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« Halte à la République des professeurs?! » Cette terrible apostrophe du très placide Mouhamed Bounn Abdallah Dione est l’expression d’un besoin et d’une vocation du pouvoir actuel : un recueillement révérencieux de toutes les autres catégories de la société. Pour que vive la République des politiciens. Afin que dans celle-ci, monolithique et monocorde, puisse résonner dans sa solitude martiale, la voix injonctive du pouvoir politique. Et que seule soit audible la parole infaillible du Macky. Pour nous indiquer la voie royale du salut de notre République.
En l’occurrence, le Premier ministre est certainement si haut perché d’être le premier des ministres, qu’il a fini par être oublieux de lui-même et de nous-mêmes : tous citoyens de la République et non sujets d’un quelconque roi. Mais en accédant au pouvoir, certains politiciens s’échafaudent un royaume qui n’est pas de ce monde, où méthodiquement, ils s’acharnent à convaincre les citoyens qu’ils ne doivent pas s’occuper de ce qui les regarde. C’est dans cette improbable perspective que le Président Macky Sall a qualifiée de dérisoire et accessoire le débat sur la réduction de son mandat : « Je ne suis pas dans ces futilités », a-t-il déclaré devant le khalif de la famille Omarienne à Louga. Oubliant qu’il est lui-même à l’origine de ces futilités, en formulant la promesse d’une réduction de son mandat. De fait, qu’y avait-il de si impérieux et impératif?? En quoi, pour un Président démocratiquement élu, un quinquennat peut-il être plus légitime, plus pertinent qu’un septennat?? À l’analyse, nous sommes désormais dans « l’Ordre du discours » tel que défini par Michel Foucault. En effet, le statut de Président confère au discours de Macky Sall une légitimité qui tout à la fois, l’honore et le désarme.
Son droit privilégié et exclusif à la parole, le condamne également à la servitude du respect de sa parole. C’est pour cette raison que ses tergiversations actuelles suscitent toutes sortes d’avis d’experts. Qui tous, tiennent un discours de pouvoir, sur le pouvoir, la durée du pouvoir. Spécialistes contre experts, pouvoir contre opposition. Tous argumentent, expliquent, démontrent… Et nous enferment par leurs discours dans une sorte de logique d’accélération ou de ralentissement du temps qui nous sépare de la prochaine échéance électorale : pour conserver le pouvoir ou y accéder. Si bien qu’en définitive, Conseil constitutionnel, Assemblée nationale, Référendum, ce ne sont que des espaces de consécration et de validation d’un pouvoir que le peuple a déjà légitimé par son vote souverain. Si bien que tout autre recours ne serait qu’une imposture, une fuite en avant de nos gouvernants devant leurs responsabilités et les urgences qui auraient dû mobiliser toute leur énergie. La vérité est qu’en proposant de réduire son mandat, le Président ne cherche qu’à se présenter en démocrate magnanime, prêt à renoncer volontairement à une parcelle purement temporelle d’un pouvoir démocratiquement acquis. Ainsi, le cas échéant, cette image lui aurait servi de caution et d’argument massue pour mieux reconquérir et conserver le pouvoir.
Quant à l’opposition, pour précipiter la chute du Président, elle a beau jeu de le présenter comme un despote qui ne respecte ni sa parole ni son peuple. Et, au milieu de cette clameur partisane, s’élève la voix plurielle mais duale des experts. Ils s’appuient sur le même texte (la Constitution), tiennent le même type de discours (de spécialistes), avancent les mêmes arguments… et aboutissent aux mêmes conclusions savantes et irréductiblement opposées, selon qu’ils défendent le pouvoir ou l’opposition. Quant au peuple électeur, en attendant la prochaine élection, si permission lui avait été accordée, il se serait certainement demandé par quel tour de magie de si grands hommes en sont arrivés à se transformer en de si petites gens pour de si vaines « futilités » de pouvoir. Cette question s’appliquerait parfaitement à l’affaire Lamine Diack. Mais là, pour le moment, on peut se contenter de marquer son étonnement et son indignation. Pour constater avec Camus : « Un homme d’honneur est un animal rare dans le monde actuel. » Finalement, aujourd’hui dans notre pays, le temps de vivre se comprime et se transforme en un espace d’expérimentation et de légitimation. Espace littéralement submergé par des experts uniquement soucieux d’éprouver leur expertise pour s’aménager des parcelles de pouvoir, et des politiciens dont toutes les actions se font au nom et aux dépens du peuple. Ce sont ces gens-là, qui utilisent et sont utilisés par les médias, qui passent leur temps à formuler et reformuler indéfiniment les propositions d’existence qui doivent indiquer la trajectoire de notre vie en tant que nation. C’est là que nous en sommes aujourd’hui au Sénégal : nous subissons la tyrannie des experts et des politiciens.
Auteur: Galass - Seneweb.com
source: http://www.seneweb.com/news/Chronique/la-tyrannie-des-experts-et-des-politicie_n_172188.html