une brèche sur le mur de sauvegarde nationale. Désormais, rien n’empêche l’Union Africaine (UA) de nommer Pierre Buyoya, Envoyé spécial en Casamance. Bref, le processus de paix y prend de plus en plus les caractéristiques d’un cimetière de l’unité nationale, à travers la ronde des anesthésistes qui – partout dans le monde – prélude à l’amputation…territoriale. Suivez mon regard braqué sur Kidal ! En parodiant l’hymne national de l’Angleterre, on peut murmurer la prière que voici : God save Sénégal !
source: http://www.dakaractu.com/Laser-du-lundi-Des-ambassadeurs-accredites-aupres-de-Macky-Sall-et-de-Salif-Sadio-Par-Babacar-Justin-Ndiaye_a59926.html