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« Selon que vous serez puissant ou misérable, les jugements de cour vous rendront blanc ou noir ».
Cette sentence édictée par le poète Jean de la Fontaine au 17ème siècle est toujours terriblement actuelle, hélas ! Du moins dans notre pays. A preuve par ce qui s’est passé le week-end dernier à Touba où des pyromanes qui ont réduit en cendres les domiciles et la boulangerie d’un citoyen sénégalais, qui plus est député du peuple, ont été, sitôt interpellés par la Police, libérés par l’autorité politique. Au nom d’une nécessaire préservation de l’ordre public, ont expliqué nos dirigeants.
Un ordre public qui venait précisément d’être gravement perturbé par ces incendiaires qui ont agi à visage découvert sur l’ordre de leur marabout et qui ont revendiqué ouvertement leur crime devant les caméras des chaînes de télévision. Mieux, leur expédition punitive était dirigée par une des sœurs dudit marabout qui a voulu venger les propos offensants tenus par le député du peuple, Moustapha Cissé Lô en l’occurrence, contre son frère. Propos enregistrés sur les réseaux sociaux et diffusés en boucle par des médias « mille collines » qui pullulent dans la capitale du mouridisme. Car c’est à Touba, véritable Etat dans l’Etat sénégalais, territoire aux portes duquel s’arrêtent les lois de la République, que tout cela s’est passé.
Touba où les forces de police et de gendarmerie, mais aussi la douane, ne peuvent intervenir que sur autorisation expresse du khalife général. Touba qui sera dimanche prochain la seule localité du Sénégal où les électeurs seront appelés à voter aux élections locales pour une (et non deux, encore moins trois ou quatre) liste(s) qui ne comportera aucune femme en son sein ! Dans cette ville particulière, située en plein cœur d’un pays appelé le Sénégal, des citoyens peuvent se permettre de se réunir en plein jour, décider séance tenante d’aller incendier les domiciles et un commerce appartenant à un honorable citoyen — même s’il est coutumier de frasques et de foucades, même s’il est prompt à dégainer un pistolet comme au Far West et même s’il a un langage de charretier —, revendiquer leur acte et avoir droit en plus aux excuses des plus hautes autorités de la République ! Lesquelles se sont ainsi aplaties honteusement devant un pouvoir maraboutique… qui leur doit pourtant sa sécurité.
Encore une fois, ce qui s’est passé ce week-end dernier à Touba est gravissime puisque non seulement les biens d’un honorable citoyen ont été incendiés, sa famille ne devant d’avoir la vie sauve que parce qu’elle a été exfiltrée par les forces de l’ordre arrivées tardivement sur les lieux, mais encore les autorités de la République ont été humiliées à travers cet ultimatum qui leur a été lancé par la sœur du marabout offensé. Laquelle a menacé de lancer ses hordes sur le commissariat de police où étaient détenus les 19 individus interpellés parmi la foule qui avait réduit en cendre les domiciles et la boulangerie de M. Moustapha Cissé Lô.
La brave dame avait donné un « deadline » qui expirait après la prière de « Takusaan » pour brûler le commissariat de police… Avant l’expiration de l’ultimatum, tous les pyromanes avaient été remis en liberté ! Quand on pense que, chaque année, au cours des sessions d’assises qui se tiennent à travers le territoire national, de pauvres diables accusés d’avoir incendié des cases où ne se trouvaient bien souvent que des nattes, quelques malles remplies de vieux habits et des lampes-tempête sont condamnés à des réclusions criminelles de cinq, dix voire 15 ans ! Car notre justice peut être sévère à l’occasion.
Malheureusement, elle ne l’est le plus souvent que contre de pauvres hères sans feu ni lieu, ceux n’ayant ni marabout, ni responsable politique haut-placé pour intervenir en leur faveur. Or s’il y a des gens qui méritaient d’être traduits devant les assises, c’est bien les individus qui ont incendié les biens de M. Moustapha Cissé Lô. Lequel, plutôt que de se scandaliser, a… présenté ses excuses aux marabouts qui ont donné l’ordre de mettre le feu à ses maisons et à sa boulangerie. Renversant !
Pendant ce temps, de pauvres fils du peuple comme ces jeunes gens de Colobane accusés du meurtre du policier Fodé Ndiaye lors des émeutes pré-électorales de 2012, sont maintenus en détention sans jugement depuis plus de deux ans. Leur crime ? Habiter Colobane, le quartier où le pauvre policier a été lynché à mort. Est-ce leur faute à ces pauvres jeunes gens si la manifestation qui a dégénéré s’est déroulée sur la place de l’Obélisque, c’est-à-dire dans leur quartier ? Est-ce leur faute si tous les manifestants pourchassés ce jour-là par les forces de l’ordre se sont dispersés dans les rues de leur quartier ?
Comprenons-nous bien : tandis que pratiquement toute l’opposition d’alors se réjouissait du meurtre de ce jeune policier, nous avions été, au « Témoin », parmi les rares à avoir dénoncé ce lynchage odieux. Hélas, ceux qui avaient appelé à la manifestation de ce jour-là pour s’opposer à un troisième mandat du président Wade sont aujourd’hui, dans leur grande majorité, au pouvoir sans même se préoccuper du sort de ces jeunes gens qui sont les victimes collatérales de leur combat d’alors. Gageons que si ces jeunes gens étaient fils de marabouts et portaient le patronyme Mbacké, on les aurait relâchés depuis !
Une chose est sûre, en tout cas ; Barthélémy Dias a raison d’avoir tiré sur les nervis du Pds qui menaçaient d’envahir sa mairie. Car, s’il ne l’avait pas fait ce jour-là, peut-être que, non seulement la mairie aurait été incendiée mais lui-même ne serait plus de ce monde! Et qui sait ? Ses meurtriers auraient été libérés au nom de la nécessaire préservation de l’ordre public comme on a expliqué pour justifier la libération des criminels de Touba. En viendra-t-on donc un jour à une situation où les citoyens se feront justice eux-mêmes, leur justice ayant fini de faire la preuve de sa couardise et de sa partialité ? Il est à le craindre, hélas !
Soyons justes, cependant : le président de la République, M. Macky Sall, pouvait difficilement ne pas reculer dans cette affaire puisque, même s’il se présente comme un talibé de la famille de Serigne Mbacké Sokhna Lô, tout le monde sait qu’il est considéré à Touba comme un dangereux Tidiane ! Et tout acte qu’il pose depuis son arrivée au pouvoir en direction de Touba est considéré comme étant dirigé contre les Mourides ! Bien sûr que ce n’est pas vrai mais, que voulez-vous, l’ancien pouvoir, celui du président Abdoulaye Wade, avait tellement fait pencher la balance des faveurs étatiques du côté de Touba que, tout acte entrepris dans le sens de la rééquilibrer un tant soit peu au profit des autres composantes de la nation est considéré comme un casus belli !
Et puis, dans ce registre de la reculade, voire de la fuite toute devant les injonctions de Touba, il ne fait qu’imiter ses prédécesseurs. Ainsi, quand un petit marabout Mbacké-Mbacké avait fait kidnapper Sidy Lamine Niasse, le président du groupe de presse Wal Fadjri, le procureur de la République de l’époque, M. Ousmane Diagne, avait sorti un communiqué de presse très viril dans lequel il annonçait avoir décidé de s’autosaisir. Mieux, disait-il, le marabout kidnappeur était activement recherché pour être mis à la disposition de la justice. Puis on n’a plus entendu reparler de cette affaire… jusqu’à ce que l’ancien ministre Farba Senghor révèle que le président de la République avait indemnisé Sidy Lamine à hauteur de 400 millions de francs afin que le dossier soit clos.
Avant Wade, le président Diouf aussi avait eu son moment de reculade devant Touba. C’est lorsque des talibés mourides avaient incendié un lieu de prières à Niary Tally où des talibés d’une petite secte avaient tenu des propos offensants contre leur marabout. Devant l’émotion provoquée par cette affaire, la justice avait fait interpeler quelques-uns parmi les talibés vandales. Placés sous mandat de dépôt, ils avaient été emprisonnés à Rebeuss. Dès le lendemain, des centaines de talibés mourides avaient fait le siège de la prison, récitant des « khassaïdes » tandis que des dizaines de « mbanas » (grandes marmites) étaient installés sur des brasiers géants pour la restauration de tout ce monde. Eh bien, ce jour-là également, avant le crépuscule, les talibés vandales avaient été libérés…
Dans ces conditions, évidemment, le président Macky Sall n’allait pas jouer au héros au risque de compromettre son fragile pouvoir. Surtout qu’aucun homme politique, aucune grande gueule de la société civile n’est monté au créneau pour condamner ce qui s’est passé à Touba… Et tant pis si la République est morte au Sénégal un samedi, 21ème jour du mois de juin 2014. L’enterrement a eu lieu au cimetière de Touba. Sans fleurs ni couronnes, évidemment… Mais avec plein de « khassaïdes » qui l’ont accompagnée à sa dernière demeure !
source: LE TEMOIN
url:http://www.seneplus.com/article/touba-cimeti%C3%A8re-de-la-r%C3%A9publique%E2%80%A6
Par Mamadou Oumar Ndiaye Touba, cimetière de la république…
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