Et, sur cette même liste qui commence à s’allonger, le Sénégal ne fait plus exception depuis que le Président Wade a agité le nom de son fils pour lui succéder à la tête de son parti, le Pds et du pays. Ainsi, selon qu’on se nomme Ali, Pasqualine ou Karim, le fait d’être descendant du clan semble donner tous les droits et fait de certains, des rois avant l’heure. Fantômes de la démocratie, tous semblent être pris subitement de dérive monarchique à la tête des pays. Mais ne se trompent-ils pas de monde ?
L’Afrique peut-elle encore se défaire de ses démons en élisant de vrais démocrates issus du peuple à la tête de ses pays ? La réponse n’est pas simple. Large débat de la période d’occupation, le concept de décolonisation semble avoir vécu. Et dans certains pays, les anciens vainqueurs ou négociateurs ne veulent rien laisser aux générations qui arrivent (Algérie, Zimbabwe, l’Afrique du Sud, Congo et Rd Congo). Dans d’autres, c’est toujours le scénario du pire quoiqu’il arrive à chaque fois qu’une élection est organisée au sommet de l’Etat (c’est le cas de la Côte d’Ivoire, du Gabon, de la Guinée, du Kenya, du Nigeria et même ici du Sénégal). La Cour pénale internationale (Cpi) a encore de beaux jours devant elle.
Au Sénégal où l’on vient de passer sous silence, (sans doute pour cause de ramadan), l’anniversaire du 23 juin, dans la construction démocratique, il semble que la seule information qui devait être traitée et reprise, restait la libération en catimini de Karim Wade. Son fils en prison, l’ancien Président sénégalais n’a pas hésité à le déclarer lui tout seul candidat à la présidentielle de 2017 qui n’aura plus lieu à cette date. Karim Wade, le bien né. Fils d’ancien Président, anonyme et presqu’inconnu des Sénégalais et des Africains au début des années 2000, intègre progressivement le clan des fils de. IL va même devenir, devant tous les Premiers ministres de son père, le personnage le plus important du pouvoir, en héritant de la plus importante fonction ministérielle affectée à un seul homme depuis l’indépendance du Sénégal : Ministre d’Etat, Ministre de la Coopération internationale, de l’Aménagement du Territoire, des Transports aériens et des Infrastructures. Pour une seule tête quand même, fut-elle plus grosse comme la sienne, c’était beaucoup.
Un bien trop gros gâteau pour le fils du Président, pouvait-on lire dans la presse, quand la chose a été décidée par l’homme que le peuple a lui-même porté contre vents, marées au pouvoir. Au mépris des règles les plus élémentaires de la démocratie dont il s’est toujours réclamé, et au nom du père, Wade devenu Président, avait montré qui il était vraiment, quand il s’agissait de ses enfants. Il n’est pas le seul dans le genre.
« Karim Président » ! Au-delà du slogan, on va même l’envisager après le sommet de la conférence islamique (les 13 et 14 mars 2008) qui s’est achevée par un semi-échec pour son père et lui-même avec l’absence de quelques autorités de la Ummah, mais aussi par le fait que nombre des infrastructures hôtelières qui devaient abriter le sommet, n’étaient pas achevées quand se tient la conférence de Dakar. Alors, comme dans les régimes à la coréenne avec la famille Kim I Sung, va entrevoir la suite de la carrière de l’enfant prodige, au poste de son père. Comme s’il s’agissait d’un héritage tout préparé et quasi-normal.
Le Pds pour Karim et lui seul
Né le 1er septembre 1968 à Paris, sans aucun passé connu dans le landerneau
politique sénégalais, Karim était tout d’un coup devenu par son père l’un des hommes politiques sénégalais les plus courus. C’est cela aussi l’Afrique. On connaît la formule au Zimbabwe avec le clan Mugabe (la femme pressentie à la succession et malade, comme maintenant la fille.) Dans l’ombre de son père connu, les Sénégalais retiennent simplement que le jeune Karim Wade est le fils d'Abdoulaye Wade et de son épouse française, née Viviane Vert. Qu’il a une sœur cadette prénommée Sindiély.
À Dakar, le jeune garçon fréquente l'École franco-sénégalaise de Fann, puis le Cours Sainte-Marie de Hann. Et, c’est lorsqu'il entre en classe de seconde, qu’il devient interne dans un établissement privé français, Saint Martin de France, à Pontoise. C'est là qu'il obtient son baccalauréat en 1988 dans une filière dédiée aux sciences économiques. Peu de publications, reconnaissent les rares éléments de biographie disponibles sur lui, témoignent de cette période et Abdoulaye Wade, dans sa volumineuse autobiographie, ne fait pratiquement aucune référence à son fils.
C’est cela aussi qui peut étonner sur la subite importance donnée à ce fils devenu du coup le plus grand financier que n’a jamais eu le pays qui a vu passer d’anciens ministres et universitaires experts de la finance d’Adama Diallo, le père de Mamadou Lamine, (Tekki) à Moussa Touré, Mamadou Lamine Loum passé lui-même par le Fonds monétaire international jusqu’aux plus jeunes aujourd’hui dont un certain Makhtar Diop qui a été ministre de l’Economie et des Finances de Wade 1er au pouvoir en mars 2000.
À la sortie du lycée, Karim Wade entreprend ainsi des études supérieures à l'université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, où, après une maîtrise en sciences de gestion, il prépare un Dess en ingénierie financière qu'il obtient en 1995 avec un mémoire intitulé « Utilités et perspectives de développement du corporate governance en France » et coécrit avec sa sœur cadette. C’est là, en marge de ses études, qu’il commence à s'impliquer dans le combat
politique de son père depuis, à Paris, en participant à des réunions à la permanence du Pds, à des manifestations, distribuant des tracts avec sa sœur, également étudiante.
Dans le cadre de son Dess, il a effectué son stage de 6 mois à Paris, à la Société de banque suisse qui lui propose dans la foulée un poste de cadre au département fusion-acquisition qu'il occupe pendant un an, avant d'être recruté à Londres par la banque d'affaires Ubs Warburg, une filiale de l'Ubs (en 1998 la Société de banque suisse fusionne avec l'Union de banques suisses pour former l'Ubs). Ses activités se situent dans le secteur des mines, dans le conseil à plusieurs gouvernements africains, mais aussi en relation avec des sociétés multinationales telles que De Beers (diamants), Anglo american (mines) ou Texaco (pétrole). Voilà pour le garçon. On idéalise un jeune homme qui a certes des qualités. La génération consciente est née dans ce contexte. Lui en est l’incarnation, son ami Abdoulaye Baldé, le porteur et l’idéologue. Mais, sa malchance va résider dans le fait que les déclarations de son père sur lui, ne l’arrangent pas toujours ; la suite et la fin sont connues avec une menace d’implosion du Parti du papa, d’où va sortir l’Alliance pour la République de Macky Sall et cie et puis les alertes sérieuses aux élections régionales de mars 2009 où le Pds perdra la mairie de Dakar et encore à la présidentielle de février 2012 qui voit le départ très pénible de Wade et ses acolytes du sommet de l’Etat. Entretemps, la fortune de son fils a été évaluée, de sources judiciaires, proches du dossier, à quelques 700 milliards de Fcfa par les magistrats chargés par le gouvernement de Macky Sall d’élucider l’affaire Karim Wade. Vraie ou faux, il reste à dénouer ce problème quand il reste encore, sur l’enfant du père, l’épée de l’amnistie qui pèse encore sur sa tête.
Jusqu’à sa libération dans la nuit du 24 juin, par le président de la République sénégalaise, par décret n° 2016-880, tout chez ce garçon intrigue encore nombre de Sénégalais qui ne le connaissent pas vraiment et qui aimeraient en savoir plus sur sa vraie personnalité.
AU NOM DU PERE, DU FILS… : Des républiques pauvres à la solde de gens en quête de sous
Pagailles et confusion dans ces sphères élevées du pouvoir, voilà derrière le cas de Karim Wade aujourd’hui gracié par le président Macky Sall qui caractérise la vie
politique sur tout le continent africain. Dans les pays où une bonne partie des élites a construit les fragiles règles démocratiques, des forcenés continuent à penser qu’ils tiennent ce pouvoir de Dieu ou du fait que les autres sont nés sous une certaine forme de handicap physique, mental ou encore ; et qu’une médecine traditionnelle ou moderne ne saurait les soigner. Ainsi, semble aller cette Afrique où la bataille pour la décolonisation n’a consacré que peu de gens sortis des élites, mais souvent des collaborateurs qui ont tout donné à l’ancien colonisateur au prix de la sueur, du sang des autres etc. Le Congo de Mobutu a dû faire l’impasse sur le travail de Patrice Lumumba. L’Egypte de Moubarak, qui a aussi pensé que la terre des pharaons lui était offerte après la mort de Sadate, a été dans le même lot. Moubarak pensant plus à son fils, Gamal pour le remplacer que toutes ces belles pointures intellectuelles, morales et au plan administratif et technique qui ont cheminé avec lui au sein Parti national démocratique depuis Nasser et Sadate. Aujourd’hui encore, le pays semble taillé sur mesure au nom de certains clans.. Le Congo et sa République populaire avec Sassou à sa tête qui ferme encore ses opposants comme le Général Mokoko, accepté pour une présidentielle de pacotille, juste après sous les verrous, est aussi sur cette liste. Ainsi, va l’Afrique.
UNE CITOYENNETE BAFOUEE ET SABOTEE : Où est la République ?
Un autre contre-exemple de la démocratie en Afrique : la dénonciation sans fondement et la crise des valeurs. Dans ce continent où l’on lutte encore pour dénoncer l’esclavage et la mort d’une certaine idée du droit à la vie, certains ne semblent pas avoir leur place. Les exemples aussi ne manquent pas tant l’hypocrisie des uns, le mensonge des autres mettent en péril toute velléité de construction de l’Etat et de l’unité de la nation. Le cas le plus simple à traiter dans cet effort de synthèse, est celui de Moise Katumbi, ancien gouverneur du Katanga, hier adulé par les partisans du Président Joseph Kabila et aujourd’hui honni pour deux histoires quasiment invraisemblables : une pour complot, et l’autre pour un litige immobilier. Longtemps membre du parti du Président et intime de son ancien conseiller Augustin Katumba Mwanke, Moïse Katumbi est dans le viseur des durs du pouvoir depuis des mois. Plusieurs de ses proches, dont son ancien directeur de cabinet, ont été arrêtés en avril et mai à Lubumbashi, la capitale du Haut-Katanga. A en pleurer et rire.
Alors qu’il se rendait au tribunal avec ses partisans pour être entendu sur le prétendu recrutement de mercenaires étrangers, M. Katumbi a lui-même essuyé des tirs de gaz lacrymogènes. Des images le montrant allongé sur un lit d’hôpital ont circulé sur les réseaux sociaux vendredi. Lui n’est pas fils de. Il ne répond d’aucun grand héritage sinon celui d’un père qui ne fut ni gouverneur, encore moins président. C’est un self made man qui a fait son charme dans sa capacité et sa propension à aller de l’avant. Désir et envie, l’homme a gagné presque tous ses combats.
Son dernier pour devenir le Président d’un pays quasiment ingouvernable depuis la mort de Lumumba et le départ des colons belges risque d’être très difficile. La République démocratique du Congo, un espace où il n’est pas bon de dire «Non» au pouvoir en place, quoi que veulent en dire ceux qui dénoncent les dérives autoritaires de Kabila et cie. «Si j’avais des choses à cacher, je fuirais», confiait récemment Katumbi au Monde Afrique. «On dit que j’ai recruté des mercenaires, mais ce n’est pas à Washington qu’on recrute des mercenaires… Si j’avais dû entrer dans la rébellion, je l’aurais fait quand j’étais en exil, entre 1997 et 2003. Pourquoi je ne l’ai pas fait ? Parce que je suis un homme qui croit dans la paix et dans le processus démocratique. Je ne vais pas prendre les armes cinq mois avant les élections. Pour réfléchir comme ça, il faut être un malade mental. Je préfère encore aller en prison. Mandela était en prison, Gandhi était en prison. Ma cause est juste. Les vrais rebelles, ce sont les gens qui veulent changer la Constitution», dit-il. Face à telles dérapages, l’Union africaine a fait la preuve de son impuissance, composée en bonne partie de Présidents souvent sans légitimité. Tout comme les unions sous-régionales sans âmes.
Macky Sall a connu quand il a quitté le Parti démocratique sénégalais toutes les formes de haines et de méprise. Une fois au pouvoir, il veut oublier. Aujourd’hui, sur le fauteuil du Palais, toutes les personnes qui l’insultaient, bradent le ridicule et certaines parmi elles, viennent s’agenouiller à ses pieds pour lui demander pardon et survivre encore autour des cercles du pouvoir profitant de fait de ses atours et ses beautés. Katumbi même porté par le G7 compte encore dans les rangs de ce groupe quelques ennemis qui ne manqueront pas, une fois qu’il sera au pouvoir, de venir lui lécher les bottes pour lui demander pardon. Ainsi va l’Afrique.
La dénonciation outrageuse existe aussi, dans un pays comme le Gabon. Aly bongo, candidat à la succession de son père et devenu Président du Gabon (bien ou mal élu) a vu les anciens coursiers de son père, courir annoncer dans les médias, (encore eux), que le bonhomme, n’était pas issu de la descendance directe des Bongo-Ongimba, comme Pascaline et les autres. Celui qui a été ministre, pas super ministre comme Karim (certains cadres et universitaires gabonais étant beaucoup plus diplômés que lui), celui qui a approché tous les collaborateurs de son père, et avec souvent un large sourire et de l’amitié, est devenue à tort ou à raison et au gré des campagnes présidentielles, un «mal né» pour les uns, un fils indigne pour les autres.
Ainsi va aussi, la démocratie en Afrique. Et le comble, c’est quand on a entendu, une vieille personne comme Abdoulaye Wade, ancien chef d’Etat, traiter son successeur, de « sous-homme » par sa descendance, pour dire qu’on ne sait plus où donner de la tête quand on parle de démocratie en Afrique.
Mettez le mot «démon» avant, que que vous n’aurez pas fini de trouver le vrai sens de ce mot. Une, voire deux thèses de Science Po ne suffirait pas non plus. Et en cette année d’élections présidentielles dans nombre de pays et à la veille de certaines qui ne se tiendront pas une fois encore aux dates prévues, l’invective, la haine et le mensonge vont être encore les principaux actes posés pendant ces batailles qui devraient être pourtant simplement vues sous l’angle humain. Et, si les mouvements citoyens, au prix de la négociation, mais aussi du sang et de la sueur, ne s’en mêlent pas, il sera difficile de faire avancer la démocratie, les notions de liberté et de droits de l’homme sur le continent.
NEGROLOGIE : Quand la société civile s’érige en gardienne de la constitution
« Y’en a marre », le M23 ou encore « Le Balai citoyen » comme le Forum civil et la Raddho, jusqu’aux Assises nationales initiées au Sénégal sous la forme d’espace dialogue, sont aujourd’hui des cadres rares qui parlent de temps à autres de principes et de défense des droits. Mais cela peut-il suffire ? L’émergence de ces mouvements citoyens qui en irritent plus d’un défenseur des pouvoirs établis, a permis de corriger un certain nombre d’injustices, mais cela ne suffit pas encore à enraciner la démocratie sur le continent. Dans chaque pays, il y a un cas pareil, mais on le doit au sommeil des partis et des appareils présidentiels, à l’infertilité et la pauvreté du débat. Ces cadres traditionnels de l’exercice de la démocratie ne servent presque plus à grand-chose. On est à la solde de…
Dès qu’on accède au pouvoir, plus de débats internes, plus d’opposition à l’homme ou la femme qui incarne ce pouvoir. Sa femme devient Vice-président, même si la Constitution ne l’écrit tout net : c’est le cas au Cameroun avec l’exubérante et introvertie, Chantal Biya. C’est le cas ici aussi au Sénégal avec une femme de Président qui se réfugie derrière une fondation pour tirer les ficelles pour son mari. Et ce ne sont pas des exceptions. De l’intérieur, les amis du Président le savent ; mais ils ne veulent rien dire. On profite du pouvoir et de ses énormes potentialités à nourrir et enrichir de pauvres gens d’hier. Alors, c’est là où le travail du mouvement citoyen peut intervenir dans la dénonciation, l’argumentation et la bataille, devient le levier qui permet d’éviter ces dérapages au sommet des Etats qui rendent service ni à la République, encore moins à ceux ou celles qui pensent l’incarner pour un moment.
Avec Afronline et Vita (It) , Jeune Afrique, RFI
source: http://www.sudonline.sn/y-a-t-il-des-noms-au-dessus-ou-au-dessous-de-tout-_a_30525.html