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Moussa Dièye, directeur commercial de la Senelec : «Les grands voleurs de courant sont dans les quartiers chics de Dakar»

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La fraude ou vol sur l’électricité se développe de plus en plus au Sénégal et engendre d’énormes pertes aussi bien pour la Senelec que pour l’Etat. En termes de manque à gagner, le phénomène à coûté 24,2 milliards de francs Cfa à la Société nationale d’électricité et 4,4 milliards au Trésor. En marge de l’atelier de lancement de la campagne nationale de lutte contre la fraude sur l’électricité tenu les 18 et 19 juin derniers, Moussa Dièye, directeur commercial, de la communication et de la clientèle de la Senelec, a fait l’état des lieux du phénomène.

La fraude ou vol sur l’électricité a engendré en 2013 une perte de plus de 24 milliards de francs Cfa pour la Senelec. Qu’appelle-t-on fraude ou vol sur l’électricité ?  
Le vol, par définition, c’est la soustraction d’un bien d’autrui contre son gré et à son insu. Voler de l’électricité, c’est prendre de l’électricité fournie par la Senelec, d’abord à l’insu de la Senelec et contre la réglementation. Normalement, les règles qui permettent à quelqu’un d’avoir de l’électricité, c’est d’avoir un abonnement, un compteur et de consommer à travers ce compteur. L’ensemble de vos con­sommations doivent être enregistrées par le compteur. Si vous faites une action ou manœuvre qui vous permet de consommer sans passer par le compteur ou faire en sorte que le compteur ne fonctionne pas normalement, vous consommez de l’électricité sans en payer le juste prix. C’est ça qui constitue un vol d’électricité.
Comment constatez-vous le vol ?
Il y a plusieurs façons de constater le vol de l’électricité. Nous avons à la Senelec un ensemble de paramètres que nous suivons chez nos clients. Chaque fois qu’on fait des relèves, on a des ordinateurs qui permettent d’analyser et qui nous font à chaque facturation des restitutions sur des clients dont la consommation est présumée anormale. Lorsqu’on connaît la puissance des appareils que vous avez et que vous avez un niveau de consommation trop faible, vous sortez dans un listing d’anomalies. Nous envoyons des agents chez vous pour vérifier s’il n’y a pas une erreur de relève, si le compteur n’a pas une panne ou s’il n’y a pas une action volontaire de fraude. Ces visites nous permettent de constater des fraudes en grande partie. La deuxième partie, c’est que nous faisons des relèves. On passe dans les installations des maisons tous les deux mois. Il nous arrive de constater directement une fraude. Enfin, la dernière source, c’est quand des clients nous appellent pour nous dire qu’ils ont vu une personne frauder. 
Et si c’est le compteur qui a des problèmes techniques, peut-on parler de fraude ?
Le compteur qui est défectueux par le fait de son usage ou d’une intempérie, ce n’est pas une fraude. C’est un compteur défectueux. Nous avons une procédure qui n’a rien à voir avec une procédure de fraude. C’est une procédure de changement de compteurs défectueux. Il n’y a aucune pénalité, aucune sanction, parce que le compteur est défectueux. On essaie de vous rappeler exactement la partie de consommation d’énergie qui n’avait pas pu être enregistrée. Ce qu’on appelle fraude, c’est une action, une manœuvre volontaire exécutée par une personne qui a du bon sens. C’est-à-dire une personne qui a toute sa raison et qui le fait à dessein et que l’effet recherché soit de soustraire cette énergie qu’elle consomme en dehors des règles de facturation. Donc, c’est un acte volontaire commis par une personne. C’est ça qu’on appelle fraude. Ce n’est pas un compteur défectueux. Ce n’est pas un compteur détraqué. C’est un acte volontaire qu’on porte sur le système de mesure pour utiliser de l’énergie sans en payer le juste prix. 
Y a-t-il différentes sortes de fraude ?
Nous avons surtout des gens qui fraudent en manipulant le compteur. Ils font de sorte que le compteur ne tourne pas normalement. Ils bloquent la vitesse et les enregistrements du compteur. Il y en a d’autres cas de clients qui se branchent directement sur le réseau. Eux n’ont pas de compteur. Vous prenez un électricien qui monte sur le réseau, vous tire un câble et vous branchez directement vos appareils. C’est ce qu’on appelle la fraude par branchement direct. Enfin, il y a la fraude industrielle, plus sophistiquée et qui concerne souvent des appareils qui sont des accessoires permettant d’adapter la mesure. C’est plus difficile à trouver, mais nous avons des techniciens qui sont capables de regarder ce qui ne marche pas chez les industriels. 
Quelle est la forme de fraude la plus fréquente ?
Chez les clients domestiques, plus de 80% des fraudes sont des manipulations de compteur. C’est des gens qui agissent sur le compteur, le traficotent. Il y a une partie des fraudes qui sont des branchements directs. Chez les industriels, c’est surtout une fraude par manipulation des appareils qui tournent autour du compteur, parce que le  compteur est sophistiqué. On n’y touche pas. Mais souvent, il y a des accessoires des autres appareils qui permettent aux autres compteurs de fonctionner. C’est souvent ce que les clients industriels dérèglent.
Quels sont les facteurs qui favorisent le développement du phénomène ?
Le principal facteur, c’est la banalisation. Au Sénégal, chacun d’entre nous a une fois rencontré des fraudeurs sans s’en étonner. Ce sont des voleurs qui vous volent, qui nous volent, mais personne ne fait rien. La Senelec investit à un million de clients et ne peut pas mettre un contrôleur derrière chaque client. C’est cette banalisation, ce sentiment de laisser-aller qui fait que les gens ont tendance à frauder. Ensuite, il y a des facteurs tels que la faiblesse de la législation. Jusqu’à tout dernièrement, les fraudeurs même s’ils sont confirmés ne courent pas de risques très élevés. D’abord sur le rappel de fraudes, les montants n’étaient pas très élevés. Il nous est arrivé à plusieurs reprises de prendre des fraudeurs dont les factures de pénalité étaient inférieures réellement à la quantité qui a été volée. Ces gens ont tendance à récidiver parce que simplement on vous régularise une partie inférieure à ce que vous avez volé. Enfin, les sanctions pénales n’existaient pratiquement pas. C’était des sanctions avec sursis, donc les gens n’encouraient pas de peines de prison. Ce qui heureusement est en train d’être réglé parce que tout dernièrement, le gouvernement a voté un projet de loi qui va sanctionner par des emprisonnements ferme de 1 à 5 ans et qui a  renforcé les amendes qui vont être de 1 à 5 millions. Ça va véritablement concourir à réduire la fraude. 
Quelles sont les zones les plus chaudes ?
La fraude, c’est un peu partout. Chez les clients nantis, la fraude est plus grave parque ces gens ont non seulement les moyens de prendre des techniciens, de les payer pour qu’ils leur fassent la fraude, mais ils ont aussi les moyens d’acheter des appareils. Ceux qui peuvent acheter des climatiseurs, des chauffe-eau et autres ont des appareils qui consomment beaucoup d’énergie. On a beaucoup de grands fraudeurs dans des zones très huppées de Dakar. Il y a des populations qui sont un peu moins aisées, qui sont dans des zones difficilement exploitables en termes d’adressage, on les localise difficilement. Eux profitent plutôt de l’environnement géographique. Dans des zones comme Thiaroye, c’est difficile de trouver tous les clients parce que ce n’est pas bien organisé. Il y a les inondations. Il peut y passer beaucoup de temps avant de trouver un fraudeur. Les gens qui s’adonnent à la fraude sont nombreux, mais n’ont pas beaucoup de moyens et donc pas beaucoup d’appareils. La quantité d’énergie tirée réellement n’est pas comparable à celle d’une fraude chez une personne nantie. Mais de façon générale, il y a une tendance à étendre la fraude un peu partout au Sénégal. Chez les in­dus­triels, c’est des secteurs assez particuliers comme la pêche, la conservation et le plastique. C’est des secteurs où nous sommes très vigilants et que nous surveillons de très près.
 Voilà des zones rouges que nous avons bien identifiées. Nous avons des projets qui nous permettront d’y mettre un terme de façon très rigoureuse. 
La Senelec met beaucoup de temps avant d’attribuer un compteur à un client. Cette lenteur n’est-elle pas un facteur favorisant la fraude ?
Cette lenteur est constatée depuis deux ou trois mois.  La fraude, nous en parlons depuis plus de dix ans. Ce n’est pas la raison de la fraude parce que c’est vrai que la Senelec a eu des difficultés depuis trois mois dans son schéma d’approvisionnement de compteurs. Ce qui a créé des perturbations chez les clients et qui a allongé anormalement les délais. Heureuse­ment aujourd’hui, cette situation est en train d’être réglée parce que nous avons reçu plus de 50 mille compteurs et nous en avons plus de 150 mille qui sont en bateau  et qui arrivent. Si quelqu’un pouvait l’évoquer d’ici quelques semaines, ce n’est plus une question qui va se poser, les gens recevront les compteurs adaptés et à temps. Je pense que ce qui pousse les gens à frauder fondamentalement, c’est parce qu’ils n’ont pas peur d’être dénoncés et s’ils sont dénoncés, ils n’ont pas peur d’être sanctionnés. C’est vrai que lorsque vous demandez du courant, vous restez pendant un ou deux mois  sans le courant, cela pousse certains à frauder. Mais que font en ce moment les villages qui n’ont pas d’électricité ? Donc, ce n’est pas un motif valable.  
Les agents de la Senelec eux-mêmes sont aussi souvent in­dexés…
Oui, sans doute. Vous savez, à la Senelec, nous faisons 2 500 agents. Nous ne pouvons pas certifier qu’il n’y a pas certains agents véreux qui profitent des actions de truands parce que personne ne vous offrira une fraude gratuitement. C’est toujours une combinaison entre un technicien, soit agent de la Senelec, soit un autre technicien qui est corrompu par un client qui  en profite. Mais les gens doivent savoir que les agents de la Senelec, qui sont impliqués dans les actions de fraudes, courent des risques. Sur le plan pénal, ils sont beaucoup plus pénalisés parce qu’il y a des circonstances aggravantes.  Et sur le plan administratif, ils sont systématiquement licenciés. Ceux qui le font savent bien ce qu’ils encourent.
La Senelec ne gagnerait-elle pas aussi en mettant ses agents dans de bonnes conditions parce qu’il y a certains qui ont fait plusieurs années dans cette structure sans être régularisés ?
Le secteur de l’énergie est déficitaire et tout le monde connaît ses difficultés. Le gouvernement essaie depuis plusieurs années de restructurer ce secteur.  La Senelec ne reçoit pas un revenu qui lui permet de maintenir le secteur dans tous ses aspects. Et maintenir le secteur signifie donner de l’énergie suffisante et à moindre coût aux Sénégalais d’abord, mettre le personnel à l’aise. Tout cela coûte de l’argent. Aujourd’hui, il y a des programmes qui sont élaborés par le gouvernement en termes d’investissements stratégiques et structurés qui vont apporter une solution sur le coût de l’énergie à l’horizon 2016-2017. Cela fera que l’énergie sera disponible et son coût sera revu à la baisse. Mais si l’énergie qui est revue à la baisse est volée, cela contribuera à renforcer la situation difficile  de la Senelec. Donc, la cause de cette précarité que nous vivons dans le secteur de l’énergie est aussi due au vol.  Aujourd’hui, si on avait seulement estimé le manque à gagner de la fraude de 2013 à 24 milliards, cela fait plus de 24 ans de salaire des agents. Aujourd’hui, s’il n’y avait pas de fraude, l’ensemble des agents dont vous parlez et qui sont dans une situation précaire auraient pu être embauchés et payés pendant 24 ans. Voilà une raison de ce combat contre la fraude.
Comment traitez-vous les dossiers relatifs à la fraude ?
 Disons que tout d’abord, nous faisons le constat lorsqu’on a une présomption de fraude qui est  plus ou moins vérifiée. On a un technicien assermenté, un technicien  formé pour faire le constat. Ensuite, on a un huissier qui nous accompagne, qui établit l’ensemble des choses que nous constatons chez un fraudeur en termes d’infraction matérielle constatée sur le compteur et le système de comptage, l’ensemble des incohérences que nous avons et qui est mis dans un Pv de constat et un Pv de l’huissier.  Ensuite, on l’invite  dans un bureau, discute avec lui sur ce que nous avons constaté et nous lui proposons un traitement à l’amiable, s’il reconnaît les faits.  Le client est libre de dire je suis d’accord parce que les preuves que vous me donnez sont fondées ou je ne suis pas d’accord. S’il est d’accord, nous le  traitons à l’amiable, c’est-à-dire il rembourse les frais de constat et nous estimons le manque à gagner sur une part Senelec qu’on lui donne pour payement. Si le client certifie qu’il n’est pas d’accord,  nous établissons un dossier que nous envoyons à nos avocats, portons plainte auprès du client. Là, le juge va trancher. Il peut être condamné de nous payer effectivement ce que nous avons demandé, mais il va en prison. C’est le surplus. C’est pourquoi souvent les clients sont d’accord lorsque vous les interpellez. Parfois, avec l’aide de certains avocats qui leur font miroiter qu’ils ont toujours les possibilités de gagner au Tribu­nal, il y a beaucoup de clients qui  emmènent des distorsions, etc. Mais souvent, si la Senelec désigne quelqu’un comme fraudeur, c’est parce qu’on détient des arguments solides et si le client refuse, au Tribunal, nous gagnons souvent le procès.
Combien a encaissé la Senelec dans le traitement des fraudes ?
Cela dépend. En 2013 par exemple, nous avons eu 1 milliard sur toute la fraude chez les clients généraux et les petits clients. Sur le client industriel, on a environ  800 millions. Mais il faudrait savoir que nous ne prenons pas beaucoup de fraudeurs. Ceux qu’on prend correspondent à peu près à 1/3 de ceux qui existent. Donc, il faudrait une participation de l’ensemble de la population  pour que les fraudeurs soient dénoncés.
Aujourd’hui, vous avez élaboré une stratégie ou un programme national de lutte contre la fraude…
Oui ! On a un programme sur trois ans. L’objectif, c’est de réduire la fraude de 70%.  Aujourd’hui, la fraude est de l’ordre de 8,5%, correspondant à 24 milliards et nous voudrions véritablement qu’à l’horizon 2017-2018, qu’on parle d’une fraude de l’ordre de 2 ou 3%.
Est-ce que vous avez présentement les moyens de votre politique ?
Disons qu’on a des moyens dégagés par la Senelec, des moyens dégagés par des partenaires internationaux, en l’occurrence la Banque mondiale. Un budget de presque 3 milliards a été dégagé et que la Senelec va mettre sur les moyens, sur les motivations, sur l’ensemble de l’organisation des structures de lutte contre la fraude, parce que c’est un problème qui est pris au sérieux au niveau de l’Etat et des partenaires de l’Etat. Les gens ne peuvent pas accepter que les populations payent leurs factures très cher, qu’ils contestent cela tout le temps, que l’Etat mette plus de 70 à 80 milliards en termes de subventions et qu’une bonne partie de cet argent  aille chez des gens qui ne payent pas la facture. C’est inadmissible parce que la fraude est payée par des gens.  C’est payé par des clients, par l’Etat dans les subventions. En définitive, c’est payé par la population sénégalaise, y compris ceux qui n’ont pas l’électricité. Si l’Etat fait une subvention sur l’électricité,  c’est peut-être l’argent qu’il faudrait pour construire un hôpital dans un village, mettre un forage, etc. Donc, ce sont ces gens-là qui sont privés de ces infrastructures, mais surtout qui ont payé  pour des fraudeurs.  Aujourd’hui, il y a une raison valable pour que tous les Sénégalais se réunissent pour véritablement aller lutter contre la fraude.
fin

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SOURCE:http://www.lequotidien.sn/index.php/component/k2/item/32389-moussa-di%C3%A8ye-directeur-commercial-de-la-senelec--les-grands-voleurs-de-courant-sont-dans-les-quartiers-chics-de-dakar