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A Saint-Louis : Les travailleurs du Conseil régional plaident pour la sauvegarde de leur emploi
S’il y a des sénégalais qui ne veulent pas entendre parler de l’Acte 3 de la Décentralisation, ce sont bien les membres du Collectif des travailleurs du Conseil régional de Saint-Louis qui regroupe 26 agents permanents et contractuels.
Pour le président de ce Collectif, Demba Bâ, « cette réforme administrative, c’est l’Acte Zéro. Nous attirons l’attention du peuple sénégalais sur le sort qui sera réservé aux travailleurs des Conseils régionaux, suite à l’adoption et à la promulgation de cette réforme ». Selon lui, c’est un acte qui, désormais, consacre à notre pays deux ordres de collectivités locales et en supprime l’existence des régions comme instance locale. Les agents des Conseils régionaux n’adhérent pas totalement à ce choix politique de l’actuel régime.
Abondant dans le même sens, Fatou Fall, comptable et membre du Collectif, précise que cette décision est lourde de conséquences sociales, étant entendu qu’elle va jeter en pâture de nombreux pères et mères de familles dans le lot des chômeurs déjà pléthorique dans notre pays.
C’est la raison pour laquelle « nous ne ratons pas la moindre occasion pour manifester notre indignation sur cet état de fait qui, non seulement, nous a pris de court, mais, prouve que les agents des conseillers régionaux n’ont pas été associés à cette recomposition ». La volte-face de dernière minute de l’actuel régime, a-t-elle poursuivi, est incompréhensible, « dans la mesure où on nous avait fait comprendre qu’aucun ordre de collectivité locale n’allait être supprimé ». De l’avis d’un autre comptable, Abdourahmane Wone, il appartient maintenant aux travailleurs des Conseils régionaux de s’unir et de faire face à la nouvelle situation. Il s’agit, selon lui, d’exiger leur redéploiement dans d’autres services, en concertation avec les intéressés, leur participation aux instances qui décideront de leur sort, en vue de s’assurer du traitement intégral de l’ensemble des dossiers de ces travailleurs, dans le respect de tous les avantages acquis, la mise en place urgente et sans délai de la fonction publique locale, avec l’extension du statut à tous les travailleurs des collectivités locales.
Le comptable matière du conseil régional, Bamba Diallo, a rappelé que les membres du Collectif restent solidaires aux agents des autres Conseils régionaux et sont prêts à se battre de toutes leurs forces pour défendre leur place dans l’environnement sociopolitique et économique du pays. Très remontés contre le régime actuel, P. D. Fall, 42 ans, enseignant domicilié à Médina Darou, et Mbaye Diop, opérateur économique et commerçant grossiste établi au marché de Sor, soutiennent que cette réforme menace la sécurité de l’emploi de ces travailleurs des Conseils régionaux. Le problème, selon Abdou Dione, chef du service régional d’appui aux collectivités locales, est de savoir comment mettre en œuvre cette réforme. A ce niveau, les avis sont partagés. Une politique si importante, a-t-il poursuivi, devrait s'appuyer sur un bon plan de communication qui pourrait permettre d'éviter une compréhension erronée de ses enjeux et perspectives.
Mbagnick Kharachi Diagne
A Ziguinchor : La mise en place de pôles territoires proposée comme alternative
Les acteurs régionaux de Ziguinchor ont proposé la mise en place « urgente » des pôles territoires comme alternative à la suppression des régions.
Ils ont estimé que sur le plan de l’aménagement du territoire, cela permettra d’avoir une cohérence et rendra le territoire économiquement viable et porteur du développement.
Ils ont argumenté également que les pôles territoires pourront hériter juridiquement des acquis de la coopération décentralisée entretenue par les régions et ont jugé souhaitable que les autorités réfléchissent « sereinement » sur des mécanismes pour sauvegarder les acquis de ladite coopération réalisés par les régions. A Ziguinchor, il y a en eu plusieurs. Et à coût de millions. « Les réalisations que le Conseil régional a faites (en termes d’investissements) dans les domaines de la santé, de l’éducation, de la formation professionnelle et technique sont sans commune mesure avec les miettes que l’Etat donne pour l’investissement, à travers le Fonds d’équipement des collectivités locales qui oscille, entre 40 et 60 millions », a déclaré le secrétaire élu, Daouda Dramé.
A l’actif de son institution, la réhabilitation et l’équipement de salles de classe (tables-bancs, matériels informatiques, détergents) dans les lycées et collèges d’enseignement moyen. Il y a eu aussi la réfection, la construction et l’équipement de structures de santé. Le transfert de connaissances et les échanges mutuels avec les partenaires s’y ajoutent, de même que la centrale solaire d’un coût de 4 milliards de FCfa (sur financement de la coopération allemande) que la fondation Carera (en Allemagne) doit mettre en place à Niaguis, dans le département de Ziguinchor.
Toutefois, les acteurs régionaux ont souhaité une large concertation autour de l’Acte 3 de la Décentralisation. Sur un autre chapitre, l’agent au Conseil régional, Fakéba Bodian, a tenu à relever que si la région (en tant que collectivité décentralisée) n’a pas marché, c’est parce qu’elle n’a pas eu les ressources financières nécessaires pour mener à bien sa mission, qui est d’impulser le développement local. Quant à son collègue Daouda Dramé, il a déploré le fait qu’il n’y a eu aucun document d’évaluation des régions. Sur ce, il a suggéré de revisiter les missions, fonctions et vocations des collectivités locales dans le développement local pour pouvoir répartir les compétences, selon les fonctions et vocations de chaque ordre de collectivité. Et en conséquence, les doter de moyens conséquents pour qu’elles puissent assumer leurs tâches.
Par ailleurs, les conseillers régionaux ont fait savoir que l’érection du département en collectivité locale ne gêne en rien le maintien de la région. Ils ont estimé normal aussi que les personnels des régions s’inquiètent de leur sort à l’annonce de la suppression des régions. « Puisqu’on parle de plus en plus de l’audit de ce personnel pour identifier les compétences avant de procéder au redéploiement ».
Moussa SADIO
Pour un concensus fort : Alé Lô prône un report des élections locales
Dans le débat lancé sur la réforme de l’Acte 3 de la décentralisation, le président de l’Union des associations d’élus (Uael) est de ceux qui plaident pour un report des élections locales prévues pour le 29 juin prochain à la fin de l’année en cours. Selon lui, pour aller vers un consensus autour du nouveau code des collectivités locales, il faudrait prendre tout le temps nécessaire pour sensibiliser et se mettre d’accord sur des aspects essentiels du code tels les pôles de développement, la cohérence territoriale, le financement des collectivités locales, pour ne citer que ces questions.
Dans la concertation enclenchée pour faire participer toutes les franges de la population à la réforme territoriale en cours, les collectivités locales ont été les premières à être consultées par le chef de l’Etat Macky Sall. Une consultation au cours de laquelle un consensus a été trouvé sur trois choses. Il s’agit de la communalisation intégrale, de la création du département comme nouvel échelon de collectivité locale et le maintien des régions en tant que collectivité locale. « Nous avons exprimé le souhait de continuer le travail pour la cohérence territoriale et le mécanisme de financement », dit Alé Lô, président de l’Uael. Dans cette même dynamique, d’autres acteurs, notamment les représentants des partis politiques et de la société civile ont été consultés. « C’est à l’issue de toutes ces rencontres que la décision de modifier le Code des collectivités locales allant vers la suppression des régions a été prise», affirme M. Lô.
A l’en croire, il se pose un problème de temps. « Si nous maintenons les élections au mois de juin, nous n’aurons pas la possibilité de régler l’aspect lié à la cohérence territoriale et les pôles économiques », affirme le président de l’Uael.
S’agissant de la suppression des régions et de la création des pôles de développement, il note que son organisation a proposé, depuis longtemps, une modification des régions dans leur composition actuelle pour aller vers un regroupement de 7 à 8 régions. C’est dire, selon lui, que la proposition venait des régions et qu’elle a été versée dans le dossier des commissions techniques du comité de pilotage de la réforme de l’Acte 3. Alé Lô se veut un peu plus clair. « Pour que cette réforme soit partagée par l’écrasante majorité des Sénégalais, je pense très honnêtement qu’il nous faut encore reporter les élections locales à la fin de l’année. Nous avons encore le temps même si c’est encore très juste. Nous pouvons continuer le travail.
Le président de l’Uael demande un renforcement des moyens des collectivités locales en mettant l’accent sur la spécificité des régions qui ont des ressources naturelles comme la Casamance. Il juge que la réforme est capitale et qu’il ne faudrait pas en aucune manière rater le coche. Selon lui, avec les pôles régionaux, il est possible de régler tous les problèmes liés à la coopération décentralisée et au recasement du personnel des régions.
Corriger les distorsions et les déséquilibres
Que dire de la viabilité des nouvelles communes avec l’application de la réforme de l’acte 3 ? Pour Alé Lô, c’est une décision ambitieuse que d’aller vers la communalisation intégrale. Le chef de l’Etat veut véritablement corriger les distorsions et les déséquilibres qui existent entre les communautés rurales et les communes. « Il a pensé à des mesures d’accompagnement à tout point de vue, parce que la commune a ses exigences. Sur le plan même de l’aménagement de l’espace, l’hôtel communautaire va être transformé en hôtel de commune. Ce n’est pas la même dimension. L’Agetip est en train de faire des études. Le président de la République a bien mesuré les impacts de ces changements. Le foncier va dorénavant relever du domaine de ces nouvelles communes. Nous sommes favorables à la réforme. La loi de 1964 a permis de préserver les terres et il va falloir adapter cette loi au contexte actuel », commente-t-il. Quid des nombreux litiges entre l’exploitation familiale et l’agrobusiness ? Ces deux modes d’exploitation sont complémentaires, juge-t-il. « Il faut renforcer l’exploitation familiale qui produit l’essentiel de nos productions, mais s’ouvrir également pour aller vers une modernisation de notre agriculture. Dans le contexte actuel, la loi sur le domaine national, dans une certaine mesure, ne donne pas une ouverture vers ces entrepreneurs agricoles », note Alé Lô qui salue la relance de la commission sur la réforme foncière avec la nomination de l’ancien ministre de l’Education, Moustapha Sourang.
Concernant le recasement du personnel des régions, Alé Lô est formel. « Je pense qu’il ne devrait pas y avoir de problème », affirme-t-il. Pour lui, les agents qui étaient dans les 14 régions pourront valablement être déployés dans les 45 départements. Et de poursuivre : « Je pense qu’il nous faut plus de ressources humaines et ceux qui ont été formés seront certainement prioritaires. Les communautés rurales qui en auront besoin pourront vont s’adresser à ceux qui ont de l’expérience ».
Quant à la coopération décentralisée, le simple fait d’aller vers des pôles régionaux va la fortifier, pense le président de l’Uael, selon qui, la France est engagée dans cette voie. Pour Alé Lô, cette réforme devra être économique pour qu’elle réponde aux préoccupations, aux besoins des populations à la base, plaidant pour une association de la société civile.
B. B. SANE et S. M. S. CISSE
A Kolda : Les agents du Conseil régional inquiets
Les employés du Conseil régional s’inquiètent pour leur avenir. Ils demandent à l’Etat de ne pas supprimer les régions.
L’Acte 3 de la décentralisation constitue une avancée significative dans le rapprochement de l’administration aux administrés et de la gouvernance locale. C’est du moins, le sentiment de la majorité des Koldois interrogés sur la suppression des régions et l’érection des départements en collectivités locales. Mais, la mesure n’enchante guère les agents du Conseil régional de Kolda qui plaident pour le maintien des régions pour éviter la suppression des emplois. Ils viennent d’organiser une Assemblée générale pour dire non à la disparition annoncée de ces régions. « Nous, personnel du Conseil régional de Kolda, nous avons vraiment peur pour notre avenir. Nous sommes certains que si on supprime les régions, beaucoup d’agents vont perdre leur emploi. Déjà, avec les Conseils régionaux qui existent actuellement, l’Etat ne parvient même pas à mettre à leur disposition des fonds de dotation suffisants pour leur permettre de bien fonctionner. On se demande dès lors, comment il pourra assurer le financement des 45 Conseils départementaux qui vont se partager ces maigres ressources », s’interroge Alfouseyni Baldé, délégué du personnel du Conseil régional de Kolda. Il estime que les conséquences sociales de la suppression des régions seront douloureuses pour les agents des régions et leurs familles. Il se dit également inquiet des conséquences que cela pourra entraîner pour ceux qui ont contracté des dettes auprès des banques de la place et qui devront les rembourser.
Le responsable régional de la Fédération démocratique des écologistes du Sénégal (Fedes), Hamidou Diallo, estime pour sa part que les inquiétudes des agents des régions ne sont pas justifiées. Et contrairement à ce qu’ils avancent, l’Acte 3 de la décentralisation va créer beaucoup plus d’emplois. « L’Acte 3 de la décentralisation est une très bonne chose car il permettra de rapprocher l’Administration des administrés. La création des Conseils départementaux va permettre d’absorber les emplois perdus à la suite de la suppression des régions et même en créer d’autres. Je pense que l’Etat procédera à un redéploiement de ces agents dans ces nouvelles collectivités locales et recruter d’autres expertises locales pour les faire fonctionner sans compter les nouvelles communes qui auront également besoin d’un personnel qualifié pour remplir leur mission », déclare-t-il.
Pour lui, la résistance notée chez certains agents des Conseils régionaux ressemble beaucoup plus à de la politique politicienne pour défendre leurs propres intérêts qu’à des considérations qui tiennent compte de l’intérêt national. Il estime, en outre, que les Conseils départementaux seront plus proches des préoccupations quotidiennes des populations que les régions dans leur forme actuelle.
Mamadou Aliou DIALLO
Adama Diouf, directeur de l’appui au développement local et porte-parole du ministère de l’aménagement du territoire et des collectivites locales : « L’Acte 3 va préserver les emplois et lutter contre les inégalités »
Le directeur de l’Appui au développement local (Adl) revient sur le nouveau Code général des collectivités locales, la suppression des régions, les enjeux de l’Acte 3 de la décentralisation et les phases entamées dans la réforme. Selon lui, ce changement intervenu dans l’architecture de la gouvernance locale vise à lutter contre la pauvreté. Entretien avec un technicien de la décentralisation.
La loi votée à l’Assemblée national portant Code général des collectivités locales est sujette à un débat. On parle de la suppression des régions. Qu’en est-il exactement ?
« Cette suppression est intervenue à la suite d’un long diagnostic. D’abord, lorsque le président de la République a accédé au pouvoir, il a instruit pour qu’on fasse le bilan de la décentralisation, le 7 juin 2012 à Saint-Louis, lors d’un Conseil des ministres délocalisé. Alors, le gouvernement s’est mis à la tâche autour du ministre de l’Aménagement du territoire et des collectivités locales de l’époque (Ndlr, Cheikh Bamba Dièye) pour faire une revue de toutes les recherches, de la documentation et de toutes les évaluations qui ont été faites portant création des collectivités locales. Tout cela a été passé au peigne fin : la réforme de 1972, celle de 1996, les assises de la décentralisation qui ont été organisées en 2007. Des commissions thématiques ont été mises en place. Il y en a eu trois : la commission sur le financement et la gestion budgétaire, la commission sur la lisibilité des échelles de gouvernance (la relation entre les acteurs) et la commission territoriale, et cela pendant un an. Lorsqu’on a exploité ces documents, il s’est avéré que les conseils régionaux n’ont pas répondu à l’attente des populations. Le Conseil régional, du point de la décentralisation, avait pour mission fondamentalement, au-delà de cette mission d’harmonisation politique, d’impulser le développement à la base. Cela signifie créer un dispositif capable de promouvoir l’emploi, la richesse, en vue de lutter contre la pauvreté. Parce que la décentralisation, comme son nom l’indique, est de transférer un pouvoir détenu par l’Etat à une partie des populations. Car celles-ci sont mieux préoccupées par le développement à la base. Nous nous sommes rendu compte à l’évidence d’une limite objective qui fait que les Conseils régionaux n’ont pas répondu à nos attentes. Cela ne veut pas dire que les présidents des Conseils régionaux soient incompétents. Mais du point de vue institutionnel, organisationnel, ils ne peuvent pas assurer une impulsion, parce qu’il y a un problème de cohérence territoriale, de disponibilité des financements, de contradiction entre les acteurs. Il a été révélé, sur le terrain, que beaucoup d’acteurs intervenaient dans une logique différente. Les élus locaux de l’administration déconcentrée, les associations communautaires de base, le secteur privé sont quand même dans un territoire. Le paradigme premier, c’est la synergie des actions pour des visibilités de l’investissement de l’Etat à la base. Les conseillers régionaux, à cet égard, étaient très éloignés des populations. C’est pourquoi, comme alternative, nous avons estimé qu’il faut renforcer l’échelle de gouvernance auprès des citoyens en créant les départements comme collectivités en plus de ce qu’elles étaient. C’est cela qui a fondamentalement motivé cette décision. Sur le plan financier, les conseils régionaux n’avaient pas de moyens. Ils visaient les transferts financiers de l’Etat qui sont de l’ordre de 5,6 milliards de francs Cfa uniquement pour le fonctionnement (paiement des salaires, indemnités…).
A ce que je sache, les Conseils régionaux n’ont pas été créés pour cela. Ils ont une mission de développement. L’Acte 3 de la décentralisation a une mission importante ; au-delà de l’organisation institutionnelle, administrative, cette nouvelle réforme veut changer de paradigme. Nous voulons mettre en place des projets de territoire formulés par les citoyens pour eux-mêmes.
Désormais, mieux qu’auparavant, les populations seront impliquées à partir des potentialités territoriales. Si vous allez à Ziguinchor, la première potentialité qui saute à l’œil nu est les fruits ; à Bignona, c’est le Saba Senegalensis ; dans la zone de Tivaouane c’est le manioc et les productions maraichères ; dans le Ferlo c’est les ressources pastorales ; au Saloum c’est les produits agricoles tels que l’arachide, le mil et le niébé. A Fatick, vous y trouverez l’anacarde, le sel… »
Mais d’aucuns soutiennent que des choses n’ont pas été dites. Expliquez nous davantage….
« Je voudrai réaffirmer à ce propos la souveraineté de l’Etat. La décision revient à son chef qui a décliné sa vision de construire le Sénégal à partir de ses territoires. Il a mis en place un Comité national de pilotage qui s’est structuré en commissions techniques et commissions thématiques de travail avec une commission juridique et une cellule de communication. Nous avons fait, en tant qu’expert, un travail en toute objectivité avec l’ensemble des parties prenantes. Je précise que les trois ordres des collectivités locales sont représentés. Le comité a remis au chef de l’Etat les conclusions de ses réflexions. Il est tout à fait loisible qu’il apporte les corrections qui lui semblent être les meilleures. C’est de sa prérogative et de son entière responsabilité. Il ne faudrait pas que nous mélangions les genres. La politique publique, du point de vue de son orientation, revient au président de la République. Si ces gens estiment que des choses ont été retranchées, je le regrette. A ma connaissance, rien n’a été enlevé. C’est un faux débat ».
La suppression des régions va engendrer l’annulation des conventions signées dans le cadre de la coopération décentralisée. Que répondez-vous à cela ?
« Il y a ce que nous appelons la dévolution des biens. Cela signifie que quand une structure est supprimée, l’alternative mise en place hérite de l’actif et du passif de celle qui a été supprimée. Donc, le Conseil départemental qui doit prendre le relais remplace le Conseil régional. Cela est règlementé par un texte. Nous sommes en train de travailler sur tous ces aspects, le niveau règlementaire, les décrets qui accompagneront cette loi, etc. Dans le Code général des collectivités territoires françaises, c’est dans la loi du 2 février 1992 qu’est apparu pour la première fois le concept de « coopération décentralisée » entre partenaires. Le Sénégal est entré dans la coopération presque 2 ans après. C’est le 2 février 2007 que la loi Michel Thiollière du nom du sénateur-maire de Saint-Etienne qui a proposé une réforme sur l’action extérieure des collectivités territoriales. C’est à partir de cette date que le Code général français a été modifié. Je précise qu’à cette époque, Jacques Chirac était président de la République française et Nicolas Sarkozy ministre de l’Intérieur en charge de l’Aménagement du territoire. C’était aussi le ministre délégué, Brice Hortefeux, chargé des Collectivités territoriales qui a porté cette réforme. Que prévoit le Code ? La loi dit que les collectivités territoriales peuvent signer des conventions de partenariat dans le cadre de leur action extérieure avec les autorités locales étrangères. J’ai dit qu’il y a un glissement conceptuel. Retenons que les ententes régionale, départementale, la métropole, la communauté urbaine, la communauté d’agglomération en font partie. (Il brandit des documents). C’est l’article 1115 qui l’a expliqué. Je le cite : « Il précise que les collectivités territoriales et leur groupement peuvent, dans le respect des engagements de la France, conclure des conventions avec les autorités locales étrangères pour mener des actions de coopération ou d’aide au développement ». Cette homologie sur laquelle les gens font une fixation est un faux débat. Il y a des régions sénégalaises (9 au total dont Dakar, Fatick, Diourbel…) qui ont signé avec 7 régions françaises, deux départements et une ville. Et cela veut dire aussi qu’une région française peut bien signer un accord de coopération avec un département sénégalais, s’il est érigé en collectivité locale. Je pense fondamentalement qu’on ne peut pas reprocher au Sénégal d’avoir réformé son architecture institutionnelle. Le gouvernement estime que l’échelon de gouvernance le plus pertinent, c’est le département et la commune.
En coopération, nous ne devons pas oublier deux principes fondamentaux : les objectifs partagés et les mêmes intérêts. Tant que nous sauvegardons ces principes, la coopération peut exister. Donc, selon le principe gagnant-gagnant, il n’y a pas de soucis à se faire. La collectivité locale étrangère peut bien signer une convention avec une collectivité locale sénégalaise, si les mêmes principes évoqués ci-dessus sont bien respectés ».
La seconde phase est en cours. Comment comptez-vous gérer cette période de transition au lendemain des élections du 29 juin prochain ?
« Le processus de réflexion suit sa logique. Le Comité de pilotage est en train de travailler. Les commissions thématiques travaillent eux aussi. C’est le cas pour la commission cohérence territoriale. Dans l’article 7 du Code, il est indiqué que cette commission a pour mission d’organiser, d’élaborer et de faire des schémas de propositions pour des pôles de développent urbain et périurbain. Nous sommes en train d’y travailler, mais nous devons mener toutes les concertations nécessaires pour avoir un consensus fort. Lorsque nous avons fait les premiers scénarii de regroupements des régions, certaines populations de la région de Matam et de Louga ont vivement réagi. Le chef de l’Etat nous a dit écoutez : « Moi, je suis un homme de consensus, s’il y a des populations qui n’ont pas compris quelque part votre réforme, il va falloir attendre et retourner vers elles, discuter, expliquer les tenants et les aboutissants de ces réformes, pour avoir leur adhésion ». C’est pourquoi, nous sommes revenus nous préparer davantage dans la concertation. Maintenant, lorsque nous aurons terminé, nous irons vers ces mêmes populations leur proposer les scénarii de regroupement et de développement. Si nous aurons l’accord de celles-ci, le document sera déposé entre les mains des plus hautes autorités pour prendre les décisions les plus idoines. Je voudrai affirmer que le statut n’est pas encore stabilisé. Est-ce que les pôles de développement seront des collectivités territoriales ou des établissements publics de coopération, ou bien des structures de développement ? Les concertations sur le terrain, avec l’arbitrage du chef de l’Etat vont déterminer le statut futur des pôles de développement. Mais, tout laisse à croire que les Conseils départementaux vont prendre le relais des régions ».
Est-ce que les agents des collectivités locales ont à s’inquiéter de la préservation de leurs emplois?
Non, pas du tout ; au moins, pour trois raisons. Premièrement, aujourd’hui, nous auront au minimum trois conseils départementaux dans une région. D’autres régions en auront quatre. Ces nouvelles structures auront besoin de personnel. Deuxièmement, les communautés rurales, il y en a 385 dans le pays, elles seront érigées en communes. Il faudra leur trouver des ressources humaines. Le minimum sera entre 6 et 8 personnes. On va les prendre dans le vivier du Conseil régional. Troisièmement, le pôle de développement qui sera créé aura besoin d’une task force minimale, c’est-à-dire d’une équipe de management. Mais ce personnel, avant de le chercher ailleurs, sera trouvé dans le Conseil régional qui a abattu, il faut l’avouer, un travail important des années durant, au service des populations. Nous n’allons pas ignorer ces agents-là. Je voudrai profiter de votre tribune pour les rassurer. Les emplois seront préservés. Toujours, en ce qui concerne le personnel, nous avons recruté un cabinet d’audit qui fera le tour du pays pour faire la situation des agents sur les critères de recrutement ; donc, pas de soucis à se faire. Nous sommes à l’ère de la gestion axée sur les résultats. La transparence doit guider l’action publique ; le président de la République insiste sur cela tous les jours.
Néanmoins, j’ajoute le principe de la libre administration des collectivités territoriales. C’est dire que les Conseils départementaux de Tivaouane, de Matam, de Ranérou auront le loisir de recruter le personnel administratif qu’ils veulent. Nous sommes en train de travailler sur un organigramme type au niveau du ministère des collectivités locales. Cela signifie que l’autorité ne peut recruter un personnel si elle n’est pas en phase avec l’organigramme qui sera validé par l’ensemble des acteurs. Il n’y a pas à s’inquiéter. L’Acte 3 n’a pas pour vocation de supprimer des emplois, au contraire, c’est pour lutter contre la pauvreté, offrir le maximum d’emplois au sens large.
J’avais oublié de parler des projets de territoire. Nous avons fait aujourd’hui la centralité sur le département, en tant que force sociologique, mobilisatrice de tous les acteurs. Les sentiments d’appartenance à un territoire sont très forts. Les relations sociologiques sont en même temps culturelles et historiques. C’est pourquoi nous avons besoin de ces populations pour les mobiliser autour des projets de territoires adossés aux vocations et potentiels de celles-ci. Voilà des niches d’emploi ».
L’Agence pour le développement local a signé le vendredi 31 janvier une convention avec un groupe indien et on parle de plusieurs volets qui permettront de créer des milliers d’emplois…
Cela rassure. Le projet agricole de la région de Casamance avec l’appui de la Banque mondiale (Bm) d’une valeur de 43 milliards francs Cfa va revitaliser tous les programmes liés à l’agriculture. Vous allez dans la zone du Walo, vous aurez le Pdidas (Projet de développement intégré de l’agrobusiness) qui va concerner 9 collectivités locales et 100 villages. L’avenir de la zone de Ranérou, c’est d’y installer des unités de conservation, de transformation des ressources locales, pastorales, en matière de viande, de lait et de peau pour donner du travail à ses habitants. Et on peut en faire de même dans le Saloum, à Tivaouane. C’est cela l’avenir de ce pays, le développer à partir de ces ressources locales. Il nous faudra être accompagné par le secteur privé, parce que l’Etat ne peut pas tout faire. Quand le projet est pertinent, à partir des filières porteuses, nous allons travailler avec la coopération indienne et le secteur privé viendra en appoint. L’Acte 3 a mis en place la contractualisation « secteur privé-Etat-collectivité locale » dans un partenariat gagnant-gagnant pour le seul intérêt des populations. Les fruits de la coopération décentralisée sont souvent des écoles, des postes de santé, l’hydraulique, le désenclavement prioritairement. Le Conseil départemental va hériter de ce patrimoine sans problème, mais dans le cadre d’une convention renégociée avec les nouvelles autorités. Nous aurons des accords bien réfléchis avec nos partenaires étrangers ; je tenais à rassurer les Sénégalais à ce sujet ».
B. B. SANE et S. M. S. CISSE
SOURCE: http://www.lesoleil.sn/index.php?option=com_content&view=article&id=36745:accords-de-cooperation-redeploiement-du-personnel-quel-sort-sera-reserve-a-lheritage-des-regions-&catid=78:a-la-une&Itemid=255