Un avis, que partage Ibrahima Diouf de la Division des armes et munitions. Selon lui, la légitime défense souvent évoquée pour justifier l’usage de l’arme n’est pas valable. De même, il n’existe pas d’autorisation permanente de port ou détention d’arme.
Se réfugiant derrière la légitime défense, des détenteurs d’armes n’hésitent plus à recourir à ces engins de la mort pour …tenir à respect l’adversaire ou se tirer d’affaire. Des hommes à la gâchette facile qui sont toujours prêts à tirer… en l’air ou à bout portant, que la situation ou le contexte l’exige ou pas. Et, en dehors des individus mal intentionnés, donc hors de contrôle, qui réussissent à se procurer une arme de manière illégale (ou légale parfois), pour commettre des forfaits, des personnalités publiques, notamment des hommes politiques, des sportifs, autorisées à les détenir, ont occupé les devants de l’actualité pour avoir fait usage de leurs armes à feu. Pape Massata Diack de Pamodzi Sport Consulting, Farba Ngom et Moustapha Cissé Lô, tous deux des députés de l’APR et Barthélémy Diaz, député-maire socialiste, pour ne citer que ceux-là, ont tous eu des démêlés avec la justice suite à des tirs de sommation.
L’affaire dite de Pape Massata Diack, du nom du directeur de Pamodzi, qui a eu des problèmes avec la justice à cause de coups de sommation tirés et ayant entrainé la blessure de deux jeunes guinéens, en dit long sur la propension des «célébrités» impliquées dans de pareilles affaires. Dans cette histoire de tir, on retrouve également, le député de l’Alliance pour la république (Apr), Farba Ngom. C’était lors de l’installation des comités électoraux de son parti à Matam, en mars dernier, que le député Farba Ngom, pris entre les jets de pierres et les coupe-coupe, avait dégainé son pistolet pour disperser la foule. A l’origine des faits, deux tendances du parti présidentiel s’affrontaient dans la commune alors que l’ancien ministre Aly Koto Ndiaye présidait l’installation du comité électoral. Il s’agissait des proches du maire Mamadou Mory Diaw opposés à Farba Ngom.
Plus de deux ans plutôt, durant la période préélectorale en perspective de la présidentielle de février-mars 2012, le maire de Mermoz Sacré-Cœur était lui aussi impliqué dans une histoire de coups de feu. Barthélémy Diaz tenait ainsi tête à des «nervis» à bord d’un pick-up venus assaillir les locaux de sa municipalité, le 22 décembre 2012. En effet, pour sa défense, Barthélémy Diaz avait fait usage de son arme, tirant plusieurs coups de feu en direction des visiteurs indésirés qui avaient fini par prendre la poudre d’escampette. Le maire de Mermoz Sacré-Cœur avait été par la suite mis en examen et placé en détention pour le meurtre d’un des nervis, Ndiaga Diouf. L’affaire est encore pendante devant les juridictions compétentes.
Une autre célébrité à la gâchette facile est Moustapha Cissé Lô, surnommé «El Pistoléro». A l’image de son père, le fils de Moustapha Cissé Lô lui également s’essaie à la matière. C’est ainsi que le jeudi 26 juin dernier, alors que le fils (du député APR) manipulait le pistolet de son père, un coup est parti accidentellement le blessant légèrement. Il y a eu heureusement plus de peur que de mal !
PRECISIONS DU LIEUTENANT COLONEL IBRAHIMA DIOUF DE LA DIRECTION ARMES ET MUNITIONS - «Il n’existe pas d’autorisation permanente de port ou de détention d’arme»
La légitime défense souvent évoquée pour justifier l’usage de l’arme n’est pas valable. De l’avis d’Ibrahima Diouf, de la Division des armes et munitions, entité du ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique, chargée de la délivrance des permis de port d’armes, la riposte doit être proportionnelle à l’agression. D’ailleurs juge-t-il, il n’existe pas de défense préventive ou hypothétique. S’agissant du permis de port d’arme, le lieutenant colonel Ibrahima Diouf de la Direction des armes et munitions, indique qu’il existe une procédure juridique liée notamment à la loi n°7003 du 18 janvier 1966 et la Convention de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) du 16 juin 2006 sur les Armes légères et de petites calibres (ALPC).
Ibrahima Diouf souligne, en outre, qu’avant toute délivrance du permis de port d’arme, il faut au préalable que la Division des armes et munitions s’assure que le requérant maitrise les règles de sécurité des armes sur les Armes légères et de petites calibres (Alpc), la disponibilité d’un local sécurisé permettant de garder l’arme, voir si l’objet pour lequel le requérant veut disposer d’une arme à feu est justifié. La personne désireuse d’avoir un permis de port d’arme doit aussi avoir un casier judiciaire vierge. La prise des empruntes digitales est aussi une nécessité. Le requérant de l’arme doit déposer une demande au ministère de l’Intérieur et de la Sécurité publique par courrier direct et/ou par l’intermédiaire des armureries agrées.
Le dossier comporte une photocopie de la carte nationale d’identité, un extrait du casier judiciaire, une demande manuscrite et un timbre fiscal de 2000 F Cfa. L’étude du dossier se fait par la Direction de la sécurité du territoire avant l’entrée en matière de la Division des armes et munitions. Ibrahima Diouf précise qu’il n’existe pas d’autorisation permanente. Le sésame doit être renouvelé et dans ce cas aussi, il faut la prise des empreintes digitales.
OUSSEYNOU SAMBA, ENSEIGNANT EN DROIT PRIVE A L’UCAD - «ON NE PEUT RECOURIR A UNE ARME QUE QUAND LA VIE D’UNE PERSONNE EST MENACEE»
Qu’on soit détenteur de permis (de port ou de détention) ou pas, l’usage des armes à feu obéit à des règles prédéfinies y compris dans le cadre de la légitime défense. Justement, de plus en plus d’individus ont tendance à se réfugier derrière cette «close» pour justifier le recours à leurs armes. Interrogé sur cet état de fait, l’enseignant en droit privé à la Faculté des sciences juridiques et politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), Ousseynou Samba explique: «Il faut, dans une certaine mesure, que la personne soit dans une situation de légitime défense. Quand on parle de légitime défense, il faut que ce que l’on sauvegarde soit supérieur à ce que l’on sacrifie. Il faut une proportionnalité entre l’agression et la défense».
Ce qui signifie que «la légitime défense» est strictement encadrée et ne peut être invoquée dans n’importe quelle situation ou contexte. «Cela veut dire que la personne, bien que détenant une autorisation de port d’arme, lorsqu’elle tue pour protéger ses biens, ne peut pas échapper à la loi parce que, la vie d’une personne vaut bien plus que les biens qu’elle voulait protéger. La personne ne peut utiliser son arme contre une autre personne que lorsque c’est sa vie qui est menacée. Il faut que l’intérêt sacrifié soit inférieur à l’intérêt sauvegardé, à tout le moins, que les deux intérêts soient égaux», relève l’enseignant.
Ousseynou Samba fait, en outre, remarquer que, «l’usage de l’arme doit être l’ultime recours. La personne ne peut utiliser son arme à feu que lorsque, que c’est l’ultime recours possible au cas où c’est sa sécurité qui est en jeu ou celle de ses biens ou de son activité professionnelle». Se voulant plus clair, Ousseynou Samba renchérit: «l’Usage de l’arme à feu n’est possible que quand la sécurité d’une personne, ses biens ou son entreprise sont menacés et que seule l’usage de l’arme peut dissuader ou empêcher l’infraction».
Dans quel cas peut-on disposer d’une autorisation de port ou de détention d’arme à feu ?
D’emblée l’enseignant en droit privé relève qu’il existe une différence entre l’autorisation de port d’arme et l’autorisation de sa détention. Si l’on en croit Ousseynou Samba, «seul l’Etat a le monopole d’organiser». Cela veut dire, indique-t-il «que seules les Forces de Police, de la Gendarmerie et les Forces Armées ont le droit de dégainer des armes à feu». Une telle chose est possible à son avis du fait que, «la loi interdit, de manière formelle, la fabrication, l’importation, le commerce, l’acquisition et la détention et le port d’arme, sauf dans les cas, issus des conditions qui sont prévues par la loi de 1966, (la loi n°6603 du 18 janvier 1966)». Et, dans ce cas, précise-t-il «lorsque la personne veut détenir une arme, elle a l’obligation de demander une autorisation, d’acquérir, d’importer ou d’acheter une arme. C’est à la suite de cette autorisation, qu’on va lui délivrer un permis soit de détenir, ou de porter».
La différence qu’Ousseynou Samba fait ressortir entre ces deux notions (détention d’arme ou port d’arme) est la suivante: «celui qui a l’autorisation de détention d’arme doit en disposer chez-lui (dans sa maison ou dans son entreprise), alors que celui qui a l’autorisation de port d’arme est autorisé à avoir l’arme avec lui et de circuler avec».
Les conditions requises pour obtenir l’autorisation de détention ou de port d’arme.
De l’avis d’Ousseynou Samba, la personne désireuse d’obtenir une autorisation de port d’arme doit être majeure et ne doit pas faire l’objet d’une condamnation, mais également, elle doit être de bonne moralité. Aussi, la personne cherchant à détenir une arme doit tenter de sauvegarder sa sécurité, celle de ses biens ou son entreprise. Et, en pareil circonstance, précise-t-il, une enquête de la Police doit confirmer que le demandeur a besoin de se protéger.
Quand est-ce qu’il faut recourir aux tirs de sommation ?
Ousseynou Samba se base sur des exemples pour élucider les circonstances dans lesquelles la personne détentrice d’une arme peut faire des tirs de sommation. Ainsi soutient-il, «lorsqu’on veut chasser des voleurs de chez-soi, tirer des coups de sommation, sur eux n’est pas justifié. Mais si une personne entre dans une maison avec un pistolet et probablement avec une intention de tuer, en ce moment là, donner des coups de sommation ne s’avère pas pertinent, car sauver sa vie, devient la seule préoccupation. Et, par conséquent, on n’est obligé de se défendre. Les coups de sommation ne sont obligatoires que pour les Forces de Police, mais lorsque le policier qui détient une arme est menacé, il n’a pas à faire des coups de sommation, en ce moment là, il réagit pour sauver sa vie».
Le retrait du permis de détention ou de port est possible si…
De l’avis d’Ousseynou Samba, le retrait du permis de porter ou de détenir une arme est possible dans les conditions ou le délivreur du sésame constate que l’autorisation est utilisée à des fins différentes de celles évoquées lors de la requête. Mais également, fait-il remarquer, la Police a la possibilité de voir si les munitions ont été utilisées à bon escient. Le cas contraire, l’autorisation de port ou de détention peut être retirée à l’ayant droit.
SOURCE: http://www.sudonline.sn/la-legitime-defense-le-refuge-des-hommes-a-la-gachette-facile_a_21762.html